Fermeture de la prison de Serkadji
Le ministre de la Justice la annoncé hier
Fermeture de la prison de Serkadji
Le Quotidien d’Oran, 12 décembre 2002
Les journées détude sur la présomption dinnocence et la détention provisoire nont pas été vaines. Hier, en clôture, le ministre de la Justice, Mohamed Charfi, a annoncé les premières mesures urgentes décidées par le chef du gouvernement. Il sagit de mesures touchant le monde carcéral, le statut de la magistrature et le devenir des magistrats et du Conseil supérieur de la magistrature.
Ainsi, le gouvernement décide de fermer définitivement la tristement célèbre prison de Serkadji, qui a été, rappelons-le, transformée en musée pendant quelque temps sous le régime du premier président de la République, Ahmed Ben Bella. Il a également été décidé de transformer lautre non moins tristement célèbre maison darrêt algéroise dEl-Harrach en un lieu à réserver uniquement pour les personnes qui tombent sous le coup de la détention préventive ou provisoire, faisant delle une sorte de centre de transit plus humanisé pour suspects, ainsi que la construction dun pénitencier dans une ville de lest du pays, sans dautres précisions.
Le ministre a également révélé sa décision de mettre sur pied «la commission de coordination et de suivi des réformes», une commission qui fonctionnera «à titre permanent» et qui sera «placée sous mon autorité directe», déclare-t-il. Cette commission est sans doute une alternative à une autre similaire créée il y a deux années, sous lancien ministre Ouyahia, et qui na pas atteint ses objectifs. Autre décision annoncée, ou plutôt confirmée hier par le Garde des Sceaux, cest celle de la présentation «dans les prochaines semaines» dune nouvelle mouture sur le statut de la magistrature, qui sera ainsi étudiée en conseil de gouvernement, puis en conseil des ministres, avant dêtre soumise à lexamen du Parlement «durant la prochaine session printanière». En outre, il a été décidé dorganiser huit (08) autres séminaires ou journées détudes brassant ainsi lensemble des thèmes de la justice.
Un magistrat au fait du projet nous a également révélé le lancement dans les mois à venir, au sein de lInstitut national de la magistrature, dune session de formation spécialisée destinée aux journalistes, à leffet de les sensibiliser et de leur inculquer les notions élémentaires du respect des droits des justiciables.
M. Charfi a aussi indiqué que la prise urgente de ces premières mesures sera suivie par dautres «dans les plus brefs délais», à la lumière de pas moins de 27 recommandations émanant des deux ateliers mis sur pied hier. Il a estimé quau centre des enjeux de ces journées détude, se trouve «la question des libertés individuelles» et «le lien organique» avéré avec le respect des droits de lHomme, dont «la préoccupation est de plus en plus grandissante». Un des autres objectifs est «la recherche dalternatives» garantissant le respect de la présomption dinnocence, confirmant du coup le caractère exceptionnel de la détention préventive. Au sujet des débats, il a exprimé sa satisfaction dans la mesure où «tout a été cerné». Durant la deuxième journée dhier, la question de lindemnisation des victimes derreurs judiciaires a été le principal sujet en débat. Mohamed Zeghloul Boutaghène, premier président de la Cour suprême, également président de la Commission nationale dindemnisation et auteur dune communication à ce sujet, a affirmé à la presse que la commission quil préside a été créée le 26 juin 2001, et quen six mois, elle a réceptionné 240 requêtes dindemnisations qui «seront traitées au cas par cas».
Sexprimant en marge des travaux, M. Boutaghène avance que, désormais, cest une nouvelle tradition qui va sasseoir dans notre justice, conformément aux recommandations du président de la République. Aucune décision na été encore prise. Et pour linstant, la commission sattelle à définir les critères et les seuils dindemnisation. La mesure touchera aussi bien les personnes jugées et victimes derreurs que celles détenues à titre préventif mais libérées en cours dinstruction. Avec cette précision que seules les victimes derreurs judiciaires postérieurement à la date du 26 juin 2001 seront concernées par la tentative de réhabilitation morale et matérielle. Les 27 recommandations émises hier lont été «sur la base de lunification des points de vue» sur lapplication des dispositions du code de procédures pénales, révisé en juin 2001. Parmi elles, il faut souligner celle du renforcement du principe de la présomption dinnocence par ladaptation de la législation algérienne aux normes du droit international, la limitation de lusage parfois excessif des mandats darrêt et la limitation du renouvellement systématique de la détention préventive, la permission à toute personne écartée de contacter le monde extérieur, dont un avocat, et la séparation dans les maisons darrêt des prisonniers condamnés de ceux placés en détention provisoire.
Salim Bouakkaz