Les disparus au menu

Les disparus au menu

Aït-Chaâlal Mouloud, Jeune Indépendant, 23 mai 2000

Le dossier des disparus constituera vraisemblablement l’un des terrains
d’exploration de l’organisation non gouvernementale des droits de l’homme
Human Right Watch (HWR), et cela, dans la foulée de sa sour de combat Amnesty
International qui a effectué récemment un séjour en Algérie, le premier dans
le calendrier des quatre ONG invitées par l’Etat.
Le sujet demeure brûlant et a suscité les réactions les plus controversées
entre l’Etat et ces ONG des droits de l’homme et entre l’Etat et
l’Association nationale des familles de disparus (ANFD). D’ailleurs, cette
ONG avait auparavant apostrophé l’Etat algérien à plusieurs reprises sur ce
thème.

Ce qui explique la montée au créneau à la veille de la visite de HWR en
Algérie du ministre de la Justice, Ahmed Ouyahia, qui n’a pas manqué
d’apporter de l’eau au moulin sur ce sulfureux dossier. Pour le titulaire de
la chancellerie, il ne subsiste pratiquement plus de disparus compte tenu du
fait que « les enquêtes judiciaires diligentées par le parquet de la République
, en vue de lever le voile sur les cas de plus de 3 000 dossiers, ont révélé
qu’un très grand nombre de disparus étaient en fait dans les rangs des
groupes terroristes, tout comme elles ont prouvé que près de deux cents
personnes étaient bien vivantes soit dans les prisons, soit parmi les
bénéficiaires de la loi sur la rahma ou de la loi sur la concorde civile ». La
déclaration du ministre de la Justice est perçue comme un aveu à peine voilé
de l’inexistence des disparus, ce qui, par conséquent, constitue une fin
non-recevoir aux doléances de leurs familles qui réclament, depuis septembre
1997, la lumière sur plus de 3 500 cas de disparition. De tels propos
risquent, à l’évidence, de provoquer l’ire des familles des disparus qui
avaient occupé le haut du pavé, le 7 mai, devant le siège du ministre de la
Justice qui accueillait alors la délégation d’Amnesty International. Cela est
d’autant plus vrai que des familles de disparus se sont vu signifier de faire
une croix sur leurs disparus, en acceptant de retirer les actes de décès de
leurs proches, chose qu’ils ont catégoriquement rejetée. La position de la
chancellerie, devenue coutumière à chaque fois que la question des disparus
est soulevée, est considérée par des partis politiques et les familles des
disparus comme une porte dérobée visant à occulter un des chapitres
dramatiques de la tragédie nationale et qui, selon eux, s’inscrit en faux par
rapport aux efforts du président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika,
visant à tempérer les passions des uns et des autres pour mieux asseoir la
concorde civile. Le président de la République avait évité de se montrer
catégorique sur la question. C’est ainsi qu’il avait affirmé qu' »en une
décennie de terrorisme, de règlements de comptes et de violence, il n’est pas
aisé d’aller avec quelque certitude que ce soit vers la vérité ». Il avait
même promis que « la prise en charge par l’Etat se fera sur un plan
sécuritaire et sur un plan de recherche scientifique en coopération avec des
pays amis qui ont offert d’aider l’Algérie à faire avec elle des recherches ».
A ses yeux, « la concorde civile, assurée et bientôt irréversible, facilitera
grandement ce travail de prospection, d’investigation et de recherche de la
vérité afin de rendre plus crédible l’institution républicaine et plus
tangible l’Etat de droit ». C’est en tout un cas un dossier qui demeure
d’actualité pour les ONG de défense des droits de l’homme, notamment HRW
laquelle fait son retour en Algérie après sa dernière visite en 1977.