Procès des étudiants de Ben Aknoun

Procès des étudiants de Ben Aknoun

Le tribunal prononce des peines avec sursis

Par Farouk Lekhmici, Liberté, 17 mars 2005

Le tribunal de Bir Mourad Rais a rendu hier son verdict dans le procès des étudiants de Ben Aknoun, condamnant deux d’entre eux à une année de prison avec sursis et trente autres à quatre mois de prison avec sursis. L’affaire a été jugée en audience le mercredi 9 mars, et les prévenus ont eu à répondre des chefs d’accusation d’“incitation à attroupement”, d’“attroupement” et de “séquestration de personne”. La représentante du ministère public avait alors requis des peines de deux ans de prison ferme contre Babi Achour, étudiant de quatrième année sciences politiques, et Lardjimi Farid, deuxième année sciences de la mer, d’une part, deux mois de prison ferme contre chacun de leurs trente camarades. À la faveur de ce verdict, Achour et Farid, qui se trouvaient sous mandat de dépôt à la prison d’El-Harrach depuis plus de deux mois, devaient retrouver leur liberté dès hier en début d’après-midi. À leur sortie du tribunal, et bien que sous le coup d’une condamnation qu’ils qualifient d’“injuste”, de “sévère”, voire de “scandaleuse” pour certains, les étudiants n’ont pas caché leur joie de “ne pas avoir à croupir dans une cellule à El-Harrach” et surtout leur bonheur, disent-ils, de “retrouver enfin Achour et Farid qui, eux, ont déjà lourdement payé”. La genèse de l’affaire remonte au 13 décembre dernier. Ce jour-là, les forces de l’ordre avaient procédé à l’arrestation de six étudiants, dont Merzouk Hamitouche. Ils étaient accusés d’avoir, la veille, lors d’un mouvement de protestation, détruit des locaux de l’administration de la cité universitaire Taleb-Abderrahmane.
Contrairement à ses camarades qui seront remis en liberté conditionnelle, Hamitouche sera maintenu en détention pendant 61 jours. C’est durant cette période, précisément dans la soirée du 10 janvier, que les étudiants avaient organisé un rassemblement dans l’enceinte de leur faculté, à Ben Aknoun (ex-ITFC), dans le cadre d’un mouvement de solidarité qui avait gagné d’autres villes universitaires, notamment Tizi Ouzou et Béjaïa.
Cette action avait été durement réprimée par les forces de l’ordre qui, intervenant à la demande du recteur de l’université et du doyen de la faculté, avaient procédé à de nouvelles arrestations parmi les étudiants qui seront accusés d’ “incitation à attroupement”, d’“attroupement” et de “séquestrer” le doyen. Des chefs d’accusation que les avocats de la défense, dont certains ont été constitués par les accusés et d’autres, comme Me Guenane Abdelmoutalib, par la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (Laddh) et d’autres encore par le FFS, s’étaient employés à démolir méthodiquement lors de l’audience du 9 mars. Le collectif de la défense compte faire appel du verdict rendu hier. “Un acquittement pur et simple est le seul verdict acceptable”, disait Me Guenane.
——————–

Le collectif des étudiants d’Alger réagit

“Le pouvoir veut nous faire taire”

Par Rédaction de Liberté, 17 mars 2005

Le Collectif de étudiants autonomes de l’Université d’Alger, réagissant hier au verdict du tribunal de Bir-Mourad-Raïs, a dénoncé la volonté manifeste des autorités d’interdire “tout regroupement d’étudiants à l’intérieur de la faculté”, s’est dit “mobilisé” pour défendre les droits des étudiants et appelle ces derniers à rester “attentifs à tout frémissement du vent de liberté en ces moments de régression, (…) et de recul des luttes”. Dans une déclaration parvenue à notre rédaction, le collectif estime que les tentatives de musellement dont font l’objet les étudiants sont de nature à “légaliser la violence dans les campus universitaires” et qu’elles visent à “casser toutes les formes d’organisations autonomes et syndicales” et à “faire taire les étudiants à jamais”. Les rédacteurs de la déclaration constatent que les pratiques “tyranniques et répressives du pouvoir” sont révélatrices de son incapacité à concevoir “une vision claire et rationnelle” à même de résoudre “la crise qui a sclérosé l’université” et regrettent que ce même pouvoir ait “délégué ses responsabilités à la police et aux délateurs de tous bords”.