Une semaine après avoir fait appel contre la libération d’un Algérien : Le gouvernement canadien débouté

Une semaine après avoir fait appel contre la libération d’un Algérien : Le gouvernement canadien débouté

par Mohamed Khellaf, Le Jeune Indépendant, 11 juin 2006

Une semaine après avoir introduit un recours contre la libération conditionnelle de l’Algérien Mohamed Harkat, le gouvernement canadien a été débouté avant-hier par un juge fédéral qui a estimé que l’appel est injustifié. Les procureurs fédéraux avaient déposé la requête au niveau de la Cour d’appel fédérale et le juge Robert Decary n’a relevé aucun motif permettant de suspendre la libération conditionnelle accordée à l’Algérien, a rapporté hier la presse canadienne.

Harkat avait été libéré alors sous de strictes conditions par la Cour fédérale d’Ottawa après avoir purgé près de quatre ans de prison sans jugement en vertu d’un certificat de sécurité, une mesure mise en place en 1991 par les autorités canadiennes permettant l’expulsion ou l’emprisonnement d’un résident permanent ou d’un immigrant soupçonné de menacer la sécurité du pays.

Marié à une Canadienne, il avait obtenu le statut de réfugié en 1997. Son incarcération avait suscité une vague d’indignation dans les milieux des droits civiques canadiens. Le 23 mai, la juge fédérale Eleanor Dawson s’était prononcée pour sa libération, évoquant des «délais inexpliqués», de sa longue détention depuis décembre 2002 sous le motif qu’il aurait eu des liens avec le réseau terroriste El-Qaïda.

Sa libération est assortie du paiement d’une caution de 35 000 dollars canadiens, une somme jugée exorbitante pour un homme détenu depuis quatre ans et qui auparavant travaillait comme livreur dans une pizzeria. Harkat, 37 ans, est également soumis à des conditions draconiennes.

Il ne pourra pas quitter son appartement sans l’autorisation des agents fédéraux et seulement en compagnie de sa femme ou de sa belle-mère. Il devra porter un bracelet électronique (GPS) pour localiser ses déplacements, et accepter que sa ligne téléphonique soit sous écoute et toutes communications écrites passées au crible.

Il ne pourra pas utiliser Internet et devra remettre tous ses documents de voyage. Il lui sera également interdit de parler en arabe. Suite à cette libération, le ministère de la Justice, le aministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, ainsi que celui de la Sécurité publique et de la Protection civile ont rapidement fait appel de la décision.

Ils ont aussi demandé son maintien temporaire en détention jusqu’à l’audition de l’appel, le 13 juillet, arguant avoir «de bonnes raisons de croire que M. Harkat pose un risque à la sécurité nationale» et qu’il ne devait donc pas être libéré.

Le juge Décary a, dès lors, rejeté la demande du gouvernement, estimant qu’il n’avait pas de raisons de remettre en cause le jugement de sa collègue et de croire qu’une libération de M. Harkat dans les conditions fixées par la Cour «représenterait un danger ou une menace».

Même si aucune accusation n’a jamais été déposée contre lui, il est demeuré en détention depuis. Il pourra bientôt retourner chez lui à Ottawa. Les avocats de M. Harkat devraient être entendus mardi et mercredi prochains par la Cour suprême canadienne pour contester la constitutionnalité du certificat de sécurité émis contre leur client et de le sauver contre l’expulsion.

Son avocat Me Matthew Webber avait affirmé à Radio Canada que sa détention ainsi que son éventuelle expulsion ne reposaient sur aucune base légale et rien n’a été apporté par le gouvernement pour étayer ces soupçons qui pèsent contre leur client.

De même, ces avocats reviendront en Cour d’appel fédérale le 13 juillet pour défendre sa libération conditionnelle. M. K.