Législation algérienne de la garde à vue: le travail que Me Ksentini ne fait pas

Législation algérienne de la garde à vue: le travail que Me Ksentini ne fait pas

Le CFDA et Sos Disparus tiennent à rappeler quelques principes de droit, en partie consacrés par la législation algérienne, qu’il aurait été approprié d’utiliser en réaction à la disparition de M. Koullal depuis le 5 septembre dernier.

Me Ksentini ne comprend pas pourquoi la famille de M. Koullal et nos associations s’inquiètent de cette disparition puisque, jusqu’à aujourd’hui, les délais de garde à vue n’avaient pas été dépassés. La question de la garantie du droit de ce citoyen algérien à la sécurité et à la liberté de sa personne, à ne pas être exposé à la torture et à des conditions humaines de détention, n’effleure pas cet avocat des droits de l’Homme qui estime qu’une garde à vue au secret de plus de dix jours est justifiée au motif qu’il s’agirait, selon sa « conviction », d’une affaire liée au terrorisme.

Me Ksentini n’hésite ainsi pas à piétiner le principe de présomption d’innocence. Il écarte d’un revers de main les lois algériennes censées protéger de l’arbitraire de l’Etat et, par extension, de la disparition forcée, les personnes gardées à vue. La loi algérienne sur la garde à vue, modifiée en 2006, a amené quelques petites améliorations en matière de protection des personnes bien qu’elle ait omis de consacrer un droit aussi fondamental que celui d’accéder à un avocat. Encore faudrait-il que cette loi soit respectée et que le 1er avocat chargé des droits de l’Homme, au titre de sa qualité de Président de la CNCPPDH, lui donne tout son sens en se souciant de son application effective.

En effet, depuis 2006 seulement, la loi encadre la prolongation de la garde à vue qui ne doit pas dépasser les 48h, hormis dans certains cas expressément prévus. La loi autorise effectivement la prolongation du délai de garde à vue, jusqu’à 5 fois lorsqu’il s’agit de « crimes qualifiés d’actes terroristes ou subversifs », mais elle la conditionne à une autorisation écrite du Procureur de la République chaque 48 h (article 51 du code de procédure pénale). Tout bon défenseur des droits de l’Homme aurait donc dû, en premier lieu s’enquérir auprès du Procureur de la République de l’application de cette disposition, du lieu de détention de M. Koullal, des raisons de sa garde à vue et du sort qui lui est réservé.

Par ailleurs, la loi mentionne explicitement que «Tout en veillant au secret de l’enquête, l’officier de police judiciaire est tenu de mettre à la disposition de la personne gardée à vue tout moyen lui permettant de communiquer avec sa famille et de recevoir des visites » (article 51bis1 du code de procédure pénale). L’article 52 § 4 du même code indique ensuite que « la garde à vue doit avoir lieux dans des locaux appropriés à la dignité humaine et destinés à cet effet ». Enfin, l’article 51 § 6 prévoit que « la violation des dispositions relatives aux délais de garde à vue […] expose l’officier de police judiciaire aux peines encourues en matière de détention arbitraire ».

Or M. Koullal n’a visiblement pas pu bénéficier du respect de ses droits puisque sa famille n’a pu entrer avec lui à aucun moment depuis le 5 septembre.

Le Collectif des familles de disparus en Algérie déplore au plus haut point l’absence de culture des droits de l’Homme dont fait preuve Me Ksentini. Le président d’une Commission nationale des droits de l’Homme indépendante aurait placé la protection des droits fondamentaux du citoyen algérien au centre de sa préoccupation en rappelant les lois. Le président de la CNCPPDH, lui, défend l’arbitraire de l’Etat et ose proclamer « ennemis de l’Algérie » les personnes, les associations ou les ONG internationales qui font le travail qu’il ne fait pas.

Paris, le 16 septembre 2010

Nassera Dutour
Porte-parole du CFDA