Disparitions forcées  
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Nom : Azizi

Prénom : Abdelkrim

Date de naissance (ou âge)  : 25 mars 1941

Etat-civil   : Marié

Nombre d'enfants :

Profession : Enseignant

Adresse : El Harrach (Alger)

Date de l'arrestation : 22 septembre 1994

Heure : 1 heure

Lieu de l'arrestation : domicile familial

Agents responsables de l'arrestation : Policiers.

Résumé des faits : Arrêté ainsi que son fils Abdessamad âgé de 18 ans, le 22 septembre 1994 à 1 heure du matin à son domicile par des policiers cagoulés. Il a été torturé dans sa salle de bain devant son épouse et ses trois filles. Aurait été transféré, selon sa famille au commissariat de Bourouba ainsi que son fils. Un témoignage adressé par un officier de police nommé Rebaï Mohamed au président de la république (avril 2000) signale que le citoyen Azizi Abdelkrim et son fils Abdessamad avaient été exécutés sommairement par le commissaire O.A.Boualem. de Bourouba.

Lieu (x) où la personne disparue a été localisée éventuellement :

•  Commissariat de Bourouba (Alger)

Démarches entreprises par la famille :

•  Plainte auprès du tribunal d'El Harrach.

•  Lettres au président de la République, aux ministres de la justice et de l'Intérieur, à l'ONDH.

Observations :

•  Ancien maquisard de la guerre de libération nationale.

•  Aurait été exécuté ainsi que son fils Abdessamad par le commissaire O.A. Boualem selon le témoignage de l'officier de police Rebaï Mohamed.

Témoignage de la famille   : (sa fille)

Je vais vous raconter l'histoire du drame d'une famille parmi tant de drames que vit l'Algérie.

Notre drame commença en 1992. Nous avons eu, comme la majorité des enfants de ce peuple, à subir les exactions des forces dites de sécurité.

Le premier drame dans ma famille eut lieu le 14 novembre 1992 à 8 heures. Nous avons été surpris par l'irruption des forces dites de sécurité qui ont encerclé notre domicile puis ont entrepris une fouille minutieuse de toute la maison durant une heure.

Mon père fut menacé d'indiquer où se trouvait mon frère, sinon il serait arrêté. Ils se sont alors dirigés vers le lycée où enseignait mon frère et l'arrêtèrent. Il fut transféré au centre de torture de Châteauneuf où il fut séquestré durant un mois, période durant laquelle il fut affreusement torturé.

Après un mois de séquestration et de tortures, il fut transféré à la prison d'El Harrach où il fut mis en isolement durant 15 jours avant d'être transféré vers la prison de Serkadji.

Après 9 mois de détention préventive dans cette dernière prison, il fut condamné par le tribunal d'Alger à 10 ans de prison. Il fut alors transféré au bagne de Berrouaghia où il demeure à ce jour, à la merci des exactions des gardiens.

Le mercredi 22 septembre 1994, furent arrêtés mon père Abdelkrim avec mon autre frère Abdessamad à 1 heure du matin. Nous dormions quand subitement la porte d'entrée de notre domicile fut fracassée par les forces dites de sécurité qui envahirent la maison alors que nous étions dans nos lits. Ces policiers étaient dirigés par un certain Boualem Ould Ammi, du commissariat de Bourouba et un policier surnommé Boumenguoucha (il portait une croix comme boucle d'oreille).

Au moment de l'invasion, mon père dormait. Il fut réveillé brutalement par les policiers qui firent irruption dans sa chambre. Il fut brutalisé et jeté à terre.

En quelques minutes, la maison se transforma en ruines. Mon frère, mes sours et ma mère furent isolés dans une chambre et mon père dans une autre.

Ils prirent mon jeune frère Abdessamad qui n'avait pas encore atteint 18 ans. Ma mère tenta d'intervenir pour dire que c'était un mineur et qu'ils ne devaient pas le prendre. Il lui fut répondu que c'était seulement pour quelque temps, le temps d'une enquête sur certains papiers. Nous ne le reverrons plus jamais.

Ils ont refermé la porte de la chambre sur nous. Avant cela, j'avais vu des policiers bander les yeux de mon père et le conduire à la salle de bains. Ils prirent des chiffons et des ustensiles dans la cuisine pour les utiliser comme moyens de torture contre mon père. Les policiers prenaient tout ce qui était à leur portée sans gène. Ils mangeaient tout ce qu'ils trouvaient dans la cuisine. L'un d'eux nous dit : « Vous vivez dans tout ce luxe alors que nous, nous ne possédions rien ! »

Ils ne respectèrent même pas l'âge de mon père qui approchait la soixantaine. Ma mère fut insultée, sans aucun respect pour son âge. Mon père et ma mère avaient perdus leurs pères durant la guerre de libération en martyrs.

Puis un policier vint dans notre chambre. Il prit ma grande sour pour un interrogatoire. Elle fut interrogée sur nous, mes frères, l'activité de mon père. Ils criaient et se moquaient d'elles. La maison fut envahie de fumée des cigarettes des policiers qui transformèrent la maison en fumoir.

Les policiers se mirent alors à torturer mon père dans la salle de bains. Ils lui pratiquèrent la technique du chiffon puis lui versèrent de la colle forte (Araldite) sur sa barbe et tentèrent de l'arracher. Nous entendions mon père crier de toutes ses forces.

Ma grande sour ouvrit la porte de la chambre où nous étions isolés et se mis à supplier les policiers d'arrêter le supplice du père mais sans résultats. Elle fut violemment tirée par les cheveux et poussée dans la chambre puis jetée à terre.

Aux environs de 4 heures du matin, les policiers nous avertirent de ne pas ouvrir la porte de la chambre et qu'en cas de refus, ils allaient brûler la maison.

Ils descendirent alors au magasin de mon père, au rez-de-chaussée et raflèrent tout ce qui était à leur portée. Ils prirent les bijoux, l'argent, les produits alimentaires. Même nos papiers personnels furent volés. Nous sommes restés du jour au lendemain sans pièces ni documents d'identité. Puis ils partirent avec mon père et mon frère mineur. Mon père est sorti en pyjama.

Nous étions terrorisées même après leur départ. Nous nous sommes rendues dans la salle de bain. Les murs et le carrelage étaient tâchés du sang de notre père. La porte de l'extérieur était défoncée et fracturée. C'était un spectacle de désolation.

Ma mère est allée le lendemain au commissariat de la Cité La montagne (Bourouba). Elle y a rencontré les policiers qui avaient envahi durant la nuit la maison. Ils nièrent toute implication dans ce qui s'était passé la nuit chez nous la menaçant : «  Si tu reviens ici, tu verras ce qui t'attendra. Nous ne sommes pas fous d'arrêter un vieux et un enfant ! ». Extraordinaire ! ! Ils niaient les méfaits qui nous ont fait subir durant des heures alors que ma mère les avait formellement reconnus.

Le lendemain très tôt, elle revint au commissariat en insistant pour voir notre père et notre frère. Un des policiers lui dira de revenir à 10 heures. En retournant à l'heure indiquée comme promis, elle trouva un autre policier qui lui dit ironiquement : « Celui qui t'a dit de revenir à 10 heures est mort ».

Nous avons adressé des lettres à toutes les autorités de ce pays, mais c'est un silence désolant qui nous répondait. Nous avons adressé une plainte au président de la République. Aucune réponse.

Nos malheurs ne s'arrêtèrent pas là. Notre domicile était depuis, régulièrement perquisionné, de jour comme de nuit, dans l'arbitraire le plus total. Personne ne pouvait et ne devait broncher. A chaque « visite » impromptue, les policiers raflaient tout ce qui les intéressait comme bijoux, argents, objets de valeur, aliments. Même nos invités qu'ils trouvaient à la maison étaient soumis à des coups et des injures.

Nous étions terrorisées par ces actes barbares impunis. Nous étions contraints de prendre ce qui nous restait comme effets et de partir vers des cieux que nous croyions plus cléments.

 
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Décision du Comité des droits de l'homme (29.04.14)  
www.algeria-watch.org