Une vieille histoire

Une vieille histoire

par K. Selim, Le Quotidien d’Oran, 26 août 2009

La décision de recourir à des sociétés étrangères pour contrôler les importations avant leur expédition, ouverte par la loi de finances complémentaire, suscite des commentaires contradictoires.

Comme tout ce qui concerne le juteux commerce extérieur, domaine par excellence de la prise de rente, les arguments sont confus et convoquent sans façon les aspects émotionnels comme la souveraineté et les intérêts supérieurs de la nation. On se souvient encore des attaques virulentes subies par Ghazi Hidouci, l’ancien ministre de l’Economie sous le gouvernement Mouloud Hamrouche, pour avoir mis en place, avec l’appui d’un cabinet de consultant étranger, ACT, un observatoire du commerce extérieur. La violence des attaques, avec mise en doute du patriotisme des membres du gouvernement de l’époque, était grossière. Son aspect disproportionné montrait clairement que le contrôle et la gestion transparente du commerce extérieur sont un enjeu sensible en Algérie. C’est en effet à ce niveau que la rente pétrolière se redistribue.

C’est une fort vieille histoire que le pays ne parvient pas à régler au mieux de l’intérêt général. En tout cas, beaucoup d’Algériens qui ne sont pas des opérateurs de l’import-import ont appris, à l’expérience, à faire preuve de beaucoup de circonspection quand on invoque la notion de souveraineté pour s’opposer à une mesure quelconque.

Dans l’économie, à plus forte raison quand elle est une économie d’importation, on apprécie seulement en termes de gains et de pertes. La notion de souveraineté devrait être préservée à de meilleurs usages. Elle devrait même être réhabilitée quand on sait que dans une forme d’humour noir, elle a été associée aux « commissions ». Il convient donc de rester fermement sur le seul terrain de l’économie.

L’unique question valable est de savoir si le recours à ces sociétés d’inspection avant expédition est utile ou non. Bien entendu, quand le gouvernement algérien décide de recourir à ce mode de contrôle, cela équivaut à un constat d’échec. Le recours aux sociétés étrangères constitue un aveu implicite que l’on doute – c’est un euphémisme – de la capacité des moyens de contrôle nationaux à contrer cet afflux de marchandises en tout genre et à stopper les transferts de capitaux sous couvert de surfacturation. On peut en tirer toutes les conclusions que l’on veut.

Si les douanes peuvent être considérées comme une institution de souveraineté, cela signifie que leur défaillance est d’une extrême gravité. On peut rester cependant sur le terrain simple des gains et des pertes et estimer que leur défaillance est mauvaise pour l’économie et que cela appelle des correctifs. Pourquoi ne pas moderniser cette douane ? C’est l’argument entendu. Il peut être valable, à condition de ne pas occulter ce que signifie le choix de recourir à un élément extérieur. Le gouvernement ne signifie-t-il pas que les structures de contrôle sont trop sous influence, voire sérieusement malades, pour que leur modernisation apporte une réponse à une situation jugée menaçante ?

Aucun discours de souveraineté ne peut en effet occulter que le marché algérien est devenu le déversoir de camelotes en tout genre, un antre de la contrefaçon. Aucun discours patriotique ne peut masquer que pendant que l’Algérie haletait vers des IDE problématiques, l’import-import était devenu un moyen de faire fuir les capitaux. La solution choisie peut léser des intérêts établis, on peut difficilement y voir une menace à la souveraineté nationale.

Est-elle la bonne ? La réponse sera donnée, peut-être, dans les futurs chiffres du CNIS.