Les stratégies de l’échec

Les stratégies de l’échec

par K. Selim, Le Quotidien d’Oran, 26 avril 2009

Les guerres occidentales sous leadership américain se suivent et se ressemblent. Ces conflits, toujours asymétriques, c’est-à-dire menés contre des ennemis beaucoup plus faibles, matériellement et technologiquement, aboutissent avec une implacable régularité à des situations qui ressemblent fort à des défaites en bonne et due forme. Que ce soit en Somalie, en Afghanistan ou en Irak, les moyens militaires mis en oeuvre crescendo finissent par renforcer l’adversaire, en aggravant au-delà de toute mesure la situation sociale et économique des pays du champ de bataille.

L’accueil fait au chef du toujours fantomatique Etat somalien à Bruxelles est un révélateur exemplaire de l’échec des stratégies guerrières occidentales. Cheikh Charif Ahmed, ex-coleader de l’Union des tribunaux islamiques (UTI), est aujourd’hui présenté comme un islamiste « modéré », après avoir été vilipendé pendant des années par les médias « civilisés ». Après avoir été accusé de collusion avec Al-Qaïda, le voilà remis au centre du jeu politique par la radicalisation d’une grande partie de l’opposition qui se reconnaît dans les « chabab ».

La guerre menée aux Tribunaux islamiques par Ethiopie interposée n’a fait qu’aggraver la situation interne du pays. Elle a permis le développement d’une industrie de la piraterie qui oblige les pays riches à déployer, sans grand succès, une énorme force navale au large des côtes d’un des pays les plus pauvres de la planète. La reconnaissance tardive de l’islamiste « modéré » Charif Ahmed permettra-t-elle de stabiliser la Somalie ? Rien n’est moins sûr.

En Irak, les centaines de milliers de morts et la destruction du pays par l’armée américaine ont installé durablement la terreur et la violence comme moyen unique d’expression politique. Les jeux américano-israéliens, visant à diviser sur une base religieuse la population, ont détruit la société irakienne mais n’ont pas permis à l’armée des Etats-Unis de proclamer la moindre victoire. Le pays est extrêmement instable, le regain d’activité des radicaux d’Al-Qaïda en est la meilleure preuve. En Irak, le discrédit qui frappe les Etats-Unis et leurs alliés semble irrémédiable. Les Irakiens savent, pour en payer le prix le plus terrible, que les Etats-Unis ne sont pas les fourriers de la démocratie mais bien ceux de la mort.

Les mêmes logiques de force mises en oeuvre en Afghanistan et l’élargissement de la guerre aux zones tribales du Pakistan voisin contribuent à renforcer spectaculairement les rangs et l’influence des Talibans. Ces derniers peuvent défiler en toute tranquillité à proximité d’Islamabad. L’extension du conflit soutenue par Barack Obama se révèle ainsi dangereusement contre-productive…

Ces échecs sont ceux d’une ligne aussi agressive qu’inepte définie par les think-tanks néoconservateurs de Washington. La spectaculaire inculture politique des théoriciens de la doctrine militariste – quiconque a entendu les divagations géostratégiques de Richard Perle en sait quelque chose – a trouvé dans l’idéologie néoconservatrice le terreau politique idéal. Fondée sur une représentation schématique du monde et le mépris pour toute forme de négociation, la logique des guerres impériales de ces dernières années se nourrit de préjugés et de clichés très éloignés des vérités du terrain. La supériorité matérielle, la puissance brute et l’arrogance ne sont pas des garanties de victoire. Que ce soit sur le terrain ou au plan symbolique, les Etats-Unis n’ont pas gagné ces guerres.