Et si l’échec de l’UPM remontait déjà à sa naissance

Et si l’échec de l’UPM remontait déjà à sa naissance

Boubekeur Ait Benali , 12 juillet 2013

Il y a cinq ans, l’union pour la méditerranée (UPM) est lancée en grande pompe à Paris. Bien que personne n’ait cru à des miracles, certains optimistes ont avancé tout de même un cadre dans lequel le conflit israélo-palestinien pouvait être débattu. Que reste-t-il aujourd’hui de cette organisation ? Quasiment rien, si l’on juge son bilan. De toute façon, l’UPM s’est avérée trop petite pour les enjeux géopolitiques en présence. En effet, bien que les pays de la Rive-Nord de la méditerranée songent en premier lieu aux échanges commerciaux, tout en excluant la mobilité des humains, la partie sud a émis d’emblée des doutes sur l’avenir radieux de l’UPM sans la prise en charge du conflit israélo-palestinien.

Cela dit, pour mieux comprendre la genèse du projet, un rappel de quelques faits est nécessaire. En fait, cette idée a germé lors de la campagne électorale française pour les élections présidentielles de 2007. Le 7 février, à Toulon, le candidat Sarkozy émet le vœu de relancer le processus de Barcelone. Dans son discours, il évoque « une union méditerranéenne ». Or, le processus de Barcelone, lancé en 1995, a été monstrueux. La politique ultra libérale qu’il prônait servait uniquement les intérêts des pays de la Rive-Nord. Et c’est en voulant dissimuler cette cupidité que Nicolas Sarkozy parle en 2007 d’un nouveau souffle en mettant en avant le principe de solidarité entre les pays.

En tout cas, en dépit de la profusion des déclarations, la nouvelle organisation en gestation n’est pas de nature à œuvrer pour le bien-être des populations de la Rive-Sud. En plus, même dans le cas où les intentions de Nicolas Sarkozy sont honnêtes, un pays appartenant à l’Union européenne a-t-il les coudées franches ? A cet effet, bien que l’Allemagne n’appartienne pas à l’espace méditerranéen, la chancelière Angela Merkel va peser de tout son poids pour que les contours de cette nouvelle union soient définis avant son lancement le 13 juillet 2008. Du coup, à son lancement, l’UPM se caractérise par sa faiblesse à s’affranchir de l’Union européenne. En outre, tous les sujets qui fâchent sont soigneusement évités. Du coup, à quelques mois après son lancement, l’UPM se trouve en état de survie. Et pour cause ! La présence d’Israël au sein de l’Union ruine toutes les chances de son succès.

Par ailleurs, bien qu’il soit un secret de polichinelle que les pays de la Rive-Sud souffrent du manque d’eau, un problème en plus évoqué par les initiateurs de l’UPM, les attentions vont au pays qui en souffre le moins. Ainsi, contrairement à ce qu’affirme Nicolas Sarkozy, le 13 juillet 2008, Israël ne souffre pas gravement. En fait, cet état contrôle 80% de l’eau palestinienne. Plus grave encore, l’état hébreu interdit aux Palestiniens de creuser des puits. Selon le chercheur palestinien, Abu Kishek, « le tracé du mur israélien à l’intérieur de la Cisjordanie suit à 100% le cours des bassins aquifères et nappes phréatiques. » Ainsi, en moyenne, un Israélien consomme quatre fois plus d’eau qu’un Palestinien.

Quoi qu’il en soit, bien que la mainmise sur cette richesse minérale soit pénalisante, la violence infligée au peuple palestinien s’apparente à un plan génocidaire. En effet, du 27 décembre 2008 au 17 janvier 2009, la bande de Ghaza fait l’objet d’un pilonnage sans vergogne de l’armée israélienne. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le bilan des pertes en vie humaine renseigne sur la barbarie de l’offensive. Résultat de la furie : plus de1300 morts et plus de 5000 blessés, recense l’UNRWA, un office de l’ONU.

Cependant, malgré la fin des opérations, Israël maintient son quadrillage. D’ailleurs, plusieurs humanistes qualifient la situation de Ghaza de prison à ciel ouvert. Dans ces conditions, à quoi servira une organisation –bien que sa préoccupation principale soit économique –si un des membres cherche à exterminer un autre membre ? Et paradoxal que cela puisse paraitre, des gouvernements européens évoquent la légitime de défense. Même l’assassinat des enfants [il y avait 410 enfants tués lors des opérations plomb durci de décembre 2008-janvier 2009] ne semble pas gêner les partenaires d’Israël.

En tout état de cause, pour Israël, que l’union soit bloquée ou pas, il n’est pas question de changer de politique. Et l’assaut donné à la flottille de la paix, le 31 mai 2010, étaie la thèse selon laquelle Israël refuse toute issue au conflit. Pour rappel, ce convoi humanitaire est stoppé violemment par la marine israélienne, empêchant ainsi l’aide alimentaire de parvenir aux habitants de Ghaza. Ainsi, tout ce qui peut soulager les Palestiniens est perçu comme une attaque et il est combattu par tous les moyens. Par ailleurs, bien que cet acte ne scelle pas définitivement le sort de l’UPM, son fonctionnement est de plus en plus évanescent. D’ailleurs, même concernant la réalisation des projets minimums, le bilan n’est pas reluisant. « La mise en œuvre progresse de façon inégale –les autoroutes sont au point mort –tandis que le reste des projets donne surtout lieu à des séminaires d’études », constate Dorothée Schmid, docteure en science politique.

En somme, il est clair que le bilan de l’UPM est plus que mitigé. Sa voix devient de plus en plus inaudible. Lors des révolutions de 2011, l’union a observé un silence radio. Car, les deux dictateurs déchus, Moubarak et Benali, sont accueillis avec des honneurs en 2008. Ce qui prouve encore une fois que cette union n’a jamais eu une vocation à être une union des peuples. Enfin, ce sont les divergences sur le conflit israélo-palestinien qui constituent le vrai point d’achoppement. Les reports successifs de ses sommets, à chaque fois que la tension subsiste au proche orient, assènent un coup terrible à son image. Ce qui donne au fond raison à certains observateurs parlant de la mort de l’UPM dés 2008. Pour reprendre le politologue, Mohamed Tozy, « l’UPM a toujours été morte ».

Ait Benali Boubekeur