D’Alger à Ghaza, la lutte pour la liberté

A l’occasion du 17ème anniversaire du Putsch

D’Alger à Ghaza, la lutte pour la liberté

Omar Benderra, Algeria-Watch, 11 janvier 2009

La réalité de l’Algérie, dix sept ans après le coup d état militaro-policier et l’interruption du processus électoral, est celle d’un naufrage. Après une première décennie de sang et d’atrocités, de massacres de grande ampleur, d’obscure guerre antisubversive, l’Algérie des généraux est celle du désespoir du plus grand nombre, de l’enfermement et de l’exode mortel de ses enfants. Aujourd’hui, face à des généraux dont le seul fait d’arme est d’avoir combattu leur propre population, se dressent les cadavres de milliers de jeunes gens noyés dans la méditerranée. La réalité du système policier est celle de ces morgues espagnoles ou italiennes dans lesquelles s’entassent les cadavres d’une jeunesse échouée sur les rives d’une Europe glacialement indifférente.

Le prétexte du coup d’état du 11 janvier 1992 était d’empêcher l’arrivée au pouvoir d’un régime religieux, obscurantiste et régressif. La situation du pays après dix-sept ans de folie criminelle est infiniment plus grave que celle qui prévalait à la veille du putsch. Le tableau est édifiant et ne souffre pas de contestation. Une poignée de généraux du sang et de la corruption, un simulacre tragi-comique de président à vie, une caste de parvenus incultes se livrant à l’affairisme sous ses formes les plus vulgaires et une société abandonnée à la religiosité maraboutique… La manne financière sans comparaison due à la hausse des prix pétroliers sur les marchés mondiaux ne s’est en aucune manière traduite par la dynamisation de l’activité ou l’amélioration des conditions d’existence des populations. Ce constat, qui est évidemment celui d’une formidable incompétence, révèle la nature d’un système militaro-policier exclusivement tourné vers le pillage. Mais, dans les circonstances actuelles ces éléments d’une faillite complète ne sont pas les plus graves.

En effet, cette sinistre commémoration intervient au moment où le peuple de Palestine subit à Ghaza une épouvantable exécution dans le silence embarrassé ou directement complice des régimes arabes. Avec quel autre peuple l’Algérie a-t-elle tant en commun ? A notre grande honte, le régime militaire d’Alger et ses faire-valoir civils imposent une sorte de service minimum de la solidarité à huis-clos et affichent un profil diplomatique très bas. A la hauteur exacte des donneurs d’ordre et du personnel de troisième zone chargé d’animer la politique étrangère. L’Etat algérien, qui a depuis longtemps abandonné le pays et sa population, a cessé d’exister au plan international. Qui aurait pu penser, que sur cette terre rougie du sang des résistants, la police de l’Algérie indépendante puisse réprimer les manifestations spontanées de soutien aux enfants de Palestine ? L’image impensable de la répression des manifestations pacifiques en faveur de la Palestine est celle d’une trahison. La participation, passive mais effective, du régime à la conspiration contre le peuple palestinien est l’aboutissement logique d’un processus conscient de reniement des valeurs fondatrices de la Révolution Algérienne.

Le régime algérien se retrouve ainsi dans la même tranchée que les suprématistes israéliens dans le déni de justice, la brutalité et l’étouffement par tous les moyens des expressions populaires. Mais les palestiniens, et les combattants de la liberté ne l’ignorent pas, le peuple algérien est à leur coté et vit la tragédie de Ghaza comme la sienne. Vomis par leurs populations, les régimes arabes, et celui des généraux d’Alger ne fait pas exception, sont à la recherche de tous les soutiens extérieurs possibles, leur soumission de fait à l’ordre dominant procède de ce calcul. Le sort des peuples arabes bâillonnés et empêchés de soutenir la cause du peuple palestinien montre à tous que la défense des libertés est indivisible et que le refus de la souveraineté du Droit ne débouche que sur l’horreur et la déshumanisation.

Les processus historiques en œuvre en Algérie sont de longue durée. Mais la phase de régression intégrale inaugurée le onze janvier 1992 arrive à son terme car, sans substance autre que la violence et ses capacités de nuisance, ce régime ne peut espérer se perpétuer. En Algérie après dix-sept ans, la dictature a abouti à la quasi-disparition de l’Etat, réduit à l’administration de la violence et la distribution de prébendes à des clientèles disposées à tous les retournements. La dictature a fait grandement son lit de l’inculture politique des élites, laïques ou religieuses, prisonnières de dogmes passéistes et de représentations idéologiques sans ancrage dans la réalité. L’avenir n’est pas certainement pas dans le statuquo ni dans la régression vers des formes révolues d’autoritarisme. Ce régime ne durera pas dix-sept ans de plus et l’oppression n’est pas un état définitif. Ces dix-sept années de tortures ont néanmoins permis à tous d’assimiler que la démocratie et les droits humains sont les fondements de toute organisation sociale viable. La leçon est payée au prix le plus élevé.

Dans ces circonstances tragiques l’urgence et la priorité vont à la solidarité agissante avec le peuple palestinien, la cause première et essentielle des peuples épris de liberté. A Ghaza, des femmes et des hommes libres se battent contre l’injustice d’une monstruosité politico-religieuse, ce combat est celui des Algériens.