Plusieurs journalistes condamnés

JUSTICE

Plusieurs journalistes condamnés

Le Soir d’Algérie, 15 décembre 2004

Plusieurs condamnations, de très grosses amendes et de lourds réquisitoires ont été prononcés hier par le tribunal de Sidi-M’hamed, à l’encontre des journalistes qui y comparaissaient pour diffamation et offense au président de la République. Le harcèlement de la presse demeure. C’est ce qu’on retient des procès programmés ce mardi 14 décembre, qui a vu Mohamed Benchicou, pour la énième fois convoqué, boucler son 6e mois de détention à la prison d’El Harrach.
Saïda Azzouz – Alger (Le Soir) -Pour offense au président de la République, le directeur du journal Le Matin a été condamné hier par le tribunal de Sidi- M’hamed à 6 mois de prison avec sursis et 250 000 DA d’amende. La publication qu’il dirige, suspendue depuis le 23 juillet dernier, a été condamnée à payer une amende de 2 500 000 DA. Ce verdict, mis en délibéré il y a quelques semaines, a été prononcé contre Mohamed Benchicou suite à une plainte pour diffamation déposée par le Trésor public. Ce dernier avait jugé « outrageante au président de la République » une série d’articles et de chroniques signés par le directeur du Matin et publié dans son journal entre juillet et août 2003. Pour rappel, les avocats de la défense avaient mis l’accent sur cette insolite procédure, puisque c’est au ministère public et non au Trésor de mettre en mouvement la justice dans les cas d' »offense » au chef de l’Etat. « Un délit » pour lequel comparaissaient hier devant la chambre correctionnelle du tribunal d’Alger, le directeur, les deux chroniqueurs et un journaliste du Soir d’Algérie. Lors des plaidoiries de cette affaire pour « diffamation et outrage au président de la République », les mis en cause ont fait remarquer au tribunal que, contrairement à ce qui est consigné dans le procès-verbal de l’instruction, ils n’ont jamais reconnu avoir « diffamé » ou « offensé » le chef de l’Etat. Hakim Laâlam, Mohamed Bouhamidi et Kamel Amarni ont clairement expliqué que leur intention n’était pas d' »offenser » ou d' »attaquer » le président de la République « Si telle était mon intention, j’aurais créé un parti politique. Ma seule ambition, c’est d’arracher tous les matins un sourire à des Algériens qui ont pleuré des larmes et du sang ces 15 dernières années », a rétorqué l’animateur de « Pousse avec eux » au juge qui venait de lui demander s’il avait un dernier mot à dire. Kamel Amarni, qui comparaissait pour un papier intitulé « Un second mandat pour la survie de la tribu », a rappelé que le président de la République était un homme public, donc soumis à la critique et qu' »il est du devoir du journaliste de critiquer ». Mohamed Bouhamidi, qui, dans une de ses « Bazooka », est revenu sur le scandale des villas du ministère des Affaires étrangères, pour rappel scandale révélé par le journal El Khabar,a précisé qu' »il était citoyen avant d’être journaliste. La Constitution m’autorise, que dis-je, m’oblige à m’inquiéter du sort du patrimoine national et exiger que toute la vérité soit faite sur son éventuel dilapidation » Fouad Boughnanem qui comparaissait en tant que directeur de la publication, est revenu sur les convictions du journal qu’il dirige : « Nous sommes un journal qui a des convictions, qui les défend et qui continuera à les défendre ». Dans leur plaidoirie les avocats de la défense resitueront le contexte dans lequel les « écrits » incriminés ont étés publiés : « C’était à l’occasion des élections présidentielles et Abdelaziz Bouteflika était candidat ». Ils feront également valoir le style journalistique, l’humour et la satire. Des arguments qu’ignorera le procureur de la République, qui a requis 6 mois de prison ferme et une amende à l’encontre de chaque journaliste, plus 2 millions 500 000 DA pour la publication. Le verdict est pour le 28 du mois en cours. C’est également ce jourlà que le verdict de l’affaire opposant Mohamed Benchicou, Sid-Ahmed Semiane (SAS), Ali Dilem et Ghada Hamrouche au ministère de la Défense sera prononcé. Il est reproché aux journalistes qui ont titillé les généraux des propos jugés diffamatoires par l’institution militaire. Le procureur demandera comme de coutume six mois de prison ferme. Sentence également demandée pour Ali Ouafek, directeur de Liberté, dont le journal a publié une information qui faisait état d’un stage de formation que le directeur de l’AADL poursuivait au Maroc. Information jugée diffamatoire par le directeur en question. Pour l’avocat de Kamel Maïche, rendre publiques ce genre d’information, « c’est diminuer des compétences de son client ». Le tribunal d’Alger a rendu hier son verdict dans « l’affaire de la BNA ». Une photo publiée par le Soir d’Algérie a été jugée « diffamatoire » par un citoyen qui s’est reconnu sur le cliché publié en une du journal. Le tribunal a condamné le directeur de la publication à une amende, Nacer Belhadjoudja, directeur de la rédaction, à 2 mois de prison avec sursis et 50 000 DA d’amende. Même verdict pour Malika Boussouf. Le journal a été condamné à verser à la partie civile 450 000 DA.
S. A.