Le vice-président américain évoque à Munich la nouvelle diplomatie américaine: Le style change, le fond demeure

Le vice-président américain évoque à Munich la nouvelle diplomatie américaine: Le style change, le fond demeure

par K. Selim, Le Quotidien d’Oran, 8 février 2009

L’Amérique a besoin du reste du monde tout comme, je crois, le reste du monde a besoin de l’Amérique». Pour ceux qui attendaient des éléments de la «redéfinition» en cours de la politique étrangère américaine, le vice-président des Etats-Unis, Joe Bidden, n’aura pas été vraiment très éclairant, hier à la Conférence internationale de Munich sur la sécurité.

Le style change bien entendu par rapport à l’arrogance cassante de l’administration Bush. Le «dialogue» est affirmé, tout comme la volonté «d’instaurer un ton nouveau» dans ses relations internationales. On a davantage un énoncé de principes et d’objectifs généraux la définition d’une politique. Le dialogue s’adresse plus particulièrement aux alliés européens qui sont d’ailleurs avertis qu’ils auront à contribuer davantage. L’unilatéralisme bushien remisé au placard ? En direction de l’Europe, cela s’avère une nécessité en ces temps de crise et de guerres non finies. Et peut-être relancée en Afghanistan où le nouveau président américain veut mettre plus de troupes. L’Amérique sera-t-elle plus éthique après les dérives guerrières de l’ancienne administration américaine, le Goulag de Guantanamo et les sadismes d’Abou Ghraïb ? La nouvelle administration le promet. «Il n’y aura plus de conflit entre notre sécurité et nos idéaux (…) L’exemple de notre pouvoir doit égaler le pouvoir de notre exemple». L’Amérique, promet Joe Bidden, ne «torturera pas», «respectera les droits des prévenus» et ne croit pas «au clash des civilisations». Au plan du style et du discours, c’est un progrès. Mais on peut changer de style pour dire la même chose, un «ton nouveau» n’étant pas forcément une politique nouvelle.

La carotte et le bâton

On en a l’illustration claire dans les propos sur l’Iran. Le nouveau pouvoir est prêt à discuter avec l’Iran, contrairement à la précédente administration, mais la finalité est la même : pousser Téhéran à renoncer à son programme nucléaire. A défaut, l’Iran est menacé d’être isolé. Le vice-président américain n’a cependant pas évoqué l’intervention militaire, contrairement à la précédente administration qui rappelait systématiquement que «toutes les options» étaient sur la table. «Nous avons la volonté de discuter avec l’Iran et de lui offrir un choix très clair : poursuivre dans la même voie et faire face à la pression et à l’isolement ; abandonner votre programme nucléaire illicite et le soutien au terrorisme et (obtenir) des mesures d’encouragement significatives». Le progrès est dans la disponibilité à discuter avec les Iraniens mais le but est inchangé : empêcher l’Iran de maîtriser l’ensemble du processus nucléaire. Mais au-delà du style, on reste dans la politique de la carotte et du bâton, qualifiée de «concept irrationnel» par le président du Parlement iranien, Ali Larijani. A l’évidence, les Iraniens attendent davantage qu’un changement de style. Sur l’Afghanistan, où les Etats-Unis cherchent des objectifs «clairs et réalisables» et les alliés européens, très circonspects, seront mis à contribution. Aux yeux d’Obama, l’Afghanistan, contrairement à l’Irak, est la bonne guerre à mener. Il veut également une contribution du Pakistan avec qui la relation doit changer et passer «d’une relation de transaction à un partenariat à long terme.»

L’ombre du complexe militaro-industriel

A la Russie avec qui les relations se sont dégradées en raison du bouclier antimissile, du Kosovo et de la Géorgie, Joe Bidden estime le moment venu de sortir d’une «dangereuse dérive» et d’appuyer sur le «bouton de redémarrage et de réexaminer les nombreux domaines dans lesquels nous pouvons et devrions travailler ensemble». Sur le bouclier antimissile qui suscite un rejet de Moscou, le vice-président américain cultive l’ambiguïté. Les Etats-Unis, a-t-il dit, vont continuer à développer leurs «défenses antimissiles pour contrer les capacités grandissantes de l’Iran (…) à condition que la technologie fonctionne et que le coût en vaille la peine», a déclaré Joe Biden. Cela se fera, précise-t-il, «en concertation avec nos alliés de l’OTAN et avec la Russie». Bref, le style change, mais le fond de la politique ne change pas. Comme si les choix de la précédente administration, incarnation parfaite du complexe militaro-industriel, continuent à s’imposer.