Algériens détenus à la base américaine de Guantanamo

Algériens détenus à la base américaine de Guantanamo

Les négociations bloquées

El Watan, 16 septembre 2007

Les avocats des six Algéro-Bosniaques détenus à la base américaine de Guantanamo ont déposé récemment une plainte auprès de la Cour européenne des droits de l’homme contre la remise de leurs mandants aux Américains en janvier 2002.

Pour la défense des détenus, le gouvernement bosniaque n’avait pas à autoriser une telle arrestation, d’autant que les concernés, Aït Idir Mustapha de Sidi M’hamed (Alger), Belkacem Bensayah de Ouargla, Boumediène Lakhdar de Saïda, Boudella El Hadj et Nechla Mohamed, tous deux de Laghouat, et enfin Saber Lahmar Mahfoud de Constantine, ont été innocentés par la cour fédérale bosniaque des accusations relatives à l’intention de commettre des attentats contre les ambassades américaine et britannique. Parallèlement à l’action des avocats, le gouvernement bosniaque s’est déclaré prêt à accueillir les détenus du fait qu’ils sont détenteurs de la nationalité (bosniaque). Selon des sources au fait de ce dossier, la Bosnie a contesté le statut de « combattants ennemis » imposé par l’administration américaine aux six binationaux pour justifier leur détention sans jugement depuis le 18 janvier 2002.

Les pourparlers se poursuivent

Des négociations portant sur leur retour en Bosnie sont actuellement en cours entre les deux parties et il n’est pas exclu qu’elles aboutissent dans les prochaines semaines (ou mois) pour peu que, comme l’affirment les autorités américaines, « le gouvernement prenne ses responsabilités pour qu’ils (les détenus) ne constituent plus de menace et qu’ils soient bien traités chez eux ». Il est à signaler qu’un des Algériens détenus à Guantanamo a été transféré avec cinq Chinois musulmans vers l’Albanie, pays qui a accepté de les recevoir et de les maintenir en détention. Aucune information n’a cependant circulé sur la contrepartie de cette « opération » dénoncée par de nombreuses organisations des droits de l’homme. Par ailleurs, nos sources affirment que les négociations autour de l’extradition des 19 autres Algériens détenus dans la base américaine sont actuellement totalement bloquées du fait des conditionalités imposées par les Américains jugées par la partie algérienne comme étant en violation avec le principe de souveraineté des Etats. Ces conditionalités se résument à mettre en place une procédure à même d’empêcher que les ex-détenus se lancent dans des activités terroristes, à partager les renseignements sur leurs activités, à informer de toute mesure judiciaire prise à leur encontre, à surveiller leurs activités quotidiennes et en faire part, à confisquer leurs passeports et à refuser de leur en délivrer en cas de demande, à engager une procédure pour inscrire leur nom sur la liste rouge de terroristes établie par l’ONU, en ayant la garantie qu’ils ne créent pas d’organisation terroriste, et à accepter que chaque mois une tierce personne vienne leur rendre visite pour vérifier s’ils sont bien traités.

Situation de stand-by

De nombreux pays musulmans ont accepté ces conditions, mais l’Algérie est restée ferme. Le dossier géré par un groupe de travail institué par le Président est actuellement en stand-by depuis le mois de juin dernier, ce qui n’a pas empêché le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, fraîchement installé à la tête de son département, de surprendre l’opinion publique en déclarant « ne pas exclure la libération de certains parmi les 25 Algériens ». Il précise même être « en attente d’informations précises qui nous seront données dans les prochaines heures ». Déclaration qui a fait mouche dans la mesure où le dossier n’a pas connu de nouveaux éléments qui permettent d’être aussi affirmatif. Un autre ministre met le pied dans le plat pour surprendre l’opinion publique. En effet, au mois de juillet dernier, le ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, interrogé sur le sujet, répond en annonçant que 17 des détenus de Guantanamo allaient être extradés dans les jours qui viennent. Le ministre venait de faire une grande confusion entre les détenus de Guantanamo et les Algériens arrêtés en Grande-Bretagne. En fait, il s’agit tout simplement d’un groupe de 17 Algériens arrêtés en Grande-Bretagne et qui devaient être extradés vers l’Algérie. Neuf d’entre eux avaient été transférés vers la fin du mois de juillet et les huit autres vers la mi-août. Les deux opérations se sont déroulées dans la discrétion la plus totale. Pour la partie algérienne, il s’agit plutôt d’expulsion de ressortissants algériens dont beaucoup étaient en situation irrégulière. La bourde de M.Belaïz tout comme la déclaration surprenante de M.Medelci restent à ce jour inexpliquées. Ce qui est certain, au-delà des réactions intempestives des politiques, le dossier des 19 détenus algériens à Guantanamo n’est pas près d’être clos. Mais celui des six Algéro-Bosniaques a de fortes chances pour qu’il aboutisse.

Salima Tlemçani