Alger sous haute surveillance

Grève de l’intersyndicale

Alger sous haute surveillance

El Watan, 15 février 2018

Les délégués de l’Intersyndicale de la Fonction publique ont été empêchés, hier, d’organiser un rassemblement dans la capitale qui était quadrillée par la police.

L’Intersyndicale, qui a observé une grève d’une journée, avait prévu cette manifestation pour dénoncer l’atteinte aux libertés syndicales et exiger des mécanismes de protection du pouvoir d’achat. Les accès routiers au centre- ville ont été soumis au contrôle. Les représentants des syndicats autonomes qui devaient se rencontrer à la place du 1er Mai ont été dispersés. Des camions antiémeute ont encerclé toutes les places d’Alger susceptibles d’accueillir les syndicalistes.

Le dispositif antiémeute était remarquable partout à Alger. A la Grande-Poste, où les médecins résidents ont pu organiser une marche la semaine dernière, l’accès au métro était bloqué durant la matinée. Ce dispositif illustre «la volonté d’étouffer l’expression libre en Algérie», commente Abdelwahab Lamri Zegar, de l’Union nationale des personnels de l’éducation et de la formation (Unpef), qui fait partie de l’Intersyndicale.

Les syndicats ont par ailleurs tenu des rassemblements devant les sièges des wilayas de tout le pays. «Le dispositif de sécurité déployé a fait de la capitale une propriété privée des autorités, interdite d’accès, faisant fi de la liberté de circulation garantie par la Constitution», dénonce le représentant syndical.

«Nous sommes interpellés plus que jamais par la régression que connaît notre pays en matière de respect des libertés syndicales», dénonce l’Unpef, annonçant l’arrestation de Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens de santé publique (Snpsp) qui participe à cette action de protestation. Le syndicaliste a été embarqué par la police alors qu’il se rendait à la place du 1er Mai à Alger, témoignent ses camarades de l’Intersyndicale. Le représentant du Snpsp n’a été relâché qu’à la fin de la journée d’hier.

Dans le secteur de la santé, la grève a été jugée «illégale» par la justice. «La justice est l’arme utilisée par les autorités pour nous empêcher de nous exprimer», dénoncent les syndicalistes. Le tribunal administratif d’Alger déclare «illégale» la grève suite à une requête introduite par le ministère de la Santé.

«Le tribunal, statuant publiquement et par défaut, en matière de référé d’heure à heure, déclare illégale la grève annoncée par le Syndicat national des praticiens de santé publique en vertu du préavis du 4 février 2018 relatif à une grève nationale générale le 14 février 2018 avec organisation de sit-in le même jour à travers toutes les wilayas», lit-on dans l’ordonnance de référé rendue publique hier. «C’est le retour aux pratiques de l’ère du parti unique», dénonce pour sa part Boualem Amoura, président du Satef.

Le recours à la justice s’ajoute aux pratiques «illégales» des ministères pour réprimer les actions syndicales, ajoute le même syndicaliste, citant l’interdiction par le ministère de l’Education nationale de la tenue des réunions des bureaux syndicaux à l’intérieur des établissements scolaires.

L’Intersyndicale est «préoccupée par les atteintes quotidiennes au droit d’activité syndicale», souligne M. Amoura. «Nous aussi nous dressons des lignes rouges à ne pas franchir, la radiation de travailleurs pour activité syndicaliste est une ligne rouge, nous durcirons le mouvement si ce genre de sanction est appliqué», menace le même syndicaliste.

La grève a été diversement suivie à travers le pays. Le taux de suivi varie, selon les syndicats de l’éducation, entre 65% à Alger, à 78% à Oum El Bouaghi. 80% de suivi a été constaté à Biskra, 30% à Tébessa. Le taux le plus faible a été enregistré, selon les mêmes sources, à Blida.

L’Intersyndicale estime avoir réussi à «paralyser» toutes les structures de la Fonction publique, malgré les mesures prises par les autorités. «La tendance va vers la radicalisation du mouvement de protestation», soulignent les membres de l’Intersyndicale. Une réunion de préparation de la prochaine action de protestation est prévue samedi.

A souligner que les syndicats de l’éducation affiliés à cette Intersyndicale ont prévu deux jours de grève, les 20 et 21 février, pour les mêmes revendications. Les doléances liées à l’abrogation de la loi sur la retraite ainsi que l’association des syndicats dans l’élaboration du nouveau code du travail sont maintenues.

Fatima Arab