Bidonvilles des Planteurs à Oran: Relogement sous haute sécurité

Bidonvilles des Planteurs à Oran

Relogement sous haute sécurité

Par : F. Boumediène, Liberté, 5 juillet 2007

Hier à 17 heures, des familles refusaient encore de quitter leurs baraques.

Branle-bas de combat, hier, aux quartiers Les Planteurs d’Oran pour l’opération de relogement des 1 000 familles ayant bénéficié d’un logement social et ce, dans le cadre du programme de résorption de l’habitat précaire (RHP) qui prévoit, à terme, pour la délocalisation de l’ensemble de cette zone quelque 9 000 logements.
Dès les premières heures de l’aube, les 6 sites concernés par cette opération, à savoir Bab El-Hamra, Chabat, Bassin, les Guillemets, Hadj-Hacène et Si Ali, étaient entièrement quadrillés par un dispositif de policiers impressionnant, notamment avec la présence de brigades antiémeutes mobilisées en force pour parer à toute velléité de contestation. En effet, les manifestations et affrontements qui se sont déroulés en début de semaine entre forces de l’ordre et citoyens exclus de l’opération, faisant une vingtaine de blessés, 14 arrestations et plusieurs millions de dégâts, laissaient planer un risque de débordement général.
À 7h30, sur place, les camions, réquisitionnés pour déménager les biens des familles au nombre de 80 font leur apparition au niveau des sites, les engins bulldozers et autres grues devant par la suite procéder à la démolition des habitations attendent à l’écart. Au terrain dit Hadj-Hacène, où 165 familles doivent être délogées, pour beaucoup d’entre elles, c’est encore la confusion. Leurs noms portés sur la liste ne figurent pas sur celle de l’OPGI où doit s’effectuer le paiement de la redevance.
Alors que certaines familles s’efforcent de charger les camions, d’autres en sont encore à la recherche d’un interlocuteur pour résoudre leurs problèmes. Beaucoup tournent presque en rond, des attroupements se font un peu partout, les discussions sur les logements de la “rechwa” fusent. D’autres laissent éclater leur colère et se défoulent dans un chapelet de phrases acerbes à l’encontre des autorités locales. Désemparés, des pères de famille nous interpellent et nous font visiter leur maison. Contrairement à ce que l’on pouvait penser, beaucoup sont propriétaires en fait de haouchs traditionnels, où vivent ensemble plusieurs familles.
Pour d’autres, cette opération de relogement est vécue comme l’affaire de toute une vie, car ils font partie de ceux qui n’ont pas bénéficié d’un logement et qui pourtant devront, en fin de journée, quitter les lieux et laisser la place aux bulldozers. Sur les 6 sites que nous avons vus, la situation est la même ; la plupart des habitations sont construites dans des ravins, sur les flancs de l’ancien cours d’eau Ras El-Aïn, ou des collines. C’est par des sortes de boyaux étroits, de véritables labyrinthes qui s’enfoncent, que l’on accède ainsi aux habitations.
Un directeur de wilaya chargé de suivre l’opération explique : “Dès le début du recensement, il a été convenu qu’il y aurait un logement par maison. C’est vrai que souvent il y a des familles élargies mais c’est ce qui a été décidé. Certains ont essayé de s’opposer mais ils ont finalement accepté de partir. Et de poursuivre :”Il n’y a pas assez de camions, l’opération prend beaucoup de temps.”
Au lieu dit Les Guillemets, lorsque nous arrivons, nous assistons à des échanges extrêmement tendus entre citoyens et responsables locaux. Dans ce cas, ce sont 267 familles qui doivent être délogées, alors que plusieurs habitations assez précaires sont construites de façon anarchique. Comme précédemment, les familles n’ayant pas obtenu de logements ce sont vu signifier qu’elles devront néanmoins quitter leurs maisons qui seront par la suite démolies. Des jeunes, le visage dur mais également des pères de famille qui ont parfois à leur charge 4 à 6 enfants, lâchent : “Il n’est pas question de sortir pour allez à la rue avec nos femmes et nos enfants, jamais ! Nous resterons ici ils n’ont qu’à nous enterrer vivants sous nos murs !”
Le souvenir des affrontements de l’année passée aux Planteurs, lors de la première opération de relogement, est présent dans l’esprit. C’est lors de l’entrée en action les bulldozers que tout avait démarré.
Hier, durant toute la journée, les camions ornés de drapeaux et de portraits du Président ont fait le va-et-vient emmenant les meubles des 1 000 bénéficiaires vers les cités Haï Yasmine et En-Nour, leurs nouveaux lieux de résidence à Bir El-Djir. Pour ces familles habituées à vivre dans des maisons traditionnelles, le déracinement va être total et porteur de bien de difficultés dans des cités-dortoirs.

F. BOUMEDIENE