Malaise chez les archs

LA MOBILISATION EN KABYLIE EN QUETE D’UN SECOND SOUFFLE

Abrika se retire de la CADC

El Watan, 6 août 2003

Le climat exécrable dans lequel s’est déroulé le conclave extraordinaire de la CADC de Tizi Ouzou, avant-hier à Tizi Rached, a fini par provoquer l’inattendu. Belaïd Abrika, délégué de la commune de Tizi Ouzou, a décidé de se retirer, à titre individuel, de la CADC pour dénoncer les blocages de toutes sortes au sein de cette structure du mouvement citoyen. Abrika, qui nous a confirmé hier sa décision, a refusé de faire une déclaration, se contentant de nous faire comprendre qu’il ne se «reconnaît plus dans cette CADC», près de deux mois après sa sortie de prison.

Le fait que certains délégués retardent le débat sur l’invitation de Bouteflika à un dialogue sur la mise en œuvre de la plate-forme d’El Kseur, arguant du fait qu’ils n’ont «pas terminé la consultation de la base», semble être l’une des raisons qui ont poussé Abrika à prendre cette décision, tout en continuant le combat pour lequel il a passé huit mois en détention. Dans son intervention au conclave de Tizi Rached, avant que les choses ne se gâtent, Abrika avait clairement demandé à ses camarades d’être plus responsables et de mesurer l’importance de la question de l’offre de Bouteflika. Les divergences entre lui et certains délégués ne sont pas dans la nature de la réponse à donner (oui ou non) mais c’est beaucoup plus sur les tergiversations de quelques coordinations locales, qui demandent plus de temps et qui ne se sentent pas pressées de répondre au président. D’ailleurs, depuis que le président a invité les archs à dialoguer avec le chef du gouvernement sur la mise en œuvre de la plate-forme d’El Kseur, deux tendances s’affrontent au sein de la CADC. Ceux qui considèrent que l’appel du président mérite d’être débattu sérieusement au sein de la CADC, parmi eux Abrika et de nombreux autre délégués, et ceux qui estiment que le mouvement doit prendre le temps qu’il faut pour répondre. Depuis le 20 juillet, date à laquelle Bouteflika s’est exprimé à Sétif, les animateurs de la coordination des archs de la wilaya de Tizi Ouzou ont tenu deux conclaves, et à chaque fois la question du dialogue était évacuée, pour permettre aux uns et aux autres de consulter les citoyens ; mais après une quinzaine de jours, plusieurs délégués ne veulent pas donner de réponse. C’est le maintien de ce statu quo, alors que l’opinion publique attend de connaître la position des archs, qui a poussé Abrika, délégué de la commune de Tizi Ouzou, à annoncer son retrait de la CADC. Le conclave de Tizi Rached, au cours duquel le débat sur cette question a été ajourné d’une semaine, s’est terminé en queue de poisson. La coordination de la commune de Tizi Ouzou s’étant retirée, avant de rejoindre la plénière. Hier, Rachid Allouache qui a partagé la cellule avec Abrika durant huit mois, tout en ne partageant pas la décision de son camarade, considère qu’il y a des «gens qui veulent casser les vrais délégués qui ont tout sacrifié pendant 28 mois, mais personne ne les laissera faire. On ne laissera personne détourner le mouvement à des fins personnelles ou politiciennes.» De son côté, Mustapha Mazouzi, de la coordination de Tizi Ouzou et qui a pris la même décision qu’Abrika au mois de janvier dernier, estime que Belaïd «a constaté de visu ce que nous avons constaté lorsqu’il se trouvait en prison». Il estime que la décision de son camarade est justifiée par tous les blocages qui minent le mouvement dans sa bonne marche et par le fait qu’il y a «des coordinations qui attendent des orientations de leurs chapelles» pour se prononcer sur l’offre du président. La coordination de la commune de Tizi Ouzou doit se réunir aujourd’hui pour adopter une décision après le retrait d’Abrika. C’est la première crise majeure qui secoue la coordination des archs de la wilaya de Tizi Ouzou, à un moment décisif pour le mouvement citoyen, qui, malgré tous les coups encaissés, a su maintenir une certaine cohésion des rangs. Aujourd’hui, les délégués des archs doivent crever l’abcès et dire clairement ce qui mine la structure. Le retrait d’Abrika pourrait servir à clarifier certaines choses, à mettre les uns et les autres devant leurs responsabilités et lever le voile sur certaines zones d’ombre. La population, «seule habilitée à se prononcer sur tout ce qui touche à l’avenir du mouvement» comme le répètent souvent les délégués, a le droit de savoir ce qui se «trame» à l’intérieur des structures des archs.

Par Mourad Hachid
Tizi Ouzou : De notre bureau

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Ali Gherbi et le comité d’El Kseur quittent la CICB

Le comité de la société civile d’El Kseur se retire définitivement de la coordination intercommunale de Béjaïa pour «ne plus cautionner la dérive continuelle du mouvement».

C’est ce que nous expliquait hier le président du comité, le charismatique Ali Gherbi, en nous informant que les membres du comité allaient tenir une réunion extraordinaire en début de soirée pour étudier la suite à donner à la question. Notre interlocuteur affirme que le comité qu’il préside depuis le déclenchement des évènements ne peut plus se taire sur «les violations du code d’honneur et des principes directeurs du mouvement». Sur la lancée, Ali Gherbi déplore que des «opportunités politiques» qui auraient pu profiter à un règlement de la crise dans l’intérêt premier de la population ont été sabordés par des forces qui font tout pour bloquer le mouvement pour pouvoir se placer demain en éventuel interlocuteur du pouvoir. Questionné sur les éventuels liens avec la décision de retrait d’Abrika de la CADC de Tizi Ouzou, M. Ali Gherbi éloigne toute relation entre les deux évènements, mais trouve que la coïncidence signifie quelque part qu’un «malaise sérieux» touche en ce moment le mouvement des archs. Les membres du comité de la société civile d’El Kseur, l’un des plus actifs de la CICB, reviendront sur les motivations de leur retrait aujourd’hui, lors d’une rencontre avec la presse.

Par M. S.

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MOBILISATION CITOYENNE EN KABYLIE

Malaise chez les archs

Les coordinations des archs semblent ne plus pouvoir contenir les contradictions qui les traversent et des fissures apparaissent désormais au grand jour. Bélaïd Abrika, l’emblématique délégué de la ville des Genêts, vient de quitter la CADC, alors que Ali Gherbi, le non moins emblématique animateur d’El Kseur, se retire de la CICB en dénonçant des «dérives» qu’il ne se donne plus le droit de cautionner.

Deux défections qui pourraient être suivies d’autres et qui, si elles sont confirmées et assumées définitivement dans les prochains jours, feront mal au mouvement, du moins à sa structure. Un mouvement appelé dans le contexte à être à la hauteur des enjeux imposés par l’évolution de la situation avec notamment l’appel au dialogue lancé par le pouvoir. Le malaise, dont un nouveau palier de gravité était perceptible déjà depuis quelques semaines avec les tiraillements que connaît la coordination de Bouira et dont la face visible est la lutte acharnée sur la domiciliation du conclave interwilayas, amorce donc depuis hier un virage qui peut déterminer une nouvelle trajectoire pour les évènements. Si des observateurs concluent déjà à l’effet pervers de l’invitation au dialogue lancée par le pouvoir, (puisque l’on retiendra que c’est après l’offre faite par M. Ouyahia que les fissures ont commencé à se creuser), d’autres soutiennent par contre que des parties, exclues du processus annoncé, enregistrent là leurs premiers points de gagnés. Ainsi des partis politiques, ceux-là mêmes que le chef du gouvernement avait conseillé de se faire recruter par les archs, auraient tout entrepris pour maintenir le mouvement en situation de raidissement absolu sur ses positions réfractaires au dialogue pour pouvoir, elles, s’imposer en interlocuteurs. C’est ce que laisse entendre au demeurant les premiers propos d’après retrait faits par M. Ali Gherbi. L’analyse s’appuie sur le fait que le chemin qui semble de plus en plus balisé vers une amorce réelle de dialogue, et c’est le cas à Béjaïa comme à Tizi Ouzou, affole des cercles aux intérêts multiples, qui plus est à la veille de moins en moins prématurée de la présidentielle. Les tentations de leadership ne sont, bien entendu, pas à écarter dans la subite fièvre qui s’empare du mouvement des archs. La structure, qui a beau être horizontale, n’a pas moins laissé émerger une élite, et les délégués semblent découvrir aujourd’hui les limites de leur mode de structuration. C’est au demeurant dans ce contexte précis que des sources avancent l’idée d’un nouveau geste du chef du gouvernement en direction des archs et consistant en une invitation à une rencontre préliminaire avec une délégation de l’Interwilayas. Une rencontre, que de nombreuses tractations auraient précédée et durant laquelle, laisse-t-on entendre, M. Ouyahia compte expliciter sa démarche et lever les dernières réticences des archs. Les noms avancés pour représenter les archs à la rencontre, contactés hier par nos soins, ont tous nié avoir eu vent de l’affaire. «Ballon sonde et manœuvre de déstabilisation», disent les délégués contactés. Une sacrée zone de turbulence s’amorce pour les archs.

Par Mourad Slimani