Marché informel: La décision qui a mis le feu aux poudres

Marché informel

La décision qui a mis le feu aux poudres

El Watan, 8 janvier 2011

La colère couvait depuis plus de deux mois. En application d’une directive hasardeuse de la hiérarchie politico-administrative, les walis ont reçu l’ordre de donner un coup de pied dans la fourmilière du marché informel.

Les effets de cette stupidité politique n’ont pas tardé. Des centaines de milliers de petits vendeurs, à travers tout le pays, sont condamnés à l’inactivité. Et c’est la tragédie économique pour leurs familles.
La police, mobilisée en permanence par camions antiémeute, veille à faire place nette devant la mosquée Ketchaoua, dans la Basse Casbah, à Bab El Oued, Belcourt, El Harrach et à la périphérie de la capitale. Ce programme, pondu avec une myopie politique déconcertante, concerne les 48 wilayas. L’état de précarité sociale s’est subitement aggravé pour les couches les plus vulnérables, condamnées à la famine et à la misère. Malheureusement, aucune voix censée ne s’est élevée pour anticiper les conséquences indésirables de cette décision désastreuse. C’est la fonction du politique. Ce détachement est indicateur du fossé qui sépare les élus et responsables des partis politiques, qui s’inquiètent davantage de leurs privilèges, se moquant souverainement des oubliés de la manne pétrolière. L’Algérie, déjà meurtrie par des années sombres, aurait peut-être évité cette flambée d’émeutes annonciatrice d’orages dévastateurs.

En effet, que deviennent aujourd’hui ces nombreux jeunes gens étouffés par l’interdiction de survivre ? De quoi vivent leurs familles ? En touchant à ce secteur, qui est un véritable guêpier, nos bureaucrates, qui veulent du propre, n’ont pas eu conscience de la gravité de leur décision. Ils n’ont pas tenu compte des conséquences funestes pour des milliers de familles qui, à défaut de salaires, se contentent du peu qu’il leur reste aux confins de la marginalité économique. Le marché de l’informel, c’est avant tout la seule issue valide pour ne pas crever de faim dans un pays où l’opulence est affichée sans vergogne tant par les nouveaux riches que par les dirigeants politiques, trop confiants dans les fils barbelés qui surplombent les murailles de leurs maisons. Les analyses qui mettent en avant les prix des denrées alimentaires manquent de pertinence. Le gamin qui lance des pierres contre les lieux publics et les policiers n’a peut-être aucune idée des prix des lentilles ou du sucre. Il est exaspéré parce qu’on l’empêche d’exercer la seule activité qui le fait vivre, lui et sa famille. Coincés, dos au mur, ces jeunes gens qui ne demandaient rien à l’Etat sont acculés à la rébellion par une grotesque provocation. Ils n’ont rien à perdre, mais tout à gagner du chaos. En sont-ils responsables ?

Rachid Lourdjane

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