L’oeuvre de Larbi Belkheir

L’oeuvre de Larbi Belkheir

Le matin, 8 mai 2003

Les révélations de Ali Benflis ont eu au moins le mérite de mettre sur la place publique la face cachée de l’homme fort du système, celle de faiseur des Présidents et de leur procurer des soutiens parmi les partis politiques. Rodé à cet exercice, Larbi Belkheir, le directeur actuel de cabinet du Président Bouteflika, n’a ressenti aucune gêne d’aller retrouver l’ex-Chef de gouvernement pour lui soumettre un soutien de la candidature de Abdelaziz Bouteflika pour l’élection présidentielle de 2004 en échange de son maintien à la tête de l’Exécutif. La proposition n’obéissait pas aux règles de « la transaction », qui pourrait être acceptable du point de vue de l’éthique politique, mais c’était un acte, comme a tenu Ali Benflis à le qualifier lors de sa conférence de presse, « de chantage ». Dans ce genre d’entreprise, Larbi Belkheir ne néglige jamais, selon ceux qui connaissent la personnalité de l’homme, la forme et la manière. C’est un homme de l’ombre qui choisit le temps opportun pour proposer ses services.
Avant même la tenue, les 15 et 16 mars dernier, du congrès du Front de libération nationale (FLN), il a tenté d’intervenir dans sa préparation en multipliant ses rencontres avec des partisans de Abdelaziz Bouteflika au sein du parti pour influencer sur les décisions qu’allait prendre le congrès.
C’est une action qu’il a menée conjointement avec Saïd Bouteflika, le frère du Président, qui était chargé de « travailler au corps » les députés du FLN et de la « manipulation » des médias. Lors de sa rencontre lundi dernier avec le Président de la République, Ali Benflis n’a pas hésité, faut-il le rappeler, de nommer Saïd Bouteflika lorsqu’il lui a parlé de la campagne « de dénigrement et de calomnies » qui se prépare contre lui en prévision de l’élection présidentielle de 2004.
Le congrès du FLN a ainsi échappé à Larbi Belkheir, alors qu’il voulait rééditer le coup de mai 1998 (congrès de Club des Pins) où il avait joué un rôle déterminant pour le retour des anciens « apparatchiks » sur lesquels il a eu de l’ascendant. Mais c’était aussi un congrès pour permettre, selon les vux de Larbi Belkheir, le retour du FLN parmi « la famille » détentrice du pouvoir. Cette action « caritative » a servi à l’actuel directeur de cabinet du Président de la République pour amener le FLN de Boualem Benhamouda à soutenir la candidature de Abdelaziz Bouteflika à l’élection présidentielle d’avril 1999. Surtout que c’était Larbi Belkheir lui-même qui avait suggéré aux généraux cette candidature après la démission de Liamine Zeroual. Quand il était directeur de l’Enita, institut militaire à Bordj El Bahri, près d’Alger, il avait également préparé en 1979, lors d’une réunion des militaires au niveau de cet institut, la succession à Houari Boumediène.
C’est depuis cette date d’ailleurs qu’il est devenu « une pièce maîtresse » dans l’échiquier du régime politique algérien. Ses relations avec les Français, gouvernants et hommes de médias, lui ont permis aussi de jouer un rôle déterminant pour vendre l’image des Présidents en poste ou des candidats prétendants. La visite du Président Bouteflika en février dernier à Paris avait été préparée par Larbi Belkheir, qui ne se « décourage » pas à revenir à la charge pour obtenir un soutien français au second mandat de Abdelaziz Bouteflika.
Youcef Rezzoug