Terrorisme… La grande explication de Bouteflika

Terrorisme…
La grande explication de Bouteflika

Le Quotidien d’Oran, 14 juin 2003

Lors de son discours prononcé, jeudi, devant les corps constitués de l’Etat et des représentants de la société civile, au siège de la wilaya de Blida, le président Bouteflika a appelé à la tenue d’un dialogue constructif et ouvert et a réitéré son souhait de réaliser la réconciliation nationale pour, a-t-il dit, renforcer l’unité nationale.

« Je suis un homme de paix. Dans l’intérêt exclusif de l’Algérie, j’appelle à la concorde, à la réconciliation nationale, au dialogue et à l’unité», a déclaré Abdelaziz Bouteflika dans un long discours, consacré aux efforts déployés par le gouvernement pour prendre en charge les sinistrés et les dommages importants occasionnés par le séisme du 21 mai dernier.

Très peu attendue, l’intervention du président de la République a pris les allures, dans sa forme, d’une «grande» mise au point, adressée, en premier lieu, «aux auteurs de la campagne ignoble contre l’Etat et ses représentants qui a suivi le séisme et à ceux qui, mus par des considérations politiciennes, n’ont pas hésité à exploiter la mort, la douleur et la détresse des Algériens pour régler des comptes».

«A ceux qui se sont demandés où est la voix de l’Etat et bien que ceux-là sachent que la voix de l’Etat ne s’est jamais tue, quelle que soit la situation. Que ceux-là sachent que la voix de l’Etat est également visible et palpable, car elle est avant tout un travail et non des paroles jetées en l’air», a fait remarquer le chef de l’Etat. Et de préciser que «la parole, dans l’acception de l’Etat, n’est pas fondée sur la surenchère mais renvoie plutôt à un dialogue où doivent être écoutées et discutées toutes les opinions et toutes les propositions». Un dialogue, a-t-il dit, «qui doit profiter à tous les Algériens et travailler les intérêts exclusifs du pays».

Outre de réitérer son souhait de voir les Algériens opter pour la voie d’un «dialogue constructif et transparent pour prendre en charge les doléances des citoyens et régler les problèmes du pays», le président Bouteflika s’est fait, également, un point d’honneur de rappeler les principales options qui fondent sa politique intérieure. Au cours de son discours, largement diffusé par la télévision, le chef de l’Etat a montré qu’il n’a en rien cédé de ses principales convictions.

Souvent critiqué par une partie de l’opinion et de la presse au sujet de sa politique de concorde civile qui s’est soldée par la grâce de plusieurs dizaines d’éléments des groupes armés, Abdelaziz Bouteflika a, dans son discours, expliqué qu’il croie toujours en ses vertus. De plus, il a suggéré que l’Etat laisse toujours une porte entrouverte pour «ceux qui veulent se repentir». «Si vous me questionnez sur le terrorisme, je dis que celui qui se repentit, se corrige et fait le bien, Dieu saura lui pardonner», a déclaré par trois fois le chef de l’Etat. Il a précisé, néanmoins, que «ceux qui persistent dans le chemin de la terreur n’auront aucune chance de s’en sortir car, a-t-il, le pays et la planète sont mobilisés contre le terrorisme». Bouteflika se fait-il l’allié des islamistes ? Peu probable. A ceux particulièrement qui le soupçonnent de préparer une alliance avec les islamistes, le président de la République a répondu qu’il «agit avec dévouement et dans le seul intérêt du pays». Il a fortement insisté, par ailleurs, sur l’idée que sa famille de toujours reste «le courant nationaliste», pour lequel il s’est dit travailler et prêt à consentir tous les sacrifices. Tout comme il a insisté sur son souci de faire rentrer l’Algérie dans la modernité.

Mais tout en répondant à ses détracteurs du moment, M. Bouteflika a pris soin de ne pas laisser le camp islamiste se bercer d’illusions quant à la finalité de son discours sur le dialogue et la réconciliation nationale. Le chef de l’Etat entend-t-il anticiper sur les réactions et les revendications du camp islamiste après la libération de Ali Benhadj ? Rien ne permet de l’exclure. A ce sujet, bien qu’il s’est montré comme un farouche partisan de la réconciliation nationale «pour l’intérêt de toutes les régions et de tous les fils de l’Algérie», le président Bouteflika n’est pas allé, néanmoins, jusqu’à plaider pour un dialogue sans exclusive, ainsi que les réconciliateurs du Contrat de Rome ont eu à le revendiquer. Au contraire, il a pris un soin méticuleux à définir ce que doit être le cadre de ce dialogue. Pour lui, le dialogue concerne «tous les partis nationalistes qui ont vraiment à coeur de régler les problèmes du pays». En outre, il doit se fonder, selon le président Bouteflika, sur «le respect de l’unité du pays, de l’intégrité du territoire, des valeurs, des constantes et de l’identité de la nation». «Dans ces conditions, les portes à un dialogue constructif sont ouvertes à toutes les bonnes volontés», a mentionné le président de la République.

Par son appel au dialogue, le président Bouteflika «mijote»-t-il quelque chose allant dans le sens d’une réconciliation ? Possible. Mais quel que soit l’événement projeté, le chef de l’Etat a bien fait comprendre à tous qu’il sera au-dessus de la mêlée et qu’il se comportera en gardien de la République.

Zine Cherfaoui