Les partisans du président algérien cherchent à reprendre en main le FLN

Les partisans du président algérien cherchent à reprendre en main le FLN

Le Monde, 24 janvier 2004

Un « congrès de redressement » du parti tente d’affaiblir Ali Benflis, principal adversaire de M. Bouteflika.

A moins de trois mois de l’élection présidentielle, le contrôle du Front de libération nationale (FLN), la première formation politique du pays, est devenu au sein du parti un enjeu capital entre les partisans et les adversaires du président sortant, Abdelaziz Bouteflika. Dernier épisode en date, l’ouverture, jeudi 22 janvier à Alger – et pour deux jours -, d’un « congrès » organisé par des « redresseurs » de l’ancien parti unique pour le mettre au service du chef de l’Etat et affaiblir l’un de ses principaux adversaires à la présidentielle, Ali Benflis, le secrétaire général du FLN.

Dans cette bataille pour le contrôle du Front, les « redresseurs » ont marqué des points les dernières semaines. Ils n’ont pas la mainmise sur le parti, mais ils ont obtenu de la justice qu’elle invalide le dernier congrès (le huitième) et les instances qui en sont issues (Le Monde du 1er janvier 2004). Et tous les comptes bancaires du parti sont gelés. « Je m’attends à tout de leur part. Ils peuvent être tentés de fermer le siège du parti ou même empêcher ma candidature », confie Ali Benflis dans son bureau au siège du parti, sur les hauteurs de la capitale.

Avec le congrès de jeudi, que la justice, saisie en référé par le FLN « officiel », s’est refusée à interdire, les « redresseurs » – où se retrouvent nombre de ministres du gouvernement – poursuivent leur opération de déstabilisation de celui qui reste le secrétaire général du FLN (il avait été élu au congrès précédent).

Ils le font avec professionnalisme et habileté. Ainsi, après des discussions interminables, les « putschistes », comme les appellent certains journaux algériens, ont-ils pris la précaution d’intituler le rendez-vous de jeudi et vendredi « congrès d’étape pour un congrès réunificateur ». Des mots mesurés pour ne pas couper les ponts avec le FLN « officiel » avec l’espoir que, au lendemain de l’élection présidentielle, lorsque les passions seront apaisées et M. Bouteflika réélu, la réunification des deux familles du FLN sera possible sous leur houlette.

UN COMBAT SANS MERCI

Jeudi en fin d’après-midi, rien ne manquait à l’ouverture du congrès qui se tient dans le plus grand hôtel de la capitale, sous bonne garde de la police : ni les hôtesses d’accueil en costume traditionnel à l’entrée, ni les posters du chef de l’Etat, ni les badges individualisés pour les quelque 2 000 délégués élus (dont très peu de femmes) venus des quatre coins de l’Algérie. Ni, bien entendu, la télévision pour couvrir l’événement.

Officiellement, le congrès des « redresseurs » n’est pas convoqué pour soutenir le président Bouteflika et affaiblir son adversaire. « Notre premier objectif est de corriger la déviance que connaît le parti. La collégialité a été oubliée au profit de la cooptation. Il faut revoir la ligne politique du FLN. La direction actuelle dilapide l’héritage. Elle a amené le FLN vers le camp éradicateur -réputé hostile à la concorde civile-« , affirme le « coordinateur » du congrès, Abdelaziz Belkhadem, par ailleurs ministre des affaires étrangères.

Personne n’est dupe. Les querelles sur l’orientation et le fonctionnement du parti servent d’habillage idéologique à une manœuvre terre à terre. M. Belkhadem a beau parler de son « frère » Ali Benflis, rappeler que l’actuel secrétaire général a toute sa place, s’il le souhaite, au congrès des « redresseurs », que ce congrès « doit être dissocié de l’élection présidentielle », c’est en réalité un combat sans merci contre l’adversaire du président sortant que mènent les amis du chef de l’Etat.

D’ailleurs, à l’ouverture du congrès, lorsqu’une poignée de militants favorables à M. Benflis – qui a été jusqu’à ces derniers mois le chef du gouvernement du président Bouteflika – ont tenté de perturber le « congrès de la honte », ils ont été rapidement poussés vers la sortie tandis que la masse des délégués lançait des slogans limpides : « Bouteflika président » et « Bouteflika FLN ».

LONG PANÉGYRIQUE

Et si un doute subsistait, l’intervention de M. Belkhadem à la tribune, sous forme d’un long panégyrique du bilan du président, l’a effacé. Vendredi, le congrès des « redresseurs » devrait d’ailleurs se clôturer par une déclaration de soutien au chef de l’Etat – qui n’a toujours pas annoncé officiellement sa candidature.

Déjà assuré de l’appui officiel du Rassemblement national démocratique (RND), une sorte de FLN-bis que dirige son chef de gouvernement, Ahmed Ouyahia, le président Bouteflika verra sa position confortée si une fraction importante de l’ancien parti unique le soutient.

Actuellement, plus d’une trentaine de personnes ont annoncé leur candidature à la présidentielle et commencé pour certaines la collecte des signatures pour le parrainage.

Jean-Pierre Tuquoi