Le mémorandum du FFS de mai 2001 : une véritable feuille de route pour l’opposition démocratique

Le mémorandum du FFS de mai 2001 : une véritable feuille de route pour l’opposition démocratique

Boubekeur Ait Benali, 5 mai 2014

Malgré les années qui passent, force est reconnaître que ce document n’a pas pris une ride. Il faut dire aussi que la crise politique n’a pas connu son épilogue. Bien qu’elle ne soit pas la première du genre, cette initiative est la plus marquante. Toutefois, depuis sa création, le FFS a toujours proposé, sans fard ni acrimonie, la voie à suivre. Bien évidemment, le changement auquel appelle le FFS est un changement pacifique, mais aussi radical. Il doit être radical pour qu’il n’y ait pas de faux changement. De la même façon, celui-ci ne doit pas intervenir de façon violente, et ce, pour plusieurs raisons historiques. D’abord, après avoir vécu une guerre civile de plus de dix ans, le peuple algérien a assez pays de son sang. Ensuite, les changement violents donnent généralement naissance à des régimes qui n’ont rien à envier aux dictatures d’Amériques latines. Enfin, dans la situation d’anarchie, la stabilité est tout bonnement renvoyée aux calendes grecques.

Cependant, bien qu’il faille éviter de tels scénarios, le changement s’impose en Algérie. En fait, il paraît plus que jamais impérieux. Et pour cause ! Malgré la mobilisation du régime et de sa clientèle pour rendre ce changement impossible, la construction d’un État de droit requiert la participation de toutes les bonnes volontés. En tout état de cause, l’expérience algérienne a prouvé que le pays ne pourrait pas être bâti par un groupe ou un clan, puissant soit-il. « C’est en effet aux Algériennes et aux Algériens, et à eux seuls, qu’il appartient de reconstruire un État en lui donnant des fondements garantissant la séparation des pouvoirs, l’indépendance de la justice… », écrivent les rédacteurs du mémorandum du FFS en mai 2001.

Toutefois, pour que les étapes ne soient pas grillées, les rédacteurs du mémorandum préconisent, avant toute chose, l’élection de l’Assemblée nationale constituante, véritable source du projet démocratique. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette revendication ne survient pas ex nihilo. Ce combat remonte en effet à la naissance du mouvement national, comme le soutiennent les rédacteurs du dit document. « Notre projet démocratique plonge ses racines dans le mouvement nationale indépendantiste qui a mobilisé les énergies patriotiques autour des valeurs universelles et modernes : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et celui des Algériens à construire un État de droit », notent-ils.

Hélas, ce rêve a été brisé dès 1962. Bien que le peuple algérien ait payé un lourd tribut pour arracher son droit à l’autodétermination, l’armée des frontières, sous la houlette de Houari Boumediene, a privé le peuple algérien de sa victoire sur le colonialisme. Par ailleurs, en dépit du respect des apparences, avec notamment l’élection de l’Assemblée nationale constituante le 20 septembre 1962, les vainqueurs de la crise de l’été 1962 n’avaient pas l’intention de gouverner sous le contrôle du peuple. Cinquante-deux ans après le recouvrement de l’indépendance, les effets de ce coup de force se ressentent avec acuité. Et ce n’est sans doute pas le maintien d’Abdelaziz Bouteflika, pour un quatrième mandat de trop, qui va arranger les choses. En se maintenant grâce à une clientèle de plus en plus vorace, la pérennisation du régime s’organise en empêchant toute solution à la crise politique que vit le pays.

Néanmoins, si des acteurs politiques tirent la sonnette d’alarme à l’approche des élections, il n’en est pas de même du FFS. Depuis l’arrêt du processus électoral en janvier 1992, plusieurs initiatives ont été entreprises. Chacune d’elle mettait en exergue la nécessité d’un dialogue franc entre toutes les forces politiques. En tout cas, c’est dans ce sens là que le FFS a interpellé les décideurs en mai 2001 pour trouver une solution à la crise. Pour les rédacteurs du mémorandum, « les enjeux dépassent plus que jamais aujourd’hui les considérations de personnes, de région ou d’appareils. Il s’agit d’abord de sauver notre pays du chaos… »

Qu’en est-il treize ans après que le FFS a tiré la sonnette d’alarme ? Malgré l’aisance financière, la crise politique est toujours là. Toutefois, de plus en plus, on assiste à une levée de boucliers. En effet, les acteurs politiques sont conscients de la gravité de la situation. Bien que le FFS ait reçu de terribles coups pour avoir fait des propositions pour sortir l’Algérie de la crise, aujourd’hui, les partis qui, hier défendaient le maintien du régime, se rendent à l’évidence. Devenues un sujet non tabou, plusieurs personnalités, civiles ou militaires, à l’instar du général Benhadid ou Chaifik Mesbah, n’hésitent pas à parler de la seconde République ou de l’Assemblée nationale constituante. Fidèle à ses positions de principes, le FFS ne peut que se réjouir de ces avancées, pour peu que ces sorties médiatiques ne soient pas un leurre. En tout cas, comme ce fut le cas hier, le FFS ne néglige aucune piste pour parvenir au changement mettant le citoyen au centre du projet politique.

Pour conclure, il va de soi que le mémorandum du FFS de mai 2001 balise le terrain. Si des forces politiques veulent réellement concrétiser le changement, il faudra s’en inspirer. Car, tous les éléments contenus dans le documents sont nécessaires pour engager le pays sur le chemin du changement. Faut-il pour autant faire du mémorandum un document « scellé et non négociable » ? La réponse est non. L’histoire nous a enseigné que ce genre de chantage cache des idées extrémistes. Ainsi, tout en gardant l’essentiel, les autres forces peuvent apporter leurs idées pour parvenir à un consensus national. Et c’est la condition sine qua none pour engager le pays sur la voie du dialogue.

Ait Benali Boubekeur