Opposition : léthargie ou échec programmé ?

Les partis démocratiques n’arrivent plus à mobiliser

Opposition : léthargie ou échec programmé ?

El Watan, 15 avril 2009

Le 9 avril 2009 est pour les partis d’opposition synonyme d’un réveil douloureux. Les leaders de ces formations politiques, comme les observateurs de la scène nationale, l’attestent. Ils sont conscients de la situation et ils se sont mis d’accord sur la nécessité de faire le bilan de l’opposition démocratique et d’étudier les solutions permettant d’aboutir au changement du système, tant souhaité.

Le bilan semble évident. Les partis dits d’opposition démocratique ne mobilisent plus dans la société. Ils se retrouvent dos au mur et dans l’incapacité de réaliser le rêve d’octobre 1988. Cette situation impose plusieurs questions : pourquoi sommes-nous arrivés à cette situation ? L’opposition démocratique a-t-elle perdu la bataille de la lutte politique et toutes ses aptitudes à encadrer et mobiliser la société ? A-t-elle échoué ou a-t-on programmé son échec pour favoriser le maintien du statu quo politique ? Les partis et les spécialistes de la scène politique nationale privilégient la dernière hypothèse. C’est ce qu’explique le politologue Mohamed Hachemaoui. « Je crois que cette situation a été voulue par un régime autoritaire qui a empêché toute action et toute institutionnalisation de l’autonomie politique et syndicale. Nous vivons sous l’état d’urgence qui donne des pouvoirs exceptionnels à la police. Et cet état empêche l’institutionnalisation d’une classe politique et d’une société civile », explique-t-il.

Pour notre interlocuteur, le maintien de l’état d’urgence, depuis 1992, et les pratiques du pouvoir qui vont de la répression musclée à la corruption politique en passant par la cooptation et le clientélisme ont des conséquences néfastes sur l’opposition. Afin d’avoir une intelligibilité de cette situation, il faut, dit-il, remonter à la fin des années 1980 et au début de la dernière décennie. « De tous les partis qui sont nés après la libéralisation de la vie politique, il y en a trois qui ont une base sociale et qui ont pu mobiliser, en l’occurrence le FIS, le FFS et le FLN. Les autres n’avaient pas d’ancrage, mais ils ont, en revanche, bénéficié d’une forte médiatisation », souligne-t-il. Selon lui, la programmation de l’échec de l’opposition a commencé après l’arrêt du processus électoral en 1992. La parenthèse de l’ouverture politique entamée, en 1989, a été vite refermée suite à l’éviction du gouvernement réformateur en 1991. « On était dans une époque de sortie du régime autoritaire et ce conflit (éviction des réformateurs) a remis en cause la libéralisation politique », enchaîne-t-il. Comment ?

Le renvoi des réformateurs et la mise en place de l’état d’urgence ont favorisé, soutient-il, la sauvegarde du système puis sa consolidation. « La répression, le terrorisme et la violence qui ont duré plus d’une dizaine d’années ont fait qu’il ne reste des partis d’opposition que des lambeaux. La preuve est qu’ils ne peuvent plus mobiliser », ajoute-t-il. Cette situation a un coût très élevé pour les partis d’opposition. Il est difficile pour eux de mobiliser, de s’unir et de jouer un rôle de socialisation de la société. « Dans un régime autoritaire, l’opposition a un coût très élevé. La répression est très élevée. Résultante : la désaffection de la sphère contestataire », indique-t-il, en précisant que ce sont les partis qui ont le plus souffert de la désaffection. Pourquoi ne s’unissent-ils pas pour déjouer les tentatives du pouvoir de les affaiblir davantage ? Citant l’exemple du RCD et du FFS, Mohamed Hachemaoui relève des clivages et des divergences de fond qui font qu’une éventuelle union entre les deux partis est impossible. Il s’agit, note-t-il, de la différence dans la conception de la crise et de la sortie de crise. Les formations de Sadi et d’Aït Ahmed ont adopté des choix politiques diamétralement opposés. « L’un s’inscrit dans l’opposition radicale au régime depuis 1962 (le FFS) et l’autre se positionne dans une situation de soutien critique au régime », illustre-t-il. Mais cela ne suffit pour expliquer la situation inconfortable dans laquelle se trouve le pôle démocratique. Les partis sont aujourd’hui en panne d’idées et d’actions. Le FFS, le RCD, le MDS… affichent tous une volonté d’entreprendre des actions sur le terrain et de se rapprocher de la société. Toutefois, la nature de ces actions demeure la grande inconnue. Comment faire pour se réapproprier le terrain ? Comment faire pour remobiliser leurs bases respectives et fédérer les forces du changement comme ils le disent ? Il revient à ces partis et à eux seuls de répondre à la question.

Par Madjid Makedhi