Le FFS, un cuirassé sans équipage ?

Le FFS, un cuirassé sans équipage ?

par Mohamed Zaâf , Le Jeune Indépendant, 19 avril 2004

Le Front des forces socialistes (FFS de Hocine Aït-Ahmed), le doyen des partis d’opposition, ne semble plus trouver ses marques face au rythme accéléré de l’évolution des événements au double plan national et régional. Le FFS, l’un des principaux animateurs de la vie politique algérienne auparavant apparaît aujourd’hui tel un bateau à la dérive, naviguant au gré des vents, sans équipage, sans boussole.

Si les analyses et les positions exprimées depuis Lausanne gardent intactes leur logique et leur crédibilité, le moins que l’on puisse dire est qu’elles sont timidement répercutées et donc pas suffisamment défendues auprès de populations sollicitées sans relâche par d’autres discours.

Le FFS avait pourtant suscité les espoirs en s’engageant aux assises de Tipasa à une politique de proximité, à plus d’ouverture sur la société civile. Paradoxalement, il a brillé ces derniers temps par une attitude qui, apparemment, désespère quelque peu son monde.

Ses cadres et ses militants fuient, sous la gêne, les questions, et lorsqu’ils y répondent, ils le font de manière évasive, dominés par une réserve qui laisse quand même filtrer un manque de conviction, parfois du dépit. On admet mais on ne commente pas les faiblesses du moment, même si l’on y oppose les quelques passes d’armes isolées et la publication de quelques communiqués, ce qui, à la limite, ramène l’allure du parti à celle, négligeable, du MDS.

Le bref baroud d’honneur, à l’occasion de la campagne pour le boycott de la présidentielle, fut pratiquement sa seule action notable sur le terrain, sans pour autant franchir les zones kabyles. Le dernier scrutin, considéré comme un tournant dans la vie de la nation, a plutôt laissé apparaître de manière assez nette des désaccords sur les choix, et donc accentué l’érosion de l’esprit de discipline qui caractérisait le FFS.

Le fait que le Front ne présente pas de candidat et qu’il ait décidé officiellement le boycott n’a vraisemblablement pas manqué d’avoir des retombées négatives sur sa cohésion. Des répercussions qui ont fini par prendre la forme d’une «désobéissance» larvée si l’on prend en compte le soutien public des structures du FFS dans le Constantinois et dans les Aurès au candidat Bouteflika.

Un penchant partagé d’ailleurs par de nombreux militants du FFS dans les autres régions, y compris en Kabylie, même si en fin de compte le gros des troupes a fait preuve de discipline et globalement respecté le choix du boycott. Aujourd’hui, le FFS donne aux Algériens l’image d’un parti en déphasage, qui ne colle plus étroitement aux réalités, alors que lui sont reprochées sa «mollesse» et sa longue «hibernation».

Il donne l’impression que ses rouages souffrent d’un déficit dans la synchronisation nécessaire à l’harmonie de son fonctionnement. A moins que cela n’obéisse à une volonté délibérée de tenir le parti loin du brasier de la présidentielle, le temps que cette question soit définitivement tranchée.

Dans ce cas, ses proches seraient alors en droit d’espérer un redéploiement rapide du Front. Un retour à un rôle national plus fidèle à nos réalités qu’aux mirages d’en face, chez une gauche probablement contrariée par le «Waterloo» de son poulain.

Il est notoire qu’au niveau de l’encadrement du FFS personne ne conteste jamais les décisions de Da El-Ho, comme il est notoire que chez les Algériens personne ne conteste son nationalisme et qu’on lui voue plutôt un grand respect pour au moins son rôle historique dans le combat décisif pour la libération du pays.

Cependant, on ne peut être d’accord pour dire qu’aujourd’hui sa mission est terminée. Bien au contraire ! Ce qui est aujourd’hui attendu de lui, c’est de sortir le FFS de sa léthargie, de lui insuffler à nouveau le tonus qui a fait sa réputation et de le lancer résolument dans l’application des conclusions du dernier congrès.

Le FFS n’est pas n’importe quel parti et on ne peut accepter de gaieté de cœur de le voir amoindri, entraîné et confiné dans des confrontations stériles, face à des personnages aussi douteux que leurs objectifs, dans des poches réduites de la Kabylie.

Le FFS qui s’est fait le champion de l’unité nationale à chaque fois qu’elle était mise sous menace, ne peut avoir qu’un rôle de dimension nationale, toujours utile à la promotion de la démocratie et des libertés chez nous. Qu’il accomplisse donc son rôle intégral, son vivier est assez riche pour qu’il puisse s’offrir l’équipage qui convient le mieux à l’étape que le pays entame.

Qu’il tourne enfin à son propre régime ! M. Z.