La reconnaissance et la résistance

LA RECONNAISSANCE ET LA RESISTANCE

par M. Saadoune, Le Quotidien d’Oran, 28 novembre 2012

Même quand on conteste l’idée que le Hamas soit sorti victorieux de la dernière guerre livrée par Israël contre Ghaza, il n’y a pas de doute sur le fait que cela n’a pas été une défaite politique pour lui. Devant la disproportion des forces, c’est une prouesse. Ce qui est indéniable est que cette guerre n’a pas redoré le blason de l’Autorité palestinienne qui s’est égarée dans une démarche diplomatique vaine depuis près de vingt ans.

Israël, les Etats-Unis et également l’Europe, même si cela a été moins visible, ont exercé de très fortes pressions sur Mahmoud Abbas pour le dissuader d’aller, le 29 novembre prochain, à l’Assemblée générale des Nations unies demander pour la Palestine un statut d’Etat non membre. Or, cette guerre sur Ghaza, ouvertement soutenue par Obama, ne laissait plus de choix à Mahmoud Abbas : s’il reculait et cédait aux pressions américaines, il se serait fait hara-kiri. La guerre contre Ghaza n’a pas remis Mahmoud Abbas sur le chemin de la résistance, mais elle l’a contraint à tenir tête. Il n’avait pas le choix. C’était sa seule marge d’action politique possible alors que même dans les rangs du Fatah on commençait à admettre que le renoncement à la résistance, y compris armée, a été une concession grave et contre-productive.

Les divergences inter-palestiniennes ne relèvent pas d’une simple lutte de leadership entre les organisations politiques. Elles expriment une divergence lourde sur la question de la résistance, y compris armée, qui a été l’axe de tous les mouvements de libération. Or, depuis Oslo, Mahmoud Abbas et une armée de «négociateurs» ont fait naïvement dans un pacifisme d’autant plus naïf que l’occupant est dans une posture expansionniste agressive avec une démarche, constatée, d’occupation des terres et de purification ethno-religieuse. Le chef de l’Autorité palestinienne qui a été contraint d’adresser des félicitations au Premier ministre «déchu» Ismaïl Haniyeh ne pouvait plus transiger.

Les Américains, en dépit de leur aveuglement, ont fini par l’admettre : en allant à l’Onu, le chef de l’Autorité palestinienne qu’ils ont malmené et mené en bateau depuis deux décennies, cherchait à sauver le peu de crédit qui lui reste… au sein de la galaxie du Fatah. Et au fond, ce n’est pas pour ses beaux yeux qu’ils finiront par s’en accommoder. Car, au-delà du Hamas, cette démarche d’Abbas offre une pâle opportunité de faire accroire que la voie diplomatique a encore un avenir à un moment où la majorité des Palestiniens sont convaincus que seule la résistance est une option. C’est bien ce qui motive l’annonce par la France qu’elle votera en faveur de la demande de reconnaissance de la Palestine comme un Etat non membre.

On ne reprochera pas au fond à Mahmoud Abbas d’œuvrer à obtenir cette reconnaissance. C’est l’usage qu’il en fera qui compte. S’il s’agit d’en faire un soporifique pour remettre la question palestinienne dans des processus illusoires similaires à Oslo, ce sera un coup pour rien. Mais s’il se remet à réfléchir en responsable de «mouvement de libération», il doit admettre, comme le fait sa représentante en Europe, Leila Shahid, que l’action diplomatique n’est qu’un aspect du combat. Il doit revenir aux fondamentaux du mouvement de libération s’il veut que cette reconnaissance de l’Etat Palestine ait du sens et des prolongements. A défaut, ce ne sera que le dernier acte d’un long fourvoiement.