Tunisie : Mesures sécuritaires sur fond de déni

Tunisie : Mesures sécuritaires sur fond de déni

El Watan, 17 juillet 2015

Hélicoptères ultra-puissants, cartographie de sites sensibles, construction de mur de sable, augmentation des effectifs… La Tunisie prend des mesures à tout-va pour renforcer sa sécurité. Certains experts craignent que ce ne soit pas suffisant et que pour éradiquer le terrorisme, il faudrait le faire de l’intérieur, d’abord.

«La Tunisie n’est pas préparée à l’idée que la menace terroriste soit récurrente et qu’il faut s’attendre à de nouvelles tentatives. Les autorités ne sont pas aiguillées dans le bon sens et improvisent totalement. Hier par exemple, Mohamed Najem Gharsalli, ministre de l’Intérieur, s’est contenté d’encourager les citoyens à reprendre leur shopping, suite à un mouvement de panique dans un centre commercial qui a fait 14 blessés légers transférés par les unités de la Protection civile vers les hôpitaux de Tunis.

Cet incident, qui peut paraître anodin, est un bel exemple du laxisme ambiant», explique Néjim Bahouche, chercheur et politologue tunisien. Effectivement, hier, le centre commercial Palmarium de Tunis a vécu un état de panique générale, provoquée par un jeune qui a fait claquer un pétard. «Les mesures de sécurités ne doivent pas rassurer les pays étrangers pour attirer plus de touristes, il faudrait des mesures pour sensibiliser les Tunisiens au danger.

Certains partis politiques ne veulent pas que la population panique, mais il faudrait combien de morts pour que ça change ? Pendant ce temps, les djihadistes peaufinent leurs attentats et recrutent au sein même de cette population déjà fragilisée par la situation économique et sociale», ajoute-t-il. Après les attaques du musée du Bardo et sur la plage de Sousse, la Tunisie a décidé d’ériger un mur de 168 kilomètres de long pour empêcher les terroristes venus de Libye de s’infiltrer. Ceci dit, le mur ne couvrira pas toute la frontière qui s’étend sur plus de 400 kilomètres de long.

Black Hawk

Andrew Lebovich, chercheur associé au ECFR (European Council on Foreign Relations), estime : «C’est difficile de concevoir que ce mur va éradiquer le terrorisme en Tunisie, surtout quand la menace vient de l’intérieur du pays. Ce qui est possible avec ce mur, c’est qu’il va rendre la traversée plus laborieuse pour les terroristes.

J’avoue que ce projet donne juste l’impression que le gouvernement fait quelque chose.» Et de préciser qu’il ne faut pas opter pour des modèles «où la menace devient omniprésente et où les libertés individuelles seraient bafouées. Il faut trouver l’équilibre entre la sécurité et les libertés et les réformes essentielles, et aussi travailler étroitement avec les partenaires, comme avec l’Algérie».

Par ailleurs, une source sécuritaire nous informe que l’Algérie travaille étroitement avec la Tunisie pour mener une lutte acharnée contre les groupes terroristes. Au-delà du renseignement, des interventions directes dans les opérations sur le terrain et de la logistique, les militaires algériens cartographient le Mont Chaambi pour faciliter des interventions méthodiques. Aussi, les Etats-Unis ont confirmé l’envoi de matériel militaire et 12 hélicoptères Black Hawk.

Les Etats-Unis souhaitent utiliser des drones en Afrique du Nord pour lutter contre l’Etat islamique en Libye. Les Américains assurent que les vols de drones donneraient aux agences de renseignements et services militaires des informations en temps réel sur les activités de l’EI en Libye. «Si cette idée ne dérange pas les autorités tunisiennes, elle pourrait exacerber ses voisins, comme l’Algérie qui sécurise déjà les frontières, mais qui est frileuse à toute idée d’intervention étrangère, en apparence !» affirme Néjim Bahouche
Faten Hayed