Tunisie – Mohamed Bouazizi, symbole d’une contestation sociale sans précédent, est mort

Tunisie – Mohamed Bouazizi, symbole d’une contestation sociale sans précédent, est mort

Saïd Mekki, Maghreb Emergent, 06 Janvier 2011

Mohamed Bouazizi, le jeune diplômé chômeur, marchand de fruits et légumes, qui s’était immolé le 17 décembre dernier à Sidi Bouzid, ville du centre ouest de la Tunisie, est mort de ses blessures mardi en début de soirée. Son geste a déclenché un mouvement de contestation sociale sans précédent dans le pays qui a soulevé des questions sur un modèle économique tunisien très apprécié par les institutions financières internationales et les hommes d’affaires occidentaux.

S’estimant victime de l’arbitraire – la très maghrébine « hogra » – après que les services de police lui aient confisqué sa marchandise, Mohamed Bouazizi s’est aspergé d’essence devant le siège du gouvernorat en signe de protestation. Son geste a déclenché des manifestations de protestation sur tout le territoire révélant ainsi un profond malaise social dans un pays dont les performances économiques sont souvent données en exemple par les institutions financières internationales. Le mouvement de protestation persiste et s’est étendu même à tous le corps social et aux élites comme les protestations des avocats l’ont montré. Des rassemblements et des défilés continuent d’être organisés en Tunisie et des heurts ont été enregistrés entre lycéens et policiers à l’Est du pays. Mme Souhayr Belhassen, présidente de la Fédération internationale des ligues de droits de l’homme (FIDH) a demandé une « enquête ou une commission nationale pour déterminer les causes et les solutions à cette protestation sociale qui a pris des formes tragiques ». Les autorités qui ont tenté au début de minimiser les évènements ont été totalement prises de court par l’ampleur de la contestation. Les accusations lancées contre l’opposition d’instrumentaliser le geste de Bouazizi sont devenues intenables face à un mouvement de contestation sociale qui relativise un « succès économique » très souvent présenté comme le palliatif et la justification de l’absence de démocratie.

Le gouvernement sans réponse probante

Le décès de Mohamed Bouazizi, qui restera sans doute le symbole tragique de cette contestation, porte à quatre le nombre de tunisiens décédés au cours de ces évènements. Quelques jours après le geste de Bouazizi, un autre jeune homme de 24 ans, Hocine Naji, s’est donné la mort le 22 décembre en escaladant un pylône électrique à Sidi Bouzid. Le même jour, un jeune diplômé de dix huit ans a été tué par balles lors de manifestations à Menzel Bouziane. Un autre manifestant, blessé dans la même manifestation, a succombé quelques jours plus tard à ses blessures. Le gouvernement tunisien semble sans réponse probante à cette vague de contestation sociale sans précédent dans le pays. Dans un geste de « soutien », le colonel Maamar Kadhafi a ordonné au gouvernement libyen d’ouvrir les frontières aux chômeurs tunisiens. Une « soupape » qui ne constitue pas, selon les spécialistes, une véritable solution au problème majeur du chômage. En dépit d’un réel dynamisme l’économie tunisienne n’arrive pas à créer les emplois nécessaires à la résorption du chômage. Dans un contexte de ralentissement de la croissance, la Tunisie connaît un important taux de chômage notamment chez les jeunes titulaires issus de l’université.