Zone arabe de libre-échange: L’Algérie lâche du lest

Zone arabe de libre-échange: L’Algérie lâche du lest

par Moncef Wafi, Le Quotidien d’Oran, 6 mars 2012

La liste négative de 1.260 produits, dressée une première fois en 2010, par la Chambre algérienne de commerce et d’industrie (CACI), en concertation avec des opérateurs économiques, et avalisée par le Premier ministre, sera révisée.

Une révision à la baisse récemment entamée par le ministère du Commerce à la demande de la Ligue arabe qui a ajourné son étude à juin 2012 par son Comité d’exécution et du suivi du Conseil économique et social (CES). Dans cette optique, il est à rappeler que la 86ème session du CES, tenue en septembre dernier au Caire, avait reporté à décembre 2011 l’examen de cette liste élaborée d’une façon unilatérale par l’Algérie, puis à juin 2012, recommandant à l’Algérie sa révision selon des critères définis préalablement par la Ligue arabe. Pourtant, l’Algérie, qui a adhéré en janvier 2009 à la Zone arabe de libre-échange (ZALE), est le seul pays qui s’apprête à renégocier sa liste négative, alors que 6 autres Etats, qui avaient leurs listes négatives, ont négocié et bénéficient déjà des avantages, relève M. Allili, conseiller du ministre du Commerce chargé de la coopération. Ces pays sont le Maroc (804 produits), l’Egypte (709), la Syrie (255), la Tunisie (161), le Liban (41) et la Jordanie (35). Cette nouvelle liste comprend plusieurs catégories de produits que l’Algérie veut exclure des avantages à l’importation de cette zone pour une durée s’étalant de 3 à 4 ans afin de protéger certaines filières de production nationale, tels que les produits de l’industrie agroalimentaire, les produits agricoles, les textiles, le papier, le carton ou encore l’électroménager, menacées directement par ces importations. Ainsi, cette liste négative ne signifie pas une interdiction d’importation des produits concernés, mais leur exclusion des avantages douaniers prévus par l’accord de la Zale, alors que M. Allili avait déclaré, en janvier 2010, que «la liste négative, établie récemment par la Chambre algérienne de commerce et d’industrie en collaboration avec les opérateurs économiques et avalisée par le Premier ministre, comprend plusieurs catégories de produits que l’Algérie veut interdire à l’importation de la zone arabe pour une durée de 3 à 4 ans».

Côté chiffres, et selon Hocine Houri, directeur du Centre national de l’informatique et des statistiques (Cnis) des Douanes algériennes, les importations algériennes réalisées dans le cadre de la Zale ont connu une augmentation de 34% en 2011par rapport à 2010, alors que les exportations algériennes hors hydrocarbures vers la région ont diminué de 19,13%. L’Algérie importe plus de 5.900 produits des pays membres de la ZALE dont plus de 4.200 figurent dans la liste positive qui bénéficie des avantages douaniers de l’accord alors que ses exportations globales vers cette région ont baissé de près 20% à 261,3 millions usd en 2011, précisent les chiffres des Douanes, faute aux produits alimentaires qui ont subi une diminution de 23,2% en 2011 ainsi qu’aux produits industriels qui ont également baissé de 11,8%. L’adhésion de l’Algérie à la ZALE, quoique tardive pour préserver ses industries locales de la concurrence de certains produits circulant dans cette zone qui ne sont pas toujours d’origine arabe, a été souvent critiquée par des économistes qui estiment, à l’image de Mahdjoub Bedda, docteur en économie et auteur de l’ouvrage «ZALE : les enjeux et les défis de l’Algérie» que «la première décision d’adhérer à la ZALE a été prise de manière précipitée et unilatérale. L’Algérie aurait pu négocier d’avance ses choix et ses priorités économiques, car cette option était possible, l’Algérie disposant de toutes les échéances nécessaires». Dans une interview donnée à un confrère en juillet 2011, il est revenu sur cette liste négative que «l’Algérie devrait préciser, notamment les raisons qui motivent cette liste négative, la nature des produits et des secteurs d’activité concernés ainsi que le pourquoi de cette liste», tout en considérant que la démarche n’est pas vraiment évidente. Concernant les pertes enregistrées par l’Algérie après son adhésion à la ZALE, il dira que «les premières estimations font état d’un milliard de dollars de pertes en dépit même de la faiblesse du volume des échanges commerciaux entre les pays arabes comparativement à nos échanges avec l’UE et/ou les USA et la Chine.». L’Algérie, par ailleurs, propose que le certificat d’origine du produit exporté vers les pays de la Zale soit délivré par une même instance dans tous les pays arabes, contrairement à ce qui se fait actuellement où ce document est octroyé par le ministère du Commerce dans certains pays et les Chambres de commerce et d’industrie, dans d’autres, alors que, dans un premier temps, et pour les exportateurs algériens, la Libye leur exigeait d’authentifier le certificat d’origine des produits par les services consulaires libyens en Algérie. L’autre revendication de l’Algérie au sein de la Zale c’est le taux d’intégration des produits échangés dans cette zone et qui devrait se rapprocher au minimum de 70%, afin de protéger certaines industries nationales susceptibles d’être menacées par cet accord. Une revendication également défendue par les autres pays du Maghreb, et l’Egypte et le Soudan, alors que les pays du Golfe veulent le maintien d’un taux de 40%, tel que prévu provisoirement dans le cadre de la convention de facilitation des échanges commerciaux.