Pourquoi les candidats peinent à mobiliser

Après une semaine de campagne, l’engouement du public n’est toujours pas au rendez-vous

Pourquoi les candidats peinent à mobiliser

Liberté, 16 avril 2017

La mission s’annonce, à l’évidence, des plus ardues et la première semaine de la campagne électorale a montré qu’il en faut beaucoup plus pour renverser la vapeur.

La campagne électorale a bouclé sa première semaine sans provoquer l’emballement d’une population empêtrée dans l’engrenage des difficultés de la vie quotidienne et impactée par la hausse des prix des produits de large consommation qui continue de plomber le moral des ménages. Les candidats présentés sous la bannière de leurs partis respectifs ou dans des listes indépendantes se sont, certes, déployés à travers le territoire national, mobilisant des moyens parfois gigantesques et un argent à profusion. Mais force est de constater que cette offensive des candidats, qui tentent d’occuper tous les espaces d’expression publique, des plus traditionnels aux plus modernes, n’a, pour le moment, pas réussi à insuffler une véritable dynamique de campagne électorale.
Débats télévisés, créneaux d’intervention offerts par les organes de télévision et de radio publics, meetings, activités de proximité, affichages tous azimuts, Internet, réseaux sociaux… tous les moyens sont pourtant mis à contribution pour provoquer ce déclic tant attendu chez le citoyen. Même le gouvernement n’a pas hésité à s’investir lourdement dans la campagne de sensibilisation des électeurs et les convaincre d’affluer massivement vers les urnes le jour du vote. À l’évidence, tout ce beau monde peine à mobiliser une population qui, sous l’effet des continuelles déceptions et des promesses sans lendemain, ne croit plus en la chose politique, perçue aujourd’hui par le citoyen lambda beaucoup plus comme un moyen d’enrichissement personnel. Il est vrai que les hommes politiques de façon générale ne font pas assez pour améliorer cette image négative de l’action politique. Le tableau est, toutefois, plus noirci lorsqu’il s’agit d’évoquer la représentation à l’Assemblée nationale. Le Parlement, depuis des lustres, est devenu, au fil du temps, une boîte de résonnance pour l’Exécutif et n’effectue plus la mission première pour laquelle il a été mis en place, en l’occurrence le contrôle du travail du gouvernement. Ne pesant plus sur le cours des événements, le pouvoir législatif s’est mué en chambre d’enregistrement des actes de l’Exécutif. Et c’est ce qui explique, en partie, cette profonde aversion de l’Algérien pour les élections législatives qui, notamment, pour les deux dernières, ont battu tous les records de l’abstention. La hantise de l’abstention contraint, d’ailleurs, la classe politique, mais aussi les autorités, à redoubler d’efforts pour tenter de corriger cette image négative qui colle à la Chambre basse du Parlement et, partant, convaincre les citoyens d’accomplir leur devoir électoral le jour J.
La mission s’annonce, cependant, des plus ardues et la première semaine de la campagne électorale a montré qu’il en faut beaucoup plus pour renverser la vapeur. Conscient de la complexité de cette tâche, tous les chefs des partis politiques participants au scrutin n’ont pas hésité à investir le terrain pour soutenir leurs listes respectives dans les différentes wilayas. Le gouvernement, qui craint également un reflux des électeurs le jour du vote, y met du sien et mobilise, pour ce faire, ses ministres qui multiplient, ces dernières semaines, inaugurations d’infrastructures, déblocages de subventions et promesses de différentes natures. Au vu des moyens mobilisés, le résultat demeure, pour le moment, dérisoire et, selon toute vraisemblance, il sera difficile pour les acteurs engagés dans la campagne électorale d’inverser le cours des événements même s’il reste deux semaines pour le travail de sensibilisation. Jamais peut-être une campagne électorale n’a été aussi insipide et boudée par les citoyens. Ce manque d’engouement de la population pour la campagne est tellement criant que les formations impliquées dans cette opération sont profondément déstabilisées dans leur action. Même les promesses électorales, des plus extravagantes aux plus farfelues, faites, dans ce cadre par les candidats, n’ont pas vraiment réussi à impulser une dynamique à cette campagne qui prête presque au burlesque en raison des élucubrations de certains postulants à la députation et la parution d’un nouveau phénomène hautement néfaste dans la sphère politique, à savoir l’argent sale. L’avènement des réseaux sociaux et la généralisation de leur usage ne sont pas faits pour arranger les choses, comme le montrent toutes ces images de campagne tournées en dérision sur la Toile par les internautes. Le sort réservé par des mains invisibles aux tableaux d’affichage des portraits des candidats, avec des inscriptions et des slogans qui en disent long sur l’idée que se font les citoyens de ce rendez-vous électoral, ajoute une note caricaturale à cette campagne décidément mal partie. Et c’est peut-être cela qui contraint certains candidats, notamment ceux dont les partis gravitent autour du pouvoir, mais aussi des membres du gouvernement, à recourir à d’autres arguments pour convaincre les citoyens de la nécessité impérieuse d’aller voter le 4 mai prochain. On évoque à ce sujet les traditionnels sujets relatifs aux menaces extérieures et les dangers qui guettent nos frontières. Mais cela sera-t-il suffisant pour mobiliser l’électorat le jour J ?

Hamid Saïdani