L’énigme «arouch»

L’énigme «arouch»

Le Soir d’Algérie, 7 aout 2005

Avril 2001, le jeune Massinissa Guermah est assassiné dans les locaux de la brigade de la Gendarmerie nationale de Beni-Douala dans la wilaya de Tizi-Ouzou. La Kabylie, indignée, est en ébullition. Aux manifestations de rue, le pouvoir eut deux réponses: Une déclaration maladroite du ministre de l’Intérieur, Yazid Zerhouni, et une répression particulièrement féroce, avec, une première dans l’histoire, l’usage de balles réelles contre des manifestants désarmés.
Le bilan est lourd : 126 jeunes sont ravis à la vie par balles tirées par un corps de sécurité, la Gendarmerie nationale, et des centaines de blessés et de handicapés. Le face-à-face pouvoir-population prend des proportions dramatiques. C’est dans cette atmosphère de troubles que surgit, subitement, en mai 2001une espèce de structure inconnue jusque-là : “les arouch”. Terme étranger à la région, cette appellation désigne une nouvelle forme d’organisation imaginée, créée et mise en place dans le feu de l’action par le conseiller “au dossier kabyle” de Abdelaziz Bouteflika, Rachid Aïssat. Surestimant toutefois ses capacités de maîtrise de la situation, Aïssat perdra rapidement son influence sur sa propre création. La situation, faite d’émeutes violentes et permanentes aidant, les partis, c’est-à-dire le RCD et le FFS, sont submergés par ce “mouvement” quasiment incontrôlable et où l’on retrouve un peu de tout. L’orage passé, les décantations commenceront à se faire et ledit mouvement, qui s’était entre-temps doté d’une “plate-forme” dite “d’Elkseur”, ne tardera pas à annoncer la couleur : rejet de ses propres rangs de tous les militants syndicaux, politiques et associatifs, des femmes et même des cadres dans une phase ultérieure. Pris à bras-le-corps au tout début de sa création par la population, ce “mouvement” finit par être accaparé par un groupe qui le “débarrasse” de revendications “encombrantes” comme la revendication du jugement des “gendarmes coupables d’assassinats” de 126 citoyens en Kabylie, mais surtout de “leurs commanditaires”. Cibles privilégiées par contre de ce groupe, dénommé “arouch dialoguistes” depuis 2003, les partis politiques. Mais pas tous les partis, toutefois. Si les partis de “l’alliance présidentielle” sont qualifiés de “partenaires”, les partis de l’opposition, eux, sont constamment attaqués. Tant politiquement que … physiquement avec, notamment, le saccage de leurs locaux en Kabylie. Ayant intégré allègrement le dispositif mis en place pour la reconduction de Abdelaziz Bouteflika à la tête de l’Etat pour un second mandat, la faction dialoguiste de ce qui était “le mouvement des arouch” sous-traite ouvertement au profit du chef du gouvernement dans la région de Kabylie au point d’irriter y compris le secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem. Dans la perspective des prochaines élections partielles en Kabylie, ce groupe, érigé par Ouyahia comme interlocuteur “exclusif” du gouvernement dans la région, contacte même d’éventuels candidats auxquels des positions privilégiées sont promises sur des “listes libres” ou alors celle du… RND ! No comment.
K. A.