Mali : Le projet d’un Etat islamique tombe à l’eau

Mali : Le projet d’un Etat islamique tombe à l’eau

par Y. A., Le Quotidien d’Oran, 30 mai 2012

Quarante-huit heures après sa signature, le «Conseil transitoire de l’Etat islamique de l’Azawad», dans le Nord du Mali, avec la fusion des groupes armés de l’opposition touareg, a volé en éclats. En fait, tous les pronostics d’une détérioration des plus anachroniques de la situation conflictuelle au Nord Mali, après le putsch militaire du 22 mars dernier qui a destitué le président Touré (ATT) sont devenus un jeu politique extrêmement inquiétant devant la tournure prise par les événements dans cette partie du Mali, au Sahel.

L’annonce pratiquement expéditive, samedi, de la création d’un Etat islamique au nord du pays, avec la fusion des deux grandes factions touareg rebelles, l’une laïque, le MNLA, l’autre islamiste, Ansar Eddine, a fait craindre, pour beaucoup, la naissance d’un « Maliland » au Nord, dominé par les groupes terroristes. Mais, un peu plus de 48 heures, après cette annonce de fusion entre le groupe Ansar Eddine, qui veut installer la ‘Charia’ au Mali et le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), le projet serait déjà mort-né.

La raison ? Selon des responsables du MNLA, un désaccord de fond a surgi après l’envoi de Tombouctou du projet de cette fusion par Iyad Ag Ghaly, chef d’Ansar Eddine, au MNLA, installé lui à Gao. L’accord achopperait en fait sur la manière dont Ansar Eddine veut appliquer la ‘Charia’ dans cette partie du pays. «Nous avons refusé d’approuver le communiqué final, parce qu’il est différent du protocole d’accord que nous avons signé samedi. Toute la journée d’hier, nous avons discuté, mais il n’y a pas eu d’entente», a déclaré Ibrahim Assaley, élu du Nord malien et membre du MNLA.» Dans le communiqué rédigé par Ansar Eddine, on parle d’application de la ‘Charia’ pure et dure, on parle aussi d’interdire le Nord aux organisations humanitaires non-musulmanes: ce n’était pas précisé dans le protocole d’accord», a-t-il poursuivi. C’est comme si on voulait nous dissoudre dans Ansar Eddine», a-t-il lancé, jugeant que les exigences du groupe islamiste sont «dignes d’une organisation religieuse». «On n’a pas accepté ça», a insisté M. Assaley. »Après le protocole d’accord qui est une base de travail», le chef d’Ansar Dine, Iyad Ag Ghaly, a envoyé de Tombouctou «un communiqué, sous pli fermé. Quand on a lu le communiqué, il y a eu des gens du MNLA qui ont dit qu’il faut corriger des choses. Nous avons refusé», a déclaré à l’AFP Moussa Ag Achérif. Selon des responsables du MNLA, le chef d’Ansar Eddine devait arriver, hier mardi, à Gao « pour régler le problème ». La fusion entre les deux groupes qui avaient réussi à chasser des villes du Nord du pays (Gao, Kidal et Tombouctou) l’armée régulière, aurait été scellée après que les thèmes de désaccords entre les deux mouvements aient été mis de côté. Le MNLA, un des plus vieux mouvements d’opposition armé, au Nord du Mali, est d’obédience laïque, alors qu’Ansar Eddine, épaulé par les groupes terroristes d’Al Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), ainsi que le nouveau venu le Mujao, qui détient les sept diplomates algériens enlevés au consulat de Tombouctou, se revendiquent de la mouvance islamiste. D’autant qu’une réunion de plusieurs jours avait réuni à Gao les chefs d’Al Qaida avec ceux d’Ansar Eddine et du Mujao, avec pour objectif de mettre en place un Etat islamique dans une région qui n’est plus entre les mains du pouvoir central à Bamako, occupé toujours par les dissidences entre les différentes factions militaires. Aqmi et Ansar Eddine «ont consolidé leurs relations», a indiqué à l’AFP l’entourage d’un imam de la ville de Gao. De son côté, le Mujao «garde son autonomie, mais n’a plus désormais de différends avec les autres jihadistes. Ils ont la même ambition de faire le jihad, mais ils se partagent le terrain», a affirmé une source proche de la rencontre.

Par ailleurs, aucune information n’a filtré sur le niveau des négociations pour la libération des sept diplomates algériens, alors que l’ultimatum lancé par leurs ravisseurs du Mujao arrive à échéance. Le Mujao, qui détient d’autres otages occidentaux, a notamment demandé une rançon de 15 millions de dollars pour leur libération. C’est dans ce contexte particulier et très préoccupant qui prévaut aux confins nord du Mali qu’un nouveau groupe armé, le Front de libération du Nord-Mali (FLNM), a annoncé lundi sa création pour «combattre les groupes islamistes» voulant instaurer la loi islamique. Ce mouvement, ne compterait pour l’instant qu’une centaine d’éléments. Mais, il donne en fait la pleine mesure autant de la déconfiture de l’armée malienne et son incapacité à reprendre le contrôle de cette région où se sont installés les groupes islamistes lourdement armés, certains ayant fait partie des effectifs de l’ex-armée libyenne, que de la perspective d’un Nord Mali où ne régneraient dorénavant ni l’ordre, ni sécurité, à l’image de l’actuelle Somalie. Si l’Algérie a déjà clarifié son point de vue dans la manière de résoudre ce problème d’insécurité au Nord du Mali, Paris a réagi hier par la voix de son nouveau ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, qui a affirmé que la France «n’a pas vocation à intervenir directement» en Afrique. Face aux crises qui secouent le continent, notamment au Mali où «la situation est très préoccupante», «ce qu’il faut, c’est une action globale de la Communauté internationale qui conjugue stabilisation, développement et renforcement de la sécurité», affirme le ministre. Pour tout le monde, le Nord du Mali est devenu un vrai problème de sécurité régionale.