Sarkozy, convaincu par Bouteflika, déclare l’incident clos

Polémique après les propos de Cherif Abbas sur les origines juives du président français :

Sarkozy, convaincu par Bouteflika, déclare l’incident clos

par Mohamed Khellaf, Le Jeune Indépendant, 1 décembre 2007

Il a fallu – fait rarissime pour l’Etat algérien – une déclaration du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, suivie d’un long entretien téléphonique avec son homologue français, pour ne pas compromettre la visite d’Etat du président français en Algérie.

L’agence de presse étatique, APS, avait, quelques heures après que la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères eut demandé «des clarifications à Alger», diffusé une déclaration du président Bouteflika. La France souhaite des clarifications de la part d’Alger, à la suite des propos du ministre algérien des anciens Moudjahidine, M. Mohammed-Cherif Abbas, évoquant la contribution d’un «lobby juif» à l’élection du président français Nicolas Sarkozy.

«Compte tenu de l’émotion légitime suscitée par ces propos, nous cherchons à clarifier la position algérienne», a déclaré à la presse la porte-parole du ministère des Affaires étrangères Pascale Andréani, interrogée sur les propos du ministre algérien, sans ajouter d’autres précisions.

La veille, le Quai d’Orsay s’était «étonné» des propos du ministre. «Nous nous étonnons de ces propos, parus dans la presse, qui ne correspondent pas au climat de confiance et de coopération dans lequel nous préparons la visite d’Etat du président de la République» à Alger, avait déclaré Mme Andréani.

Quelques heures après, l’APS diffusait une déclaration du président de la République qui semble, du moins dans la forme, obéir à une exigence de désaveu du ministre des Moudjahidine. «Constitutionnellement, la politique extérieure relève du domaine réservé du président de la République et de ses plénipotentiaires dont le ministre des Affaires étrangères en particulier.

Elle est conduite directement par le Président ou ses services compétents dûment mandatés. En dehors des positions exprimées par ces autorités, toute déclaration ou spéculation n’engage que ses auteurs ou ceux qui les publient. Par ailleurs, il n’est pas de nos traditions, ni dans notre interprétation du devoir de réserve qui incombe à tout responsable de l’Etat, de porter des jugements de valeur sur des hommes d’Etats étrangers ou de nous immiscer dans la politique intérieure des autres Etats, notamment lorsqu’il s’agit d’un pays ami avec lequel nous entretenons des relations multiples de coopération confiantes et mutuellement bénéfiques.» Le soir, Nicolas Sarkozy, visiblement satisfait des «éclaircissements» d’Alger, a déclaré que l’incident «est clos», et confirmé qu’il se rendrait bien à partir de lundi en visite en Algérie.

«J’ai eu longuement le président Bouteflika» au téléphone jeudi, a-t-il déclaré sur les chaînes de télévision françaises TF1 et France 2, indiquant que son homologue lui avait répété que les déclarations du ministre des anciens Moudjahidine «ne reflétait en rien la position de l’Algérie».

«Je lui ai dit que je combattrais de toutes mes forces l’antisémistisme, l’islamophobie et toute forme de racisme», a poursuivi M. Sarkozy. «Je considère que l’incident est clos et j’irai en ami en Algérie», a-t-il ajouté en évoquant sa visite d’Etat en Algérie prévue de lundi à mercredi.

Plus tôt dans l’entretien, M. Sarkozy avait indiqué qu’il comptait «ramener des contrats» de son déplacement en Algérie. Si la majorité soutenant le président Sarkozy semblait avoir accepté de suivre la consigne de la retenue, l’opposition de gauche a, quant à elle, saisi l’incident pour rebondir.

L’ancien ministre et responsable socialiste Pierre Moscovici a estimé hier que la prochaine visite de Sarkozy en Algérie se déroulerait dans «un climat malsain», après les propos de Cherif-Abbas pointant les origines juives du président français.

«J’ai trouvé le démenti de Bouteflika mou», car «il n’a pas désavoué les propos» de son ministre, «il n’a pas démenti ce ministre, il n’a pas viré ce ministre», a déclaré sur la radio France Info M. Moscovici, secrétaire national du Parti socialiste (PS) aux questions internationales.

«Cela signifie qu’il n’y a pas de vraie volonté de l’Algérie de se réconcilier avec la France au prétexte qu’il y a un «lobby juif». Je trouve ça scandaleux», a ajouté l’élu du PS. «Je pense que cette visite se déroule dans un climat malsain (…) Nicolas Sarkozy ne peut pas faire autrement que d’y aller, mais j’imagine qu’il y va de très mauvaise humeur et je le comprends», a-t-il conclu.

M. K.