Macron séduit Alger !
Reçu avec les honneurs d’un chef d’état
Macron séduit Alger !
El Watan, 14 février 2017
De tous les candidats, il est celui qui connaît le mieux l’Algérie, surtout les milieux d’affaires.
En Marche vers l’Elysée, Emmanuel Macron a fait escale à Alger qui lui a déroulé le tapis rouge de la République. Il a été accueilli avec les honneurs habituellement réservés aux chefs d’Etat. Reçu par le Premier ministre et quatre autres membres du gouvernement, entretien avec le patron des chefs d’entreprise, dîner avec des patrons de médias et des acteurs de la société civile, le candidat à la présidentielle française d’avril prochain a réussi son opération de charme.
Conscient de l’importance des relations entre les deux pays et en bon séducteur politique, l’ancien patron de Bercy a su parler aux Algériens usant des mots utiles. «Pour la France, l’Algérie est une priorité», a-t-il assuré. Il propose «un rapport nouveau et un regard neuf sur l’Algérie». Des propos qui rassurent Alger. Connaissant la sensibilité des Algériens sur le passé colonial, l’hôte d’Alger rappelle que «personne ne peut s’affranchir du passé. Un dirigeant politique est comptable de l’histoire de son pays et doit respecter la mémoire de ceux qui ont fait cette histoire et de ceux qui ont souffert». Des éléments de langage soigneusement choisis.
Issu de la génération qui n’a pas connu la Guerre d’Algérie, l’ex-conseiller de François Hollande se présente comme l’homme du rapprochement et de la réconciliation durable entre les deux pays aux relations aussi complexes qu’imbriquées. En retour, Alger semble renvoyer l’ascenseur à un candidat tourné vers le futur. Connaissant la prépondérance des relations stratégiques entre les deux rives de la Méditerranée, l’Algérie l’a assuré de son «soutien».
Des deux côtés de la Méditerranée, les relations ne sont pas perçues en termes de politique étrangère mais intérieure. Il est vrai qu’entre Alger et Paris, ce sont des rapports d’Etat à Etat qui résistent aux épreuves et aux hommes, même si les profils politiques des dirigeants peuvent avoir des incidences positives ou négatives. Celui de Macron est atypique au regard de son parcours forgé en dehors des familles politiques classiques aux rapports historiques exécrables avec l’Algérie. Le jeune loup que personne ne voyait venir s’est frayé un chemin au milieu d’un champ politique dominé par les «Eléphants».
Prenant de court ses amis politiques comme ses adversaires, Emmanuel Macron, qui a pu briser les codes en vigueur, s’est imposé en évoluant en dehors du schéma politique traditionnel. Pur produit du système, il a su – par une magie dont il détient le secret – se donner l’image de l’antisystème. L’establishment algérois qui au départ avait «misé» discrètement sur le vieux routier Alain Juppé, avant qu’il ne soit éliminé de la course, observe et scrute l’évolution des rapports de forces politiques à la veille de la présidentielle.
Nombreux sont ceux qui au sein de l’Etat algérien estiment qu’Emmanuel Macron n’est pas seulement «une bulle médiatique». Il est le candidat de la puissance économique et ses relais politiques et médiatiques. Pas seulement. Il est porté par une vague favorable au sein de l’opinion publique, notamment chez l’électorat jeune. Aidé par la déroute de François Fillon qui est violemment secoué par la tempête politico-judiciaire, Emmanuel Macron est devenu un potentiel présidentiable qui, pour des raisons évidentes, ne laisse pas Alger indifférente.
Traditionnellement penchées à droite, les élites politiques et économiques algériennes ne sont pas non plus exclusives. L’Algérie a plusieurs fers au feu. Elle mise sur plusieurs chevaux à la fois, et Macron n’est pas le seul cheval gagnant. Certes à gauche, les chances de voir un des candidats – Hamon, Mélenchon – remporter l’élection présidentielle ne sont pas énormes. A droite, François Fillon dont les liens avec l’Algérie ne sont renforcés – il a effectué une seule visite en tant que Premier ministre sous la présidence Sarkozy – n’envoie pas de signe pour le moment.
Il est plus tourné vers l’Europe et la Russie. Le Maghreb n’est pas la priorité de son agenda. Reste la candidate de l’extrême droite, Marine Le Pen, dont les relations avec l’Algérie sont inexistantes, mais surtout elle rappelle le passé peu glorieux de sa famille politique en Algérie. Dans ce casting politique inédit, Macron peut tirer son épingle du jeu. De tous les candidats, il est celui qui connaît le mieux l’Algérie surtout les milieux d’affaires.
Hacen Ouali
Rencontre Haddad-Macron
Les pistes de coopération évoquées
De nombreuses pistes de coopération économiques algéro-françaises ont été passées en revue, hier, par Emmanuel Macron – candidat à la présidentielle en France – lors d’une déclaration à la presse en marge de sa rencontre à Alger avec le président des chefs d’entreprise, Ali Haddad.
«Nous avons envisagé l’importance des dossiers relatifs aux énergies renouvelables, en particulier le solaire dans lequel beaucoup d’appels d’offres vont être passés», a déclaré Emmanuel Macron. Il a également souligné que des pistes de coopération étaient possibles dans les domaines des infrastructures et de la construction, de la logistique et de l’industrie agroalimentaire.
Evoquant le numérique, le candidat à la présidentielle française a relevé l’existence d’un partenariat «extrêmement vif en Algérie», deuxième marché francophone au monde après la France, avançant la possibilité de la création de «géants numériques» grâce à une coopération entre les deux pays.
Citant le contenu de ses entretiens avec le président du Forum des chefs d’entreprise (FCE), Ali Haddad, M. Macron a fait état de discussions sur la capacité à développer l’entrepreneuriat «avec un environnement d’affaires stable et ouvert, conjugué à une mobilité géographique entre les deux pays qui permettra d’atteindre ces objectifs économiques».
Il a ajouté que ce partenariat est également important «dans le cadre d’une stratégie africaine que les deux pays doivent partager», l’Algérie étant, selon lui, le premier pays d’Afrique qui a vocation à travailler avec l’ensemble des pays du continent à travers, notamment, la mise en place de la route transsaharienne et la stratégie du pays en termes d’infrastructures de transport et énergétique. A ce propos, M. Haddad a indiqué que le développement de ce partenariat gagnant-gagnant doit absolument passer par l’axe Paris-Alger-Johannesburg, «l’Afrique étant le marché de demain».
R. E.