L’Union africaine mise devant le fait accompli par le duo Sarko-Moubarak

L’Union africaine mise devant le fait accompli par le duo Sarko-Moubarak

par Kharroubi Habib, Le Quotidien d’Oran, 20 décembre 2009

Le président français et son homologue égyptien entretiennent des rapports de connivence sur lesquels ils ont bâti la prétention pour leur duo à décider unilatéralement dans les affaires de l’Union pour la Méditerranée qu’ils coprésident, et de l’Union africaine dont les Etats membres doivent en principe prendre part prochainement à un sommet France-Afrique.

C’est sur ce dernier évènement que les deux hommes d’Etat ont donné toute la mesure de leur connivence qu’ils ont manifestée en commettant un acte de total mépris à l’endroit et de l’institution continentale et de leurs pairs africains, qui a consisté à décider unilatéralement, lors de leur récente rencontre à l’Elysée, la «délocalisation» de ce sommet France-Afrique de Charm El-Cheikh, où il était initialement programmé, à Paris.

La raison invoquée pour cette «délocalisation» par les deux chefs d’Etat est l’indésirabilité au sommet France-Afrique du président soudanais Omar El Bachir, qui aurait pu faire tout de même le déplacement à Charm El-Cheikh. Puisque officiellement l’Egypte est, à l’instar des autres pays africains, opposée au mandat d’amener lancé contre lui par le Tribunal pénal international. Le changement de lieu sur lequel se sont entendus Nicolas Sarkozy et Hosni Moubarak le prive de participation, car la France, elle, appuie l’initiative du TPI, et le président soudanais serait mal inspiré de ce fait à fouler le sol français.

Que le cas d’Omar El Bachir pose effectivement problème à la tenue du sommet France-Afrique, c’est un fait. C’en est un autre tout aussi délicat et grave que la décision unilatérale prise à l’Elysée. Car elle met l’Union africaine et ses chefs d’Etat devant un fait accompli qui, accepté par eux, ferait voler en éclats la solidarité qu’ils ont adoptée avec le Soudan et son président sur cette affaire de mandat d’arrêt international.

En toute logique, par refus de l’arrogant unilatéralisme manifesté par Paris et Le Caire, l’Union africaine ne devrait pas consentir à la délocalisation du sommet décidée par ces deux capitales. Ce n’est pas tant par soutien à Omar El Bachir qu’elle doit adopter cette position, mais pour rejeter le fait accompli devant lequel elle a été placée sans ménagement ni consultation. Nicolas Sarkozy n’est pas le plus blâmable en cette affaire car, somme toute, il est en cohérence avec la position française sur le dossier Omar El Bachir. C’est le président égyptien qui l’est parce que lui fait dans le reniement et la fausseté. Parce que, pour des raisons internes, il a besoin de l’onction des puissances occidentales, dont la France, Moubarak a allègrement fait fi du consensus africain contre la décision du TPI concernant le président soudanais, et affiché le peu de considération qu’il a pour ses pairs du continent.

En se taisant sur le diktat franco-égyptien, l’Union africaine banalisera les comportements de ce genre à son égard. Et confortera le duo Sarkozy-Moubarak dans sa politique à l’égard du continent qui est basée sur l’établissement d’un condominium franco-égyptien sur les affaires africaines. C’est d’ailleurs un ambition similaire qui cimente la coopération dont les deux hommes font montre en ce qui concerne l’Union pour la Méditerranée. Une attente qui n’a de réalité que leur aspiration commune a être reconnus internationalement en tant qu’acteurs politiques qui comptent et pèsent dans les affaires mondiales et régionales.