Un report, une «rumeur» et des interrogations

Assemblée populaire nationale

Un report, une «rumeur» et des interrogations

par Ghania Oukazi, Le Quotidien d’Oran, 28 mai 2007

L’Assemblée populaire nationale semble s’être habituée à accommoder son droit de légiférer à celui de contourner les lois de la République et ce en acceptant de se faire installer et se faire choisir son président selon les bons vouloirs des pouvoirs exécutifs.

Le report de l’installation de l’Assemblée répond indéniablement à des considérations de suprématie du pouvoir exécutif sur celui législatif. Cette affirmation trouverait son explication à travers la version distillée ici et là sur les raisons du report de l’entrée en fonction de la nouvelle assemblée populaire nationale. Report qui (re)pose l’inévitable question de l’utilisation du droit par l’Etat et ses démembrements. Le recours au droit doit-il se faire selon les lois de la République ou selon les bons vouloirs des pouvoirs en exercice qui sont constitutionnellement de nature exécutive ? Ce report décidé officiellement par on ne sait quelle partie est une réponse à la question. On dit que le déplacement du président de la République à Blida et à Chlef a obligé à ce report parce qu’il se fait accompagné par des ministres députés. Qui des dates des projets qui doivent être reculées, l’installation de l’Assemblée conformément à la Constitution ou la visite présidentielle ? Officiellement, c’est la première qui a été reportée. Du coup, c’est la loi suprême du pays qui est piétinée et les pouvoirs qu’elle définit inversés selon les exigences d’un système politique qui n’en finit pas d’étonner par la vergogne qu’il développe continuellement. Le secrétaire général du FLN ou autres milieux en mal de positionnement justifient ce report et lui donne légalité absolue en soutenant que les dix jours imposés par la loi sont comptés à partir de l’annonce officielle par le Conseil constitutionnel des résultats définitifs du scrutin du 17 mai dernier. La précision ne manque pas de pertinence si son contenu n’était pas changé au gré des «humeurs» des pouvoirs en place. En effet, l’on se rappelle en 2002 et au delà en 1997 que l’article 113 de la Constitution a été respecté en comptant les dix jours à partir de la date du scrutin et non de l’annonce des résultats par le Conseil constitutionnel.

Ces lois qui inversent l’ordre

Les lois n’obligent donc pas à leur application selon ce qu’elles consacrent mais selon ce qu’elles apportent comme privilèges et préservent comme intérêts. Telles qu’elles ont été conçues, elles permettent une formidable élasticité dans leur utilisation. Etant une émanation des pouvoirs en place comme c’est le cas des partis politiques, les législateurs ont fait en sorte de laisser de nombreuses failles dans les textes pour pouvoir trouver à chacune de leurs difficultés une sortie «honorable». Le jeu n’est pas nouveau dans les institutions. Il se fait au risque d’inverser l’ordre qui constitue légalement l’Etat sans en déranger les représentants. Ainsi, le report de l’installation de l’APN n’est-il qu’un exemple parmi tant d’autres nombreux qui montrent que le pouvoir exécutif incarné en premier par le président de la République se passe outrageusement des lois, quelle que soit leur consistance. Le recours à l’option du gré à gré dans des opérations de marché sont légion alors que le chef de l’Etat en personne l’a proclamée interdite, sauf cas de force majeure. Autre infraction flagrante ces derniers temps, la désignation du président de la nouvelle assemblée. La rumeur ne doit pas en être une à ce sujet. L’on dit depuis samedi soir que c’est Abdelaziz Ziari, l’actuel ministre chargé des relations entre le Gouvernement et le Parlement qui a été choisi pour en assurer les fonctions. L’information s’est propagée comme une traînée de poudre à partir de la résidence El Mithak où le ministère des Affaires étrangères avait organisé une cérémonie en l’honneur de l’Afrique. Ce qui explique sa publication le lendemain dans plusieurs journaux.

Les lois, les pouvoirs et les grosses fortunes

Ziari serait donc être cet homme autour duquel le consensus se serait construit. Au diable les dispositions réglementaires qui dictent les modes d’élection du président de l’APN par ses pairs, les députés. Pourquoi le choix s’est-il porté sur Ziari ? demandons-nous à des sources proches des pouvoirs sélectionneurs. «Gérable», répondent nos interlocuteurs avec un sourire au coin. Gérable, il doit certainement l’être comme l’ont été ceux qui l’ont précédé à ce poste.

Décidément, il nous serait pas permis de penser que Amar Saïdani pouvait être le dernier de cet espèce d’hommes qui acceptent d’obéir au doigt et à l’oeil à ceux qui les font. Les choix des hommes à la tête des institutions ont toujours été opérés sans vergogne défiant toutes les lois parfois mêmes celles de la nature. Les patrons des partis de l’Alliance présidentielle sont tombés d’accord sur au moins une chose, celle de l’intervention de l’argent sale dans les élections. C’est ce que Belkhadem appelle la corruption politique. Les grosses fortunes qui ont été amassées durant les années 90, sont en passe de devenir ce nouvel instrument de persuasion aux mains des pouvoirs. Comme annoncé dans ces colonnes, en 2002, dès l’installation de Amar Saïdani au poste de président de l’APN, l’argent sera un moyen pour élire des hommes de tous horizons. Ce qui ne voudrait pas dire que les décideurs auraient changé de main mais ils auraient tout simplement changé de méthodes pour continuer d’exercer leurs pouvoirs. Signe des temps modernes, au lieu de bourrer les urnes, ils achètent ou vendent des voix. L’élection qui nécessitera le plus grand nombre de pourvoyeurs de fonds sera en évidence, celle de la prochaine présidentielle.