Visite du commissaire européen à la Politique de voisinage: L’Algérie, les réformes et le «printemps arabe»

Visite du commissaire européen à la Politique de voisinage: L’Algérie, les réformes et le «printemps arabe»

par Yazid Alilat, Le Quotidien d’Oran, 21 mars 2012

Le commissaire européen chargé de l’Elargissement et à la Politique de Voisinage (PEV), Stefan Füle, n’a pas chômé durant sa visite lundi et mardi à Alger.

Outre l’agenda diplomatique centré sur la PEV et le commerce, à travers les négociations sur le report du démantèlement tarifaire entre Alger et Bruxelles, Füle a également rencontré les représentants de la société civile autour du thème générique des réformes et de la démocratie dans les pays arabes en général, et au Maghreb en particulier. En fait, il a beaucoup axé sa visite en Algérie sur les changements politiques intervenus en 2011 dans les pays arabes, ou ce que l’on appelle maintenant communément le «Printemps arabe».

Hier mardi devant les représentants des associations algériennes et le Président du Conseil économique et social (CNES) M. Seghir Babès, il a mis la balle sur le terrain politique et des réformes en cours dans nombre de pays arabes, notamment au Maghreb. Et confirmé en fait l’intérêt de l’UE à ces mouvements politiques qui ont déjà bouleversé la dynamique géopolitique dans le bassin méditerranéen, avec les changements intervenus en Tunisie, Egypte et Libye. Selon lui, la réaction des pays du Maghreb aux exigences de changement et de réformes ‘’ne sont pas identiques », avec cette spécificité que chaque pays maghrébin a sa propre réalité politique.

Le principal enjeu pour ces pays aujourd’hui est de «savoir comment pouvoir bénéficier des changements politiques intervenus dans la région en intégrant davantage la dignité et l’égalité». Ces réformes, que l’UE soutient politiquement, financièrement et parfois militairement, doivent prendre en compte, a-t-il précisé, «la dignité des peuples » et que chaque pays de la région devra « tracer sa voie pour le changement et la réforme». Devant les représentants des associations algériennes, il a notamment affirmé dans son intervention «être venu pour écouter les préoccupations et aspirations des représentants de la société civile algérienne». Il est clair que le représentant européen est venu à Alger avec cette autre mission de tâter le pouls de la rue algérienne à travers les réactions de la société civile algérienne aux bouleversements politiques régionaux.

Sa rencontre avec la société civile algérienne a porté notamment sur les modalités d’accompagnement par l’Union européenne (UE) du mouvement associatif algérien, la formation et le transfert de technologie, ainsi que la liberté de déplacement des personnes dans l’espace européen. Et, très vite, le débat a dérapé sur les comportements xénophobes, les difficultés d’obtention du visa Shengen, le parcours du combattant pour l’obtenir, et, surtout, les nombreuses vexations et humiliations subies par les Algériens dans les consulats des pays de l’UE pour les formalités administratives d’obtention de ce visa. Mais, apparemment, le patron de l’UE, en matière de politique de voisinage, est resté concentré sur sa mission à Alger: soutenir les réformes politiques en Algérie, s’inquiéter des conditions de transparence de la tenue des prochaines législatives de mai, et, surtout, ‘’humer » l’air du changement qui s’annonce dans un pays qui a été le seul à ne pas avoir été secoué par les spasmes du Printemps arabe.

«La commission européenne soutient pour sa part fermement ce besoin de renforcer l’aide financière aux pays de la région», a indiqué M. Füle lors d’une conférence de presse animée, lundi, conjointement avec le ministre des Affaires étrangères, M. Mourad Medelci. Sans pour autant préciser la destination de ces fonds, s’ils seront versés aux Etats ou aux sociétés civiles directement.

En octobre 2011, M. Stefan Füle avait indiqué à Bruxelles que l’appui européen, qu’il soit matériel ou technique destiné aux pays du voisinage, sera désormais fourni directement aux sociétés civiles au lieu des Etats. D’où sa rencontre de mardi avec les associations algériennes. M. Füle a indiqué à ce propos que l’UE a décidé d’allouer des fonds supplémentaires à l’Algérie pour la soutenir dans les réformes qu’elle est en train de mener. «Pour motiver les réformes supplémentaires, je viens d’informer Monsieur le ministre que nous avons décidé moi et ma collègue Catherine Ashton (Chef de la diplomatie de l’UE) de mettre à la disposition de l’Algérie des fonds supplémentaires dans le cadre du programme Spring» (support partnership, reform and inclusive growth)».

Par ailleurs, la politique européenne de voisinage rénovée, à laquelle l’Algérie n’a pas encore adhéré contrairement au Maroc et à la Tunisie, a été au centre des entretiens de M. Füle avec les responsables algériens, dont le chef de la diplomatie M. Medelci. «Nous avons retenu l’idée d’un plan d’action taillé sur mesure pour permettre à l’Algérie de participer à ce programme», a précisé le commissaire européen. La PEV concerne 16 pays Méditerranéens.

La PEV rénovée porte sur la démocratie, les droits de l’Homme, la bonne gouvernance, l’économie de marché et le développement durable. Enfin, sur le plan économique, le commissaire européen a déblayé le terrain à Alger à un autre round pour le report du démantèlement tarifaire prévu par l’accord d’association à partir de 2015, ainsi qu’un accord global sur l’énergie entre Alger et Bruxelles. L’UE négocie, depuis 2008, avec l’Algérie un mémorandum sur l’énergie. L’Algérie est le 2e fournisseur de gaz de l’Europe après la Russie et son 13e fournisseur en pétrole.