Alger et la nouvelle donne socialiste

RELATIONS ALGERO-ESPAGNOLES

Alger et la nouvelle donne socialiste

Le Quotidien d’Oran, 16 mars 2004

La victoire du socialiste José Luis Rodriguez Zapatero aux élections législatives espagnoles, risque d’influer sur les relations algéro-espagnoles tant le leader du PSOE a toujours prôné une vision proche de l’Internationale socialiste sur l’Algérie et sur le conflit au Sahara Occidental.

Il n’y a pas que le parti populaire de José Maria Aznar qui s’est réveillé avec cette sensation de désillusion politique. A Alger, l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement de gauche (socialiste) à Madrid était redoutée du fait des antécédents, jugés fâcheux, du leader de la gauche espagnole. Car José Luis Rodriguez Zapatero n’est pas trop apprécié à Alger tant ses prises de position par le passé concernant, soit «la crise insoluble en Algérie» (dixit Zapatero), soit le Sahara Occidental, semblent lui avoir figé le portrait auprès des décideurs algériens. Et quand Zapatero annonce d’emblée qu’il va retirer les troupes espagnoles d’Irak, on s’inquiète déjà des décisions que pourrait pendre le nouvel homme fort de Madrid concernant les relations de l’Espagne avec le Maghreb, particulièrement l’Algérie, et sur l’attitude qu’adopteront les socialistes vis-à-vis du processus référendaire au Sahara Occidental.

Car Zapatero n’est autre que le vice-président de l’Internationale socialiste (l’IS) et l’homme qui avait défié Aznar en se rendant à Rabat alors que le Maroc et l’Espagne étaient en pleine crise diplomatique. Le socialiste Zapatero affiche des positions sur le dossier sahraoui qui sont aux antipodes de son prédécesseur Aznar. Si ce dernier voyait dans le plan Baker II, la meilleure issue au règlement du conflit maroco-sahraoui, son successeur a toujours plaidé pour la pleine «souveraineté» du Maroc sur le Sahara Occidental, en préférant «l’autonomie» au référendum onusien qui pourrait libérer les Sahraouis du colonialisme marocain. Même les Sahraouis avaient eu à se plaindre du secrétaire général du PSOE. En 2002, alors que l’ambassadeur d’Espagne à Rabat avait été rappelé pour se plaindre du conflit sur la pêche, Zapatero, ignorant les avertissements de la diplomatie espagnole, est allé au Maroc et a même visité Layoune occupée, à la tête d’une délégation de parlementaires espagnols. Il y avait rencontré le roi Mohamed VI et avait été reçu comme un chef d’Etat au grand dam d’Aznar qui y voyait «une grave interférence» dans la politique extérieure espagnole. Zapatero avait même ignoré superbement la lettre que lui avait envoyée Mohamed Sidati, alors ministre conseiller auprès du Président de la RASD, Mohamed Abdelaziz, dans laquelle il lui demandait d’exiger de Rabat «l’application du référendum» onusien. Les déclarations ambiguës de Zapatero quant au statut du Sahara Occidental avaient même provoqué l’indignation des associations humanitaires et des ONG des droits de l’Homme espagnoles qui avaient envoyé des milliers de lettres de protestation au siège du parti socialiste à Madrid.

Si l’attitude de Zapatero à l’égard des Sahraouis est des plus controversées, celle à l’égard de l’Algérie risque d’être aussi discutée. Le leader du PSOE n’a jamais dissimulé sa volonté d’intervenir, à la demande de l’USFP marocain de Youssoufi ou du FFS de Hocine Aït Ahmed, dans les affaires intérieures algériennes. Cela s’est traduit, notamment, par des déclarations osées lors de la réunion du Comité «Méditerranée» de l’IS en mai 2003 à Tolède où Zapatero, en héritier de la ligne de Felipé Gonzales, avait poussé, sur les conseils d’Aït Ahmed, à l’adoption d’une résolution sur l’Algérie concernant les moyens de «sortie de crise». Une résolution qui ramenait l’Algérie à ses heures les plus sombres des années 90. Si Zapatero n’a pas encore défini ce que sera sa politique algérienne et maghrébine, ses amitiés avec de hauts responsables marocains peuvent donner une indication de ce que sera sa ligne diplomatique. Or, avec la signature du pacte d’amitié algéro-espagnol en 2002, Zapatero ne pourra pas, selon les observateurs, remettre en cause l’alliance stratégique algéro-espagnole et ceci pour trois raisons. D’abord, celle qui l’a amené au pouvoir, à savoir les conséquences d’un acte terroriste. Les attentats de Madrid rendent encore plus pertinente la nécessité d’une collaboration accrue avec les services de renseignements maghrébins pour lutter efficacement contre les réseaux terroristes islamistes en Espagne. Jusque-là, les services espagnols du CESID n’ont pas eu à se plaindre de la coopération antiterroriste algérienne et veulent garder la qualité des contacts. Ce que Zapatero ne risquerait pas de remettre en cause. Ensuite, la dépendance énergétique espagnole vis-à-vis du gaz algérien. L’extension du projet «Transmed» et les fournitures du gaz algérien à l’Espagne ont atteint un degré de performance qui a viabilisé le pacte stratégique. Enfin, l’implantation des compagnies espagnoles en Algérie, dont celle d’une banque d’affaires, dernièrement, ont ouvert le marché algérien aux produits espagnols.

Un acquis économique pour les PME-PMI espagnoles que Zapatero ne voudrait, probablement, pas voir remis en cause. Tous ces facteurs font qu’Alger espère modérément que Zapatero ne vienne pas bouleverser une relation qualifiée d’extraordinaire des deux côtés. Reste qu’un élément plaide contre une continuité dans le domaine de la politique extérieure du fait que le nouveau chef du gouvernement espagnol a été élu sur la base qu’il veut bouleverser les engagements d’Aznar, en Irak et ailleurs.

Mounir B.