“Les délégations de l’UE effectueront aussi des tâches consulaires”

Laura baeza, ambassadeur, chef de la délégation de l’UE en algérie à Liberté

“Les délégations de l’UE effectueront aussi des tâches consulaires”

Par : Salim Tamani, Liberté, 20 décembre 2009

Mme Laura Baeza, ambassadeur et chef de la délégation de l’Union européenne à Alger, revient dans cet entretien sur les principaux changements induits par l’entrée en vigueur depuis le 1er décembre dernier du Traité de Lisbonne. Les prérogatives des représentations de l’UE à travers le monde connaîtront au fur et à mesure un renforcement.

Liberté : Quelles seront les prérogatives de la délégation ?
Son Excellence l’ambassadeur, Mme Laura Baeza : La délégation de l’Union européenne à Alger a œuvré depuis son ouverture en 1979 pour la consolidation et le renforcement du partenariat entre l’Union européenne et l’Algérie. L’objectif principal assigné est d’apporter son soutien au développement et aux réformes économiques menés par les autorités algériennes, développer la coopération et soutenir l’équilibre socioéconomique du pays. Avec l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, ce rôle va s’accroître dans la mesure où la délégation Algérie, à l’image des 130 délégations de l’Union européenne dans le monde, sera un instrument du service extérieur de l’UE. Les délégations de l’UE à l’étranger rempliront le rôle des présidences tournantes des États membres : coordination des ambassadeurs de l’UE et porte-parole de l’UE au niveau des pays hôtes.

Qu’est-ce qui va changer pour le service extérieur de l’Union européenne ?
Le Traité de Lisbonne définit les principes et les objectifs communs de l’action extérieure de l’Union européenne. À cet effet, deux nouveaux postes ont été créés pour renforcer et donner plus de cohérence et de visibilité à l’UE. Il s’agit d’une part du président du Conseil européen avec un mandat de 2 ans et demi renouvelable. Il représentera l’UE sur la scène internationale et présidera les réunions du conseil. Le sommet informel des chefs d’État et de gouvernement, qui s’est tenu à Bruxelles le 19 novembre dernier, a nommé
M. Herman Van Rompuy à ce poste. D’autre part, Mme Catherine Ashton vient d’être désignée à l’autre poste, celui de haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité. Mme Ashton, qui sera en même temps vice-présidente de la Commission européenne, a pris désormais en charge la diplomatie et les affaires de défense et de sécurité de l’UE. Elle dispose pour cela d’un service extérieur qui coiffera l’ensemble des 130 délégations de l’UE à travers le monde. Notre représentation à Alger est directement concernée par ces changements. Par ailleurs, le Traité dote l’Union d’une personnalité juridique unique, ce qui renforcera son pouvoir de négociation et la rendra plus efficace sur la scène internationale. Elle pourra ainsi conclure un accord international dans tous ses domaines de compétence. Le fait de donner un visage et d’avoir une plus grande visibilité permettra de renforcer la cohérence de l’action extérieure et l’influence de l’UE dans le monde.

Comment sera gérée la question des visas ?
Comme vous le savez les frontières extérieures de l’Union européenne sont franchies chaque année par 160 millions de citoyens, par 60 millions de ressortissants de pays tiers non soumis à une obligation de visa et par 80 millions de personnes soumises à cette obligation. La libre circulation des personnes est un des piliers de la réalisation de l’UE qui s’est concrétisé par la suppression des contrôles aux frontières intérieures. La politique commune européenne en matière d’immigration fournit un cadre flexible qui tient compte de la situation particulière de chaque État membre et appliquée en partenariat entre les États membres et les institutions de l’Union européenne, conformément au Traité d’Amsterdam de 1999 dont l’objectif était de créer un espace de liberté, de justice et de sécurité. Dans le cadre de cette politique, les États membres sont libres d’imposer ou de ne pas imposer un visa aux ressortissants des pays tiers. Prévue par le Traité de Rome, la libre circulation des personnes est progressivement réalisée et concrétisée à partir des années 1980 avec la coopération Schengen. Initiée en 1985, elle s’est peu à peu étendue à tous les États membres ainsi qu’à des pays non membres de l’UE. À l’avenir, les délégations de l’UE rempliront aussi des tâches consulaires, encore à définir.

Comment seront gérés les intérêts économiques des États membres de l’UE dans les pays tiers, jusqu’à présent dictés par les politiques internes de chaque pays ?
L’Union européenne est la première puissance commerciale mondiale. Elle représente plus de 17% du volume total des importations et des exportations dans le monde. La politique commerciale est une compétence exclusive de la Communauté européenne, au même titre que la politique de la pêche, la politique de la concurrence, la politique monétaire (zone euro). La Commission européenne est l’acteur-clé des négociations commerciales, sous le contrôle des États membres : représentée par le commissaire au Commerce extérieur. Elle est le représentant/négociateur unique de l’Union européenne, même pour les sujets de compétences partagées avec les États membres. En vertu de l’article 133 du traité instituant la Communauté européenne (TCE), la Commission conduit les négociations tarifaires et commerciales avec les États tiers ou auprès des organisations internationales. Si des accords avec des pays tiers doivent être négociés, la Commission se fait délivrer par le Conseil un mandat de négociation qui l’autorise à ouvrir les négociations nécessaires et à les mener dans certaines conditions. Ceci en ce qui concerne la politique commerciale de l’UE. Les intérêts économiques bilatéraux des États membres de l’UE continueront à être promus et défendus par leur ambassade, sauf quand il s’agit d’un sujet de compétence communautaire.