L’accord d’association avec l’UE n’entrera pas en vigueur le 1er septembre

SELON LE MINISTERE DU COMMERCE

L’accord d’association avec l’UE n’entrera pas en vigueur le 1er septembre

Le Quotidien d’Oran, 23 août 2005

Le ministère du Commerce a décidé d’installer aujourd’hui une commission technique qu’il charge de suivre et d’évaluer la mise en oeuvre de la zone de libre-échange.

L’idée n’est pas mauvaise en soi, bien au contraire. Elle vient presque au secours de secteurs qui ne savent nullement comment se comporter face à l’application de l’accord d’association dont le coup d’envoi sera donné, nous précise-t-on du côté du ministère du Commerce, au courant du dernier trimestre de l’année et non pas le 1er septembre comme déjà annoncé par les douanes. D’ailleurs, il n’est même pas fait cas d’une date précise parce que, est-il relevé, «fixer un jour précis ne signifie absolument rien quand il s’agit de se préparer à de grands bouleversements de l’économie nationale». La date d’entrée en vigueur de l’accord d’association sera en principe soumise à l’approbation de ses deux signataires, à savoir l’Algérie et l’Union européenne.

C’est aujourd’hui donc que le ministre du Commerce, El-Hachemi Djaâboub, procédera à la Chambre algérienne de commerce et d’industrie (CACI) à l’installation d’une commission technique au sein de laquelle siégeront les représentants de toutes les organisations patronales, des associations professionnelles, des services des douanes, de l’agence des exportations, des chambres d’agriculture et de la pêche ainsi que de l’ensemble des administrations concernées, à savoir les ministères du Commerce, de l’Industrie, de la PME, de l’Agriculture, des Finances et de la Participation et de la Promotion de l’investissement. La mission principale de la commission technique que présidera le directeur général de la CACI, Mohamed Chami, sera, est-il écrit dans le communiqué du ministère du Commerce, «de suivre et d’évaluer la mise en oeuvre de la zone de libre-échange, d’enregistrer et d’examiner les requêtes des opérateurs économiques et de formuler toute proposition d’amélioration en la matière».

Premier dossier sur lequel planchera la commission, l’agro-industrie dans lequel sont inscrites près de 3.000 entreprises de la taille de PMI plutôt que de PME. Il sera question pour la commission de mesurer pour leur compte les effets de l’accord d’association et par conséquent suivre le processus – afin de bien les préparer – de leur intégration dans la zone de libre-échange prévue dans dix ans. Premier paradoxe, les effets en question ne peuvent être ni mesurables ni quantifiables avant que les premières retombées de l’entrée en vigueur de l’accord d’association sur les entreprises ne se fassent sentir. «C’est au fur et mesure que le démantèlement tarifaire se pratique que nous pourrions en mesurer et en quantifier les effets réels», nous dit un responsable au ministère du Commerce. La seule consolation pour pouvoir enclencher le travail «sans trop attendre», c’est de savoir que l’accord d’association a été largement diffusé au niveau des opérateurs économiques pour qu’il leur soit possible d’élaborer leurs requêtes. Ils se sont en principe essayés à cadrer leurs activités selon les dispositions contenues dans l’accord et leurs conséquences sur l’économie nationale. Le secteur agricole est, faut-il le noter, le premier à «subir» les effets du démantèlement tarifaire. Il est donc le premier à être «examiné» à travers les requêtes qui seront établies par ses animateurs particulièrement ceux activant dans l’agro-industrie.

Contribuant à près de 7 milliards de dollars «selon les années et la valeur du dollar» dans le produit intérieur brut, affichant un chiffre d’affaires de 15 à 16 milliards de $ et endossant une facture de 4 milliards de $, le secteur agricole va devoir mesurer ses pertes dès les deux premières années d’application de l’accord d’association. «Nous ne pouvons pas savoir tout de suite si le démantèlement tarifaire se traduit par des pertes de cultures chez nous ou pas», indique un spécialiste du domaine agricole. Il avoue aussi qu’il n’est pas possible de savoir tout de suite si le secteur peut être compétitif ou pas. «Personne ne peut le dire !», reconnaît une source au ministère du Commerce. La seule chose sur laquelle s’accordent nos sources c’est que «la concurrence sera terrible et il ne sert à rien de se lamenter mais de se mettre au travail».

L’exemple du lait et de la viande est quand même avancé pour expliquer les changements qui interviendront sur le marché après la mise en oeuvre de l’accord d’association. Jusque-là, l’Algérie a toujours importé du lait en poudre pour subvenir à un besoin en consommation équivalant à 3 milliards de litres par an. Si la facture du lait était à peine avant à près de 400 millions de dollars, en 2004 elle a atteint le pic des 800 millions de dollars. Bien que la production locale du lait soit subventionnée par l’Etat, la poudre continue d’être importée en grandes quantités pour des considérations de facilité de l’acte d’importer par rapport à celui de produire au sein d’un circuit mal organisé.

Avec le démantèlement des droits de douanes qui sont de 5%, la poudre de lait sera davantage compétitive notamment si les producteurs de lait locaux ne se mettent pas à niveau pour pouvoir prendre des parts plus larges de marché et éviter la disparition. L’on note à ce sujet que «quelques îlots seulement à l’exemple de Ghardaïa seront épargnés».

La viande pourrait aussi subir directement le contrecoup du démantèlement. Avec la flambée des prix qu’elle a enregistrée cette année, elle pourra être vendue à moindre prix après l’entrée en lice d’opérateurs nouveaux y compris étrangers. Il est craint pour le secteur agricole que d’ici là, ni les éleveurs encore moins les marchés de gros pour ce qui est des fruits et légumes ne puissent s’organiser convenablement pour pouvoir faire face à la concurrence. Pour survivre, il s’agira pour tous «d’assurer la régularité, la qualité et le prix». Ce qui manque terriblement au marché algérien et aux circuits commerciaux nationaux dont le fonctionnement est quasiment informel.

L’on ne se prive pas de penser que l’agriculture est bien placée pour exporter. «Nous pouvons facilement développer les primeurs pour pouvoir pénétrer les marchés européens», est-il avancé. Mais là aussi, «la faisabilité de la démarche dépend étroitement des politiques agricoles qui seront mises en oeuvre dans les prochaines années». Il faut aussi que les agriculteurs algériens puissent bénéficier des mêmes atouts que ceux européens en matière de subventions. Pour l’instant, les agriculteurs algériens attendent de recevoir des aides de l’Etat susceptibles de leur compenser les pertes des cultures causées par la terrible sécheresse qui sévit notamment dans l’ouest du pays.

Le grand pari pour les pouvoirs publics est, selon les spécialistes, «de voir l’émergence de pôles industriels au lendemain de la mise en oeuvre de la zone de libre-échange». Ce voeu peut s’avérer pieux parce que croit-on au ministère du Commerce «qu’il serait très facile pour les industriels européens de venir s’installer en Algérie parce que l’acte de produire chez nous et dans le cadre de la zone de libre-échange leur reviendra bien moins cher qu’ailleurs puisqu’il sera exonéré de taxes et de droits». A la seule condition, bien sûr, «que les réformes du secteur bancaire et financier aboutissent et que la bureaucratie s’oblige par un contrôle strict à atténuer ses effets dévastateurs». Plus tard «dans deux ans peut-être», comme le souligne notre source au ministère du Commerce, la commission technique fera le même travail de suivi et d’évaluation pour le secteur de l’industrie.

«La commission procédera comme elle l’aura fait pour l’agro-industrie à l’examen des régimes préférentiels, à la collecte et à l’analyse des données sur les flux commerciaux pour savoir dans quelle direction les échanges vont-ils s’orienter», nous dit notre interlocuteur. Préférant terminer par une note d’optimisme, il estime que «démanteler des produits traditionnellement importés et que nous ne fabriquons pas chez nous, n’engendrera pas de grandes pertes financières pour le Trésor public parce qu’ils sont déjà taxés au plus bas niveau».

Ghania Oukazi