Le Premier ministre égyptien en Algérie : Le Caire demande à Alger 2 milliards de dollars

Le Premier ministre égyptien en Algérie : Le Caire demande à Alger 2 milliards de dollars

par Moncef Wafi, Le Quotidien d’Oran, 23 octobre 2012

La visite de Hicham Qandil en Algérie, la première depuis son intronisation à la tête du gouvernement égyptien, qualifiée diplomatiquement d’importante par les deux capitales, s’inscrit globalement dans un processus de relance des relations bilatérales mais pas seulement.

En dehors des sentiers battus des communiqués de circonstance et des déclarations de bonnes intentions, cette visite de trois jours sera l’occasion pour les Egyptiens de mettre sur la table quelques demandes formulées à l’adresse de son «riche» hôte. Ainsi, une source officielle égyptienne a indiqué que Le Caire compte négocier avec l’Algérie un dépôt à hauteur de 2 milliards de dollars à la Banque centrale d’Egypte. Un «prêt» encouragé par les ressources de l’Algérie qui dispose d’une réserve de devises étrangères estimée à 188 milliards de dollars, et qui n’a pas hésité à prêter dernièrement au FMI 5 milliards de dollars.

Si Alger avait expliqué sa démarche comme étant un désir d’avoir une voix influente au sein du Fonds monétaire en vue d’intégrer son Conseil d’administration, il en est autrement avec Le Caire. L’Egypte, rappelons-le, éprouve d’énormes difficultés à rétablir sa balance budgétaire, souffrant d’un déficit de 50,8 milliards de livres au premier trimestre de cette année à cause de la non-application des mesures de réformes économiques. Par ailleurs, elle a entamé des négociations avec le FMI pour un emprunt de 4,8 milliards de dollars.

L’autre dossier urgent à régler du côté de Hicham Qandil est l’approvisionnement de son pays en gaz butane. Cette visite escompte résoudre le problème de pénurie de gaz sur le marché égyptien, l’Algérie étant le plus grand fournisseur de butane à l’Egypte, en plus de l’Arabie Saoudite. De son côté, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Mohamed Kamal Amr, a souligné les liens tissés par «une histoire profonde», rappelant l’engagement des deux pays pour la défense «des territoires arabes et non pas seulement les territoires d’Egypte ou les territoires de l’Algérie», faisant référence à la guerre d’Octobre 73 ou encore la présence du Caire aux côtés de la révolution algérienne. Azzedine Fahmi, l’ambassadeur égyptien en Algérie, en poste depuis juin 2011, évoque, quant à lui, les dossiers en suspens et les problèmes à solutionner. Il révélera l’existence d’un projet d’accord entre l’Egypte et l’Algérie pour lutter contre la contrebande d’armes en provenance de Libye à destination des deux pays, menaçant leur sécurité intérieure. A ce propos, il déclarera à la délégation médiatique accompagnant la visite ministérielle que la commission mixte se réunira au Caire, en janvier prochain, pour discuter du projet d’accord qui prévoit l’échange d’informations entre les deux parties pour lutter contre le terrorisme.

LES ARMES DE KADHAFI

Il ajoutera que la prolifération des armes dans la région va exacerber les tensions, faisant remarquer que cette question a déjà été soulevée l’année dernière lors de la visite du ministre des Affaires étrangères égyptien en Algérie.

Abordant les relations bilatérales, le diplomate égyptien précisera que le gouvernement algérien a ouvert une nouvelle page dans les relations entre les deux pays après l’épisode d’Oum Durman. La nomination de Azzedine Fahmi, 54 ans, comme ambassadeur en lieu et place de Abdelaziz Seif Nasr, rappelé par son gouvernement après les graves dérapages médiatiques enregistrés en parallèle de la rencontre qualificative au mondial sud-africain, a été perçue comme un pas de plus vers le dégel des relations bilatérales après plus d’une année de rupture diplomatique décidée par Le Caire.

Dans ce contexte, M. Fahmi a tenu à rappeler les conséquences d’une telle brouille dont la première victime, dira-t-il, reste la communauté égyptienne en Algérie qui a fondu comme neige au soleil, comptabilisant quelque 8.000 travailleurs à l’époque. Depuis, ils sont aujourd’hui environ 12 mille ressortissants égyptiens installés en Algérie alors qu’ils étaient près de 30 mille. Côté demandes algériennes, il expliquera la volonté d’Alger d’augmenter les missions éducatives et religieuses à Al-Azhar pour enseigner aux prédicateurs algériens une approche d’un islam plus tolérant, loin de tout extrémisme. Il a, par ailleurs, noté que le Président algérien a décidé d’augmenter le financement accordé au ministère de l’Education et des missions éducatives pour Al-Azhar, pour l’obtention des diplômes supérieurs. Dans ce contexte, l’ambassadeur égyptien a demandé à ce que soient supprimés certains obstacles «bureaucratiques» en Egypte, qui empêchent les étudiants algériens inscrits à Al-Azhar de prétendre à des bourses d’études.

A ce titre, il citera en exemple l’année dernière où sur les 40 étudiants algériens qui avaient déposé des dossiers de bourse, seuls deux d’entre eux ont été acceptés. Sur la question de la société «Djezzy», M. Fahmi a déclaré que ce dossier s’est davantage compliqué lorsque Sawiris a eu recours à l’arbitrage international en réponse à la décision du gouvernement algérien de faire valoir son droit de préemption, ajoutant que «malgré ce désaccord, Bouteflika, désireux de sauvegarder les intérêts de la société, qui compte 18 millions de clients, a ordonné de reporter les appels d’offres pour la troisième génération de téléphonie mobile jusqu’à la fin du litige avec la société afin de ne pas nuire à ses intérêts». Il soulignera, par ailleurs, que le volume des échanges commerciaux entre les deux pays devrait atteindre 2 milliards de dollars d’ici la fin de cette année, comparativement à 290 M $ en 2011.