Le sinologue Thierry Pairault sur RadioM: « L’Afrique envahie par les entreprises chinoises est un fantasme »

Le sinologue Thierry Pairault sur RadioM: « L’Afrique envahie par les entreprises chinoises est un fantasme »

Yazid Ferhat, Maghreb Emergent, 18 mai 2015

Pour illustrer son propos, l’invité de RadioM, spécialiste de la Chine moderne et contemporaine, rappelle que l’investissement chinois en Afrique est de l’ordre de 0,2% de l’investissement direct étranger au niveau mondial. Selon lui, les médias ne véhiculent sur ce sujet que le point de vue des pays occidentaux.

Thierry Pairault, grand spécialiste des relations sino-africaines, bat en brèche les clichés véhiculés par les articles de presse sur la présence démesurée de la Chine en Afrique. Lors de son passage dimanche à l’émission « Entretien » de RadioM, la web radio de Maghreb Emergent, il a fustigé « le phénomène journalistique qui a envenimé les approches académiques » sur la présence de la Chine en Afrique, apparentée le plus souvent à une invasion du « pré carré » occidental.

Thierry Pairault a interrogé les chiffres pour parvenir à monter une image « moins alarmiste » de la présence chinoise en Afrique. Ces chiffres sont ceux de la CNUCED (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement) qui se recoupent avec les statistiques chinoises, « jamais utilisées » par les médias qui ne véhiculent que le point de vue des pays occidentaux. Pour illustrer son propos, l’invité de RadioM affirme, à titre d’exemple, que l’investissement chinois en Afrique est de l’ordre de 0,2% de l’investissement direct étranger au niveau mondial.

M. Pairault relativise aussi les choses à propos des produits chinois en Afrique mais aussi en Occident. Selon lui, les multinationales occidentales ont mis en place une stratégie qui est à l’origine du développement économique de la Chine. « Le moteur de développement chinois sont les pauvres en Occident. Au lieu d’augmenter leurs salaires on leur offre des produits au meilleur prix », a-t-il expliqué, précisant que cette stratégie essentiellement fondée sur l’exportation, « est entre les mains des multinationales ».

« Pas de stratégie chinoise unique en Afrique »

Dans le même ordre d’idées, ce spécialiste des relations sino-africaines affirme que la Chine n’a pas de stratégie unique en Afrique. Ses stratégies, souligne-t-il, varient en fonction de ce qu’offre le pays d’accueil. Et il récuse l’idée selon laquelle la Chine, contrairement aux pays occidentaux, n’approche que les Etats africains dont le régime est autoritaire ou isolé à l’international. « Ce sont des pratiques universelles », a-t-il dit. Et si on les dénonce aujourd’hui, c’est parce que les « pratiques chinoises sont nouvelles ». « Les pays occidentaux ne sont pas différents de la Chine dans ce type de démarche », assure-t-il, rappelant qu’on retrouve les grands minéraliers, qu’ils soient occidentaux ou chinois, là où il y a du minerai en Afrique et que « chacun fait la même chose pour l’approvisionnement ».

« Le pétrole comme déclencheur des relations économiques avec l’Algérie »

Dans le cas de l’Algérie, ce sont les hydrocarbures qui ont essentiellement amené les Chinois au début des années 2000, même si les entreprises chinoises sont moins visibles dans ce secteur. « La Chine démarchait volontairement les pays pétroliers pour se garantir des entrées auprès d’éventuels fournisseurs (…) Et l’Algérie entrait dans ce schéma », a-t-il expliqué.

Ainsi, le pétrole est l’élément déclencheur de la densification des relations économiques entre les deux pays, notamment dans le domaine de fourniture de services. Selon Thierry Pairault, l’Algérie est l’un des plus gros marchés chinois en Afrique dans ce domaine. Sur les 33 % des projets achevés en Afrique (logements, autoroutes, etc.), 14 % sont en Algérie qui est deuxième derrière l’Angola (15%), un autre pays pétrolier.

En revanche, la Chine participe relativement peu à la formation du capital fixe en Algérie, soit avec un taux de 0,6 % en moyenne entre 2003 et 2012, a précisé M. Pairault pour qui cela tient au fait que l’Algérie, contrairement à d’autres pays, ne repose pas sur les IDE pour créer le capital fixe.