La présidence communique encore une fois dans l’anonymat

La présidence communique encore une fois dans l’anonymat

Les voies impénétrables du seigneur et l’inexplicable opacité d’El Mouradia

El Watan, 20 février 2016

Autre manifestation de la léthargie et du blocage dangereux qui frappent les institutions algériennes, notamment la présidence de la République.

Ce n’est pas une fiction mais une réalité : le palais d’El Mouradia n’a pas de porte-parole officiel pour accomplir la plus basique des fonctions : informer les Algériens sur la gestion de leur quotidien, sur les décisions politiques que le pouvoir a déjà prises ou celles qu’il est appelé à prendre. C’est encore une source anonyme mais autorisée qui, jeudi dernier, nous a éclairés sur les intentions du chef de l’Etat, Abdelaziz Bouteflika, à propos du maintien ou pas du Premier ministre, Abdelmalek Sellal.

La source anonyme et autorisée passe par l’agence officielle (APS) pour donner du poids à son annonce et explique en effet que «la démission du gouvernement n’est pas à l’ordre du jour et rien dans la Constitution révisée» n’oblige à changer le staff gouvernemental.

Si la sortie médiatique de la Présidence a mis fin aux spéculations sur un éventuel départ de Abdelmalek Sellal suite à la dernière révision constitutionnelle, l’anonymat qu’elle observe renvoie à la déliquescence qui pourrit le fonctionnement des institutions de l’Etat depuis bien longtemps, mais particulièrement depuis l’entame du quatrième mandat de Abdelaziz Bouteflika. Il y a pourtant un chef de cabinet de la Présidence qui n’est autre qu’Ahmed Ouyahia, qui aurait pu donner un visage plus officiel et solennel à la source qui s’est exprimée par la voie de l’APS. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ?

Est-ce parce que la rumeur le donnait comme successeur de l’actuel Premier ministre que les services de la Présidence — où officie le frère du président, Saïd Bouteflika, comme conseiller — ont cru bon de passer outre pour confirmer la volonté du chef de l’Etat de garder Abdelmalek Sellal aux commandes du staff gouvernemental ? Nul ne le sait et les voix du seigneur semblent impénétrables.

Celles qui fusent de la Présidence pour réparer des erreurs, rattraper des bourdes politiques — comme cela a été le cas pour la source anonyme qui a communiqué à minuit la révision de l’article 51 de l’avant-projet de révision constitutionnelle adopté pourtant par le Conseil des ministres dans la journée — n’ont pas de nom. Plus qu’un dysfonctionnement, la communication de la Présidence exprime et renvoie l’inquiétude de la majorité des Algériens et même des plus fervents anciens soutiens et amis proches du président Bouteflika sur l’identité des détenteurs de la réalité du pouvoir.

Au stade où en sont les choses, ce n’est pas la succession au poste du Premier ministre qui importe, mais l’opacité qui entoure la décision politique et les perspectives complètement bouchées pour un pays plongé dans une grave crise économique qu’il aurait facilement pu éviter. Alors, garder Abdelmalek Sellal ou le remplacer par un autre pour exécuter les mêmes orientations ne changera rien à l’histoire. Même ceux qui sont tapis dans l’ombre le savent, mieux que le petit peuple certainement.

Ils savent que l’enjeu de tout ce qui se passe dans le pays est celui du pouvoir. Comment s’y maintenir ? Quelle alternative cherche le régime en place ? A-t-il trouvé une solution à la succession qui s’annonce pénible ? Ce sont toutes ces questions, tous ces enjeux qui ont installé l’Algérie dans une espèce de non-gouvernance, de blocage, d’angoisse et d’inquiétude qui inhibe le dynamisme qui devrait être celui d’un pays jeune.
Said Rabia