Ouyahia donne ses directives: Le déballage des parlementaires

Ouyahia donne ses directives: Le déballage des parlementaires

par Ghania Oukazi, Le Quotidien d’Oran, 14 décembre 2008

Les élus du RND ont reçu hier les orientations de leur secrétaire général à propos du vote jeudi prochain du plan d’action qu’il vient de mettre au point avec son gouvernement.

«Je prends contact avec mes élus non pas pour leur expliquer le plan d’action ou pour les en convaincre, le RND a toujours eu une position claire qui est le soutien du président de la République et l’exécution de son programme », a commencé Ahmed Ouyahia par dire. Qu’ils soient de l’APN ou du Conseil de la Nation, les élus du RND ont appris hier à l’hôtel Essafir, de leur secrétaire général, qu’ils doivent, a-t-il souligné, « coordonner le travail qu’ils doivent accomplir en respectant un cap et des orientations précis ». Il a demandé expressément à ses élus de coordonner entre eux pour ce qui est des sujets qu’ils voudront aborder lors des débats autour du plan d’action du gouvernement. Ceci pour, a-t-il dit, « renforcer la position du parti ». Ouyahia fera « obligation aux élus de se rapprocher du citoyen pour lui expliquer l’action du gouvernement ». « Allez-y vers les douars, les quartiers, l’université pour le faire », leur a-t-il demandé. Il rappelle « quand je disais que le RND mettra en marche sa machine électorale pour l’élection du président Bouteflika, c’est ça que je voulais dire, le plus important c’est le terrain ». Il fera en sorte de ne pas « cacher le soleil avec le tamis, celui qui a le déjeuner et n’a pas le dîner, il faut le convaincre, le chômeur de même, s’il ne votera pas, il ne se jettera pas à la mer ».

Le SG du RND écoutera pendant quarante cinq minutes les interventions de quelques élus dont le fond était en général des reproches au gouvernement pour n’avoir pas réglé des problèmes pourtant récurrents mais, et pour reprendre un des élus, « ne nécessitant pas d’investissements ». Le vice-président de l’APN et élu de Tamanrasset, Boutouila, n’ira pas à cet effet avec le dos de la cuillère.

Reproches sur fond de campagne électorale

« On vous a déjà dit que le peuple a des problèmes, à la poste, à propos des carnets CCP, qu’il ne perçoit pas son salaire, et cela ne demande rien comme investissement, mais rien n’a été fait. Vous ne nous avez pas écoutés. A la mairie, les imprimés n’existent pas, il y a la corruption, rien n’a été fait. Les agriculteurs demandent moins de bureaucratie. Le peuple vers qui vous nous demandez d’aller, il dira c’est vrai il y a l’autoroute, un million de logements, le rail, le tramway, mais il y a aussi les problèmes de la poste, des classes avec 53 élèves dedans, le chauffage qui manque, les soins inexistants au Sud, le trachome qui a atteint toute une zaouïa. Ils n’ont même pas d’argent pour acheter les médicaments. C’est un privé qui leur a acheté les tubes d’auréomycine. » L’élu complète ce constat par des interrogations. « A ce point l’Etat n’a pas les moyens pour le faire ? Où sont les salaires des employés ? Où sont les grilles des salaires ? Où est la fonction publique ? », a-t-il demandé en affirmant : « je veux des engagements, je ne veux pas replâtrer, si je le fais c’est pour que ça dure. Il faut qu’il y ait une répartition équitable des richesses. » Boutouila note en dernier, toujours sur un ton de campagne électorale, « pendant trois jours, le système informatique n’a pas fonctionné sur un tiers du territoire national ». Kada Benatia, élu d’Oran, fera savoir que « les élus sont marginalisés au niveau de la wilaya, ils ne sont pas associés aux projets nationaux ». Benatia interrogera par ailleurs « est-il normal qu’à côté du luxueux siège de Sonatrach, on a une construction d’une mosquée à l’arrêt depuis 30 ans ? ». Il rappellera aussi « l’état des routes défoncées par les pluies ». Un autre intervenant demandera à ce qu’il soit exercé « un contrôle rigoureux de l’argent public ». Et signalera aussi que « pour ce qui est de l’agriculture, les banques n’ont pas marché…» Abdelkrim Harchaoui, cet ancien ministre des Finances, relèvera « un sérieux problème d’incohérence » dans les finances publiques tout en estimant qu’il y a « une question d’évaluation et d’exécution des politiques publiques qui se pose », pour conclure « j’ai tendance à dire qui est responsable et de quoi ? ». Un élu de Mascara soulignera que « la violence n’est pas dans les stades seulement… »

Orientations et campagne électorale

Par ses réponses, le SG du RND n’a pas fait d’éclat. Il s’en tiendra à son discours habituel par lequel il reconnaît que « il y a des choses bien et d’autres insuffisantes ». Il précisera que « la preuve, on voit les insuffisances mais on ne doit pas rejeter tout le travail qui se fait ». Il lancera « on a le droit de s’opposer à tout mais pas de détruire la maison ». Il conseille à ses élus « si vous voulez avoir une crédibilité auprès du citoyen, il ne faut pas lui dire que tout va bien parce que ça ne sera jamais tout va bien ». Pour faire encore mieux, il dira « le premier opposant dans le pays, c’est le président de la République qui a toujours trouvé quelque chose à dire à propos de ce qui se fait ». Et aux élus qui parlent de bureaucratie, il répondra « je suis le fils de l’administration, j’y suis monté par l’escalier de service, le parlementaire a cette chance d’avoir l’immunité, il ne doit pas avoir peur ni du maire ni de l’administrateur ».

Ouyahia rappellera qu’il avait critiqué les lobbys financiers en septembre 2006. Il survolera aussi la période « où les citoyens participaient à des marches pour dénoncer Sant’Egidio, quand l’Etat était chez Camdessus, et qu’on égorgeait la nuit, l’Etat ne t’égorgeait pas, les foules marchaient à cette époque pour des convictions ». Il évoquera aussi la période 2003-2004 et ceux qui veulent, a-t-il dit, « la rééditer, l’amnésie est la donne la plus largement répartie ». Aux reproches, le SG du RND répondra « c’est un mouvement aller-retour, se battre aux côtés du citoyen pour que toutes ces choses s’améliorent et l’accompagner pour qu’il soit patient avec lui-même ». Au passage, il égratigne les personnels de la santé. « On dit que la santé est fatiguée et on entame une grève pour 5 jours ? » Pour lui, « l’ordinateur en panne, ça ne vient pas du ciel ou d’une faille technique, celui de la santé qui a fait grève ira chercher son chèque… ». Ouyahia tentera ainsi de justifier des situations difficiles en se contentant de mettre dos à dos les employés des différents secteurs.

Il évoquera le fameux D12 exigé dans les écoles qui, dit-il, « n’a jamais eu lieu sauf en 2006 et celui qui l’a vendu, c’est un besnassi… » Pour le SG du RND, « des blagues aussi amères existent et sont nombreuses ». Et pour ne pas changer, il soulignera que « j’ai toujours dit que je fais la sale besogne et je la fais avec fierté. La sale besogne sera faite, elle ne sera pas totale mais vous verrez… » Entre orientations, promesses et remarques, le RND, SG et élus confondus, a donné hier le ton à la campagne électorale de la présidentielle de 2009.