Bouteflika est absent depuis juillet dernier

Bouteflika est absent depuis juillet dernier

L’Algérie sans nouvelles de son Président

El Watan, 27 août 2006

Le président Bouteflika boucle aujourd’hui son 42e jour à la réserve de la République.

L’Algérie officielle évolue depuis le 15 juillet dernier, ultime apparition publique de Bouteflika, au point mort. Malgré l’activisme accru du FLN de Belkhadem, qui a tenté d’occuper l’espace politique en jachère pour, peut-être, éclipser la longue absence du Président, force est de relever que la vacance de la première institution de la République alimente la chronique politique algérienne. Et comme la culture du silence, qui est la caractéristique fondamentale du sérail, est érigée en pratique politique, les Algériens sont réduits à guetter la radio trottoir et autres chuchotements qui inquiètent plus qu’ils ne rassurent. Quand le chef du gouvernement Belkhadem répond sèchement aux journalistes que le Président « avait le droit comme tout le monde à un congé », il croyait pouvoir stopper les rumeurs. Mais sa réplique a plutôt renforcé les craintes que quelque chose ne tournerait pas rond au sommet de la République tant ce prétendu « congé » a largement dépassé la période légale accordée aux travailleurs algériens. Question : pourquoi entretient-on ce silence pesant sur l’absence prolongée du chef de l’Etat alors que le pays s’apprête à vivre une année charnière jonchée de rendez-vous politico-économiques de grande importance ? A l’évidence, cela ne peut s’expliquer que par le peu d’intérêt que manifestent les autorités politiques du pays à l’égard d’un peuple juste bon à leurs yeux pour avaliser leurs choix, et surtout, glisser le bon bulletin dans l’urne, le moment venu. Que les dirigeants imposent l’omerta à tout un peuple à propos du sort du Président est en soi un comportement tiers-mondiste propre aux régimes dictatoriaux qui ne puisent pas leur souveraineté de la volonté des électeurs. Or, chez nous, le président Bouteflika semble, du moins en apparence, tout à fait en phase avec son peuple qui le célèbre dans les quatre coins du pays. Ce qui rend d’autant plus inexplicable ce silence radio entretenu sur sa disparition de la scène politique nationale tout comme lors de son hospitalisation au Val-de-Grâce. Aussi, le fait que Abdelaziz Bouteflika ait habitué le peuple algérien à une overdose médiatique en squattant à longueur d’années l’écran de l’Unique et les ondes des trois radios, renforce un peu la suspicion et alimente les rumeurs les plus folles. Les voies du système étant impénétrables, l’Algérien essaye de se faire une idée en collationnant un fatras de suppositions aussi contradictoires les unes des autres. Les versions explicatives varient d’un jour à l’autre selon l’origine de la rumeur. On a pu entendre ainsi que le Président a rechuté de sa maladie. Puis que c’est sa mère qui serait très malade. Et enfin, une bonne nouvelle celle-là, que le président de la République a convolé en justes noces… Il y en a même qui ont avancé que sa femme serait originaire de Sidi Bel Abbès ! Ce sont là, globalement, les rumeurs les plus insistantes qui ont accompagné l’échappée estivale du Président. Mais au-delà de ce qui aurait pu motiver son absence, le peuple est en droit de savoir où est passé son Président, ne serait-ce que pour se rassurer. Par soutien ou simplement par respect aux exigences morales du poste qu’il occupe, Abdelaziz Bouteflika ne pouvait ni ne devait se permettre une si longue éclipse sans que l’opinion ne pose les vraies questions. Celles qui gênent. Quand on observe le chassé-croisé diplomatique des dirigeants occidentaux en Algérie et la brûlante actualité qui l’interpelle en tant que chef de l’Etat (guerre du Liban notamment), il est difficile de remplacer la communication institutionnelle par une coquetterie politique pour justifier cette absence. Et à l’heure où Abdelaziz Belkhadem veut tout réformer et au moment où la polémique enfle sur l’opportunité ou pas de proroger le délai de la réconciliation au-delà du 31 août, au sein de la classe politique, l’arbitre, qui plus est, est le concepteur de ce projet, est étrangement absent. C’est dire que ce ne serait sans doute pas un crime de lèse-majesté que de demander où est le président de la République. C’est même un devoir républicain pour lui d’informer ceux qui l’on élu de sa situation. Abdelaziz Bouteflika n’étant pas « Monsieur tout le monde », alors insistons donc : où est le président de la République ?

Hassan Moali