La trace des capitaux volés sera-t-elle trouvée ?

9e session du Forum pour le partenariat avec l’Afrique

La trace des capitaux volés sera-t-elle trouvée ?

El Watan, 13 novembre 2007

Les Africains pourront-ils récupérer un jour les capitaux volés et déposés dans les pays du Nord ? Il n’y a encore aucune évaluation des grosses sommes d’argent détournées par des dirigeants corrompus ou par des entreprises mêlées à de sales affaires. Hier, lors de la 9e session du Forum pour le partenariat avec l’Afrique (FPA), qui se déroule au Palais des nations, à Club des pins, à l’ouest d’Alger, la question a été abordée. Autant dire que c’est la première fois que ce problème est posé de cette manière. C’est que l’Afrique traîne la mauvaise réputation d’être un continent à large corruption.

Autant dire que c’est la première fois que ce problème est posé de cette manière. C’est que l’Afrique tra Le dernier rapport de Transparency International, ONG basée à Berlin, l’a clairement prouvé. « Les lacunes persistantes dans les dispositifs de lutte contre les corrupteurs dans les pays développés entravent le combat livré aux corrompus et à la corruption dans les pays africains », a estimé Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines. Abdelaziz Bouteflika, qui a ouvert la session, en compagnie du président allemand Horst Kohler, a parlé de « terrible fléau ». « Sur notre continent plus qu’ailleurs, chaque acte de corruption a des effets désastreux sur le développement socioéconomique », a noté le chef de l’Etat algérien qui a appelé à « l’engagement actif » des pays africains et des « partenaires au développement ». « Les initiatives prises à cette fin par l’OCDE et la Banque mondiale sont certes méritoires mais elles restent limitées dans leur portée », a noté Bouteflika. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui organise le FPA avec le G8 et l’Union africaine (UA), s’est dotée en 1997 d’une convention contre la corruption qui contraint les entreprises à ne pas verser de commissions aux intermédiaires lors de la signature de contrats internationaux. L’Afrique du Sud est le seul pays du continent à avoir rejoint cette convention. Le 21 novembre courant, Rome va abriter une conférence de haut niveau pour évaluer l’application de cette convention par les 37 pays signataires. L’Algérie a ratifié des conventions des Nations unies et de l’Union africaine de lutte contre la corruption. La convention africaine est presque gelée parce que l’Algérie n’a pas encore installé un comité chargé du suivi du respect des obligations contenues dans le document. Alger refuse toujours de permettre à un collège d’experts de se créer pour vérifier l’application de la convention de l’ONU. Aucune explication n’est donnée à ce refus. Le pays s’est doté, depuis février 2006, d’une loi anticorruption mais qui est en retrait par rapport à la convention onusienne en matière de rapatriement des avoirs. Cette convention stipule que chaque pays doit accepter de rapatrier les capitaux détournés et donner son accord pour une coopération technique internationale liée à cette opération. Cette disposition a été — curieusement — supprimée dans la loi anticorruption de 2006. Cette faille a été signalée à l’ONU par l’Association algérienne de lutte contre la corruption qui représente Transparency International à Alger. Intervenant hier, la représentante de la Norvège, qui est un pays modèle en matière de transparence, a proposé l’aide de son pays pour tracer l’argent volé dans les banques occidentales et autres institutions financières. Les entreprises norvégiennes qui activent en Afrique sont, selon elle, sommées de respecter les règles d’éthique. « Il y a urgence. Il faut agir pour récupérer les capitaux détournés », a relevé le délégué de la Suisse. Il a rappelé la création du Centre international pour le recouvrement d’avoirs volés (International Center for Asset Recovery, ICAR), basé à Bâle, qui offre une assistance judiciaire et technique pour retrouver les fonds volés et les bloquer. Les banques suisses ont déjà restitué de grosses sommes au Nigeria et au Pérou. L’ICAR, qui offre des possibilités de formation, joue parfois le rôle de facilitateur ou de représentant légal pour le recouvrement des actifs. Adebayo Adedeji, président du panel des éminentes personnalités du Mécanisme d’évaluation par les pairs (MAEP), créé par l’Union africaine depuis quelques années, a estimé que la balle est dans le camp des pays du Nord. A ses yeux, les banques ne doivent pas accepter l’argent d’origine douteuse. « La promotion de la gouvernance en Afrique ne peut être réduite à la seule lutte contre la corruption ni en être la principale motivation », a averti Abdelaziz Bouteflika. Reste que le MAEP, dont l’Algérie est membre fondateur, répond, selon lui, aux préoccupations liées à la propagation de ce fléau. Le MAEP est unique en son genre, selon Abdelkader Messahel. Le représentant de l’OCDE a pourtant noté qu’un instrument d’évaluation, similaire au MAEP, existe au sein de cette organisation. Comme il en existe un autre dans la Commission européenne. L’Algérie, le Ghana, l’Afrique du Sud, le Rwanda et le Kenya se sont déjà « soumis » à l’évaluation. Messahel a annoncé que le rapport sur l’Algérie, élaboré par le comité national d’autoévaluation, sera rendu public ces jours-ci. « Il y a des pays qui ont trouvé les questions du MAEP intimidantes. Ils les ont simplifiées. Mais on a signé un mémorandum d’entente pour travailler en toute liberté », a observé Adebayo Adedeji qui a parlé de « contextualisation du travail ». Autrement dit, une musique à chaque danse ! « Le MAEP a permis à chaque pays de mieux connaître ses réalités, à prendre conscience de ses points forts, de cerner de près les défis à relever », a noté Messahel qui a insisté pour mettre à l’abri ce mécanisme de « toute utilisation politicienne » ou de « son instrumentalisation » à des fins de « pression ». Horst Kohler a noté, pour sa part, que le temps des solutions « dictées » par le Nord est révolu. Il a plaidé pour faire participer les jeunes au dialogue entre l’Afrique et ses partenaires du Nord. Le délégué du Danemark a proposé d’impliquer la société civile et les médias pour améliorer « la bonne gouvernance ». « Pour être bonne, la gouvernance doit d’abord être démocratique », a souligné le représentant de la Suède. Celui du Canada a insisté sur le rôle que peuvent jouer les femmes alors que le délégué de la Suisse a mis l’accent sur le respect des droits humains. « Gouvernance et développement » est la thématique choisie pour le 9e FPA.

Faycal Metaoui


9e Forum pour le partenariat avec l’Afrique

La corruption, casse-tête africain

par Mohamed Mehdi, Le Quotidien d’Oran, 13 novembre 2007

La lutte contre la corruption semble être le talon d’Achille des pays africains, membres du Mécanisme africain d’Evaluation par les pairs (MAEP). Plusieurs participants, lors du 9e Forum pour le partenariat avec l’Afrique (FPA), qui se tient depuis hier au Club des Pins, ont mis l’accent sur ce peu d’enthousiasme africain et certaines complicités occidentales pour lutter contre ce fléau qui gangrène les économies du continent. «Le terrible fléau de la corruption». Cette phrase est revenue des dizaines de fois, hier, lors des interventions à ce 9e FPA. Chacun y allait de sa «démonstration» pour expliquer la gravité du mal, mais rares sont ceux qui ont pu proposer des solutions pour lutter contre ce phénomène. Le Président Bouteflika aborde, le premier, ce sujet en parlant des «efforts» faits par les pays africains pour tendre vers «des règles et des normes de bonne gouvernance». Intervenant après Horst Köhler, le président allemand, Abdelaziz Bouteflika explique que la lutte contre la corruption est devenue l’une des «préoccupations majeures» de l’Afrique. D’autant que, ajoute-t-il, «chaque acte de corruption a des effets désastreux sur le développement socio-économique». Il estime que les efforts de l’Afrique «tendent particulièrement vers la transparence dans la gestion des finances publique». Pour Bouteflika, « l’éradication de ce phénomène nécessite la mobilisation effective et l’engagement actif de tous les pays africains mais aussi de leurs partenaires au développement», considérant, par ailleurs, que les «initiatives de l’OCDE et de la Banque mondiale sont, certes, méritoires, mais elles restent limitées dans leur portée». A propos des programmes de réformes entamés par les pays africains, Bouteflika considère «qu’il ne fait guère de doute qu’elles sont encore insuffisantes», malgré des «taux de croissance honorables» mais qui «ne sont pas accompagnés par une régression significative de la pauvreté». De quoi s’interroger sur les véritables bénéficiaires des retombées de ces réformes, si les couches vulnérables de la société en sont quasi exclues. Intervenant en premier, le président allemand a surtout insisté sur la nécessité, pour les pays d’Afrique et du G8 et les membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), de «trouver des solutions communes pour le bénéfice de tous». Horst Köhler en appelle, par ailleurs, à une «intégration bien faite» pour lutter contre la pauvreté. Le président allemand a également souhaité la résolution, dans le cadre du NEPAD, de la question du «commerce équitable», voire de la suppression des droits de douanes par les pays développés sur les produits transformés en provenance d’Afrique.

La corruption était aussi au menu de plusieurs autres orateurs, hier, lors du 9e FPA. Maxwell Mkwezalamba de la Commission de l’Union africaine (UA), estime que l’Afrique «est en train d’avancer» dans la lutte contre la corruption. Il en veut pour preuve la ratification d’une quarantaine de pays du continent de la Convention des Nations unies contre la corruption. Abdelkader Messahel, le ministre délégué aux Affaires africaines et maghrébines considère, de son côté, que les entraves de la lutte contre la corruption se situent principalement chez les pays développés. Il considère, en effet, que «les lacunes persistantes dans les dispositifs de lutte contre les corrupteurs dans les pays développés entravent le combat livré aux corrompus et à la corruption dans les pays africains et contribuent toujours à ternir l’image et les efforts du continent pour se débarrasser de ce fléau». Sur un autre registre, Messahel a également critiqué «les politiques de migration choisies (qui) sont ouvertement justifiées par les équilibres du marché international du travail au mépris des graves implications de l’exode des compétences sur le développement des pays africains». Le représentant de l’OCDE au Forum a invité les pays africains, membres du MAEP, à s’inspirer des recommandation de son organisation en matière de lutte contre la corruption, notamment dans le volet traduction des corrompus devant la justice. Considérant que la corruption en Afrique «n’est plus à démontrer», le représentant de la Suisse a évoqué la possibilité de blocage des capitaux africains détenus illégalement dans des banques étrangères. La déléguée norvégienne a abordé, elle aussi, le sujet de la lutte contre la corruption, estimant qu’elle doit être «transformée en actions concrètes» par les pays africains eux-mêmes, et faisant état également d’un travail de sensibilisation à ce fléau réalisé en Norvège auprès des entreprises. Le professeur Adebayo Adedeji, président du Panel des Eminentes personnalités du MAEP, rappellera, à son tour, que l’argent de la corruption se trouve souvent dans les banques occidentales et relèvera également «le manque de coopération (des pays développés, ndlr) lorsqu’il s’agit de rapatriement des fonds expatriés». Le représentant du Danemark a été le seul à évoquer la nécessité d’accorder aux médias un rôle de supervision de l’application des réformes.