L’Algérie toujours sans nouveau gouvernement

L’ALGÉRIE TOUJOURS SANS NOUVEAU GOUVERNEMENT

Le luxe du statu quo

Par Brahim TAKHEROUBT, L’Expression, 5 juin 2012

Confusion au plan politique et expectative au plan diplomatique où des visites de partenaires de haut niveau ont été retardées.

Combien de temps peuvent attendre les affaires de l’Etat? Depuis plus de trois semaines, le pays vit dans l’attente de la formation d’un nouveau gouvernement qui a fini par se confondre avec l’Arlésienne. Au plan diplomatique, c’est l’expectative. Des chancelleries étrangères ont dû retarder des visites officielles de haut niveau, revoir leur agenda en raison du manque de partenaires. Et ce ne sont pas des dossiers sensibles qui manquent aux plans régional et international. L’Algérie a-t-elle le droit de se permettre le luxe du statu quo au moment où le monde fonctionne avec la vitesse du clic et où le respect du temps se confond presque avec la religion? Comment nos partenaires vont-ils percevoir ce pays qui refuse de…frémir?
Pour souligner cette célérité avec laquelle fonctionnent les nations et la rigueur dans l’exécution des affaires de l’Etat, prenons l’exemple du nouveau président français François Hollande. A peine quelques heures après qu’il soit investi président de la République, M.Hollande s’est envolé à Berlin pour rencontrer la chancelière allemande. C’est parce que les affaires de l’Etat n’attendent pas. Au plan politique c’est la confusion totale. On ne sait plus qui fait quoi. Usée, moralement démissionnaire, l’actuelle équipe gouvernementale est censée liquider les affaires courantes. Or elle se retrouve avec un cumul de fonction qui complique davantage. Six ministres ont quitté leur poste car élus députés à l’Assemblée populaire nationale le 10 mai dernier: Cherif Rahmani, Amar Tou, Amar Ghoul, Rachid Harraoubia, Tayeb Louh, Moussa Benhamadi. Pour combler le vide de ces ministres désormais députés, le Président Bouteflika a décidé que l’intérim des ministères concernés sera respectivement assuré par Daho Ould Kablia, ministre de l’Intérieur pour le ministère de l’Aménagement du territoire, Abdelmalek Sellal, ministre des Ressources en eau pour le ministère des Transports, Noureddine Moussa, ministre de l’Habitat, pour le ministère des Travaux publics, Hachemi Djiar, ministre de la Jeunesse et des Sports, pour le ministère de l’Enseignement supérieur, Djamel Ould Abbès, ministre de la Santé, pour le ministre du Travail, Youcef Yousfi, ministre de l’Energie et des Mines, pour le ministère de la Poste et des Technologies de l’information et de la communication. Du coup, il ne s’agit plus d’une équipe gouvernementale mais d’une mosaïque de ministres qui liquident les affaires courantes en attendant…Godot. On peut estimer que la décision de l’Alliance de l’Algérie verte de boycotter le gouvernement retarde, quelque peu, la composition du nouveau gouvernement, mais pas avec autant de retard! En lieu et place d’un Exécutif frais à même de donner un nouveau souffle au pays, on se complait incroyablement dans l’attente. Pourtant, il n’y a aucun événement grave à même d’empêcher ou retarder pendant 20 jours la nomination d’un Premier ministre qui, à son tour, prendra le temps de proposer son équipe ministérielle. La seule contrainte tient aux équilibres du pouvoir pour ne pas dire régionaux. Ce qui est d’ailleurs un faux critère car on peut trouver au sein d’une même région les meilleurs éléments. Seul le critère de compétence doit déterminer le choix dans un Etat de droit. Mais dans un pays comme l’Algérie où la corruption est banalisée, le gain facile est généralisé et le travail n’est qu’un accessoire pour la promotion sociale, alors le statu quo devient suicidaire.
Le désarroi est tel qu’avec la rumeur on nomme un Premier ministre le matin et on le remplace par un nouveau le soir. Tour à tour on donne au poste de Premier ministre Abdelmalek Sellal, Abdelaziz Belkhadem, Tayeb Louh, Amar Ghoul, Ahmed Ouyahia, Youcef Yousfi. On annonce même parfois des noms inattendus comme Mohand Amokrane Cherifi du FFS et la liste est encore longue.