Les réformes dans le camp de la sécurité

Les réformes dans le camp de la sécurité

par Bachir Medjahed, Le Jeune Indépendant, 13 novembre 2005

Police de proximité par le projet de densification de sa présence sur le territoire national et par le recentrage sur les attentes citoyennes face à la diversification et à la montée des menaces, statut particulier pour la police dont les activités sont intégrées dans un champ et une problématique plus élargis de la sécurité, notamment intérieure, mise de la gendarmerie sous la tutelle opérationnelle du ministère de l’Intérieur, agences privées de la sécurité et bien d’autres innovations encore.

Ce sont autant de mesures prises dans la zone régalienne des activités de l’Etat en prélude à la mise en œuvre, dans sa dimension de sécurité intérieure, de la doctrine de sécurité nationale dont la promesse de son élaboration était contenue dans le programme de campagne du candidat Bouteflika en avril de l’année 1999.

Depuis la sortie de l’Algérie du confort d’une équation de sécurité aux variables maîtrisables qui a mis en évidence la caducité de l’ancienne pensée stratégique et des moyens de sécurité, qui ont eu à faire face à des scénarios pour lesquels ils n’étaient pas conçus, s’est imposée la nécessité d’une nouvelle approche des questions de sécurité.

Malgré que la police se soit dotée d’une cellule de réflexion stratégique plutôt assise sur les travaux des «RG», il convient cependant de remarquer au niveau national l’absence d’un cadre traditionnel de réflexion collective axée sur l’identification et l’évaluation des menaces et des risques, la saisie des données essentielles de la demande de sécurité, d’un partenariat pour la prise en charge des responsabilités dans la mise en œuvre de la posture globale de sécurité.

Des signes que l’on voudrait bien qu’ils soient annonciateurs de la volonté de créer ce cadre ont été donnés par la Gendarmerie nationale (GN) qui a décidé de la mise en place d’un institut de la criminalité, et par la Direction nationale de la sûreté nationale (DGSN) qui a annoncé son intention de procéder à la création d’un Institut de hautes études de sécurité intérieure.

Il ne reste plus pour boucler la boucle que l’institution de défense qui ne devrait peut-être pas tarder à annoncer à son tour la future mise en place d’un Institut de hautes études de défense nationale. Dans ces conditions, les enjeux de sécurité n’auront plus à être définis au gré des conjonctures et ne devraient plus être approchés sous l’angle de la passion ou des perceptions politiciennes qui produisent des visions plutôt polémistes.

Et pourtant, un Institut national d’études de stratégie globale existe pourtant mais en position de nette marginalisation, comme il existe un conseil interministériel de sécurité qui devait être formalisé et structuré sous la présidence d’Ahmed Benbitour, et qui aurait pu au moins dynamiser la pensée stratégique nationale de sécurité intérieure.

Par contre, le HCS (Haut conseil de sécurité) ne peut pas compenser l’absence de ce cadre, compte tenu du fait qu’il n’est qu’une institution consultative, à moins qu’il ne soit décidé de revoir ses attributions pour le convertir en cadre d’analyse et de prospective sur le plan des relations internationales et intérieures de défense et de sécurité.

Pour le moment, le HCS ne se réunit que lorsqu’il est estimé que les intérêts essentiels de la nation sont en grave péril. Le rattachement fonctionnel de la Gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur, pour ce qui concerne les interventions en sécurité intérieure, déjà rendu inéluctable, du fait que le décret portant état d’urgence en avait confié la gestion à ce dernier, induit fatalement son rapprochement de la police et pose la question d’une homogénéisation des méthodes de travail et des statuts.

Les activités de la gendarmerie, corps à vocation interministérielle (défense, intérieur, justice) sont à plus de 90 % orientées vers les questions de sécurité intérieure, en parallèle et en complément de celles de la police. Le rattachement de la Gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur sur le plan des interventions en sécurité intérieure ne peut impliquer pour ce corps la perte de son statut militaire.

Pas plus, d’ailleurs, que le rapprochement entre ces deux corps ne peut impliquer l’octroi du même statut à la police. Cependant, des facteurs équilibrateurs peuvent être introduits dans le sens d’une mise à niveau en ce qui concerne les droits de départ à la retraite (25 années d’activité), l’homogénéisation des rémunérations et du déroulement de carrière, le logement sur le lieu de travail et, bien évidemment, les questions d’interopérabilité, sachant que les deux corps interviennent souvent en forces combinées.

Le maintien de deux statuts séparés permet d’élever le niveau d’indépendance du magistrat, qui aura le choix en ce qui concerne la conduite des enquêtes judiciaires, et d’empêcher qu’un corps puisse exercer le monopole sur la sécurité publique.

Le ministère de l’Intérieur a donc à sa disposition le corps de la gendarmerie et celui de la police. Il reste maintenant bien sûr à définir les composantes et l’étendue du champ de la sécurité intérieure, car cela pose, entre autres, la question du rattachement du corps de la douane dans sa dimension militaire et de lutte contre les actes illicites, d’autant que ce corps s’est doté d’un service de renseignement avec l’octroi de la qualité d’officiers de police judiciaire à ses éléments.

S’il se révèle bien l’importance de la création d’une structure fédératrice des divers intervenants dans le champ de la sécurité intérieure, pour exercer sur ces derniers une tutelle opérationnelle, il se pose bien la question de l’identification de sa tutelle.

Comment valider le concept d’intérieur et celui de souveraineté si l’on dépouille le ministère de l’Intérieur des attributs de garant de la sécurité des biens et des personnes et du maintien de l’ordre public ? La sécurité doit évoluer en conformité avec le droit et les libertés publiques qui font partie des missions de ce ministère.

En revanche, il peut se concevoir qu’un conseil de sécurité intérieure soit placé auprès du chef du gouvernement ou du président de la République. Faudrait-il aller plus loin dans les réformes ? Certainement, comme par exemple intégrer l’élu dans le champ de la sécurité, séparer au niveau local les missions de développement de celles de souveraineté, instituer une loi de programmation sécuritaire, parlementariser les questions de la sécurité, etc.

B. M.