L’Algérienne des eaux se dote d’une « police privée »

Sécurité des ressortissants étrangers

L’Algérienne des eaux se dote d’une « police privée »

El Watan, 29 mai 2006

L’établissement public l’Algérienne des eaux envisage de faire appel, avant la fin de l’année en cours, à des sociétés de gardiennage afin d’assurer la sécurité des ressortissants étrangers employés dans le cadre de l’important programme de réhabilitation des réseaux d’eau potable au niveau des grandes villes du pays.

A cet effet, l’on a appris que l’ADE de Constantine devrait normalement connaître, le 5 juin 2006 – à l’issue de l’ouverture des plis -, la société de gardiennage à laquelle incombera la tâche de protéger les ressortissants chinois et français employés dans le cadre du projet de réhabilitation du réseau AEP de la ville du Vieux rocher et faisant partie du groupement d’entreprises piloté par la Société des eaux de Marseille, composé de Sogerah, une société d’ingénierie et de conseil, et de China Geo Engineering Corporation (CGC), une entreprise de travaux. Durant 36 mois, ce groupement aura pour principaux objectifs de porter le rendement du réseau d’alimentation en eau potable de Constantine – réparti en 18 secteurs – à 75%, à renouveler 68 km d’un réseau de 1290 km et informatiser la gestion commerciale notamment et ce, pour un montant de 6 milliards de dinars. Pour ce faire, ce groupement d’entreprises s’active actuellement à l’élaboration d’une cartographie numérique du réseau AEP existant en inspectant déjà 200 km de réseau et à rechercher les fuites d’eau par le biais d’équipes opérationnelles depuis octobre 2005 sur le terrain afin d’améliorer le rendement du réseau. Outre cela, l’ADE prévoit le lancement d’opérations similaires au niveau de 16 villes à l’échelle nationale dans le cadre d’un programme d’envergure visant à mobiliser les ressources en eau par la mise en place de barrages et de stations de dessalement d’eau de mer ainsi que de nombreux projets de réhabilitation des réseaux AEP. Un ambitieux programme nécessitant une importante main-d’œuvre étrangère dont l’intervention dans des zones enclavées, voire des quartiers défavorisés où le terrorisme a cédé la place au grand banditisme, requiert un minimum de sécurité. Il y a quelques jours à peine, 4 touristes étrangers ont été délestés de leurs papiers et de leur argent au niveau de la gare ferroviaire de Constantine, de même qu’un véhicule de transport de fonds a été braqué par une bande de malfaiteurs.

Afflux grandissant de la compétence étrangère

Deux faits qui dénotent la hausse de la criminalité ces derniers mois et met, par voie de conséquence, en évidence l’exigence pour les entreprises nationales, publiques ou privées qui comptent parmi leur effectif des étrangers, d’assurer leur sécurité. Nous avons à ce propos tenté d’obtenir des chiffres de la main-d’œuvre étrangère employée par les services de l’ADE de Constantine, mais les responsables interrogés ont refusé de nous renseigner arguant justement « le secret de travail et la sécurité de ces ressortissants ». Cela étant, l’on a appris que le recours aux sociétés de gardiennage est en hausse ces dernières années à la faveur de l’afflux considérable d’étrangers, d’autant que l’Algérie est considérée de plus en plus comme une destination « économiquement et financièrement rentable ». Il est vrai que la réalisation de l’ambitieux programme de relance économique pour lequel l’Algérie a débloqué 50 milliards de dollars avec le lancement d’importants chantiers comme le métro et l’aéroport d’Alger, l’autoroute Est-Ouest, le tramway de Constantine, le téléphérique et la réhabilitation du réseau AEP de plusieurs villes du pays, a incité les pouvoirs publics à faire appel à la compétence étrangère, tout en lui garantissant la sécurité en faisant notamment appel à des sociétés de gardiennage. Celles-ci ont vu le jour en 1993, au début du terrorisme, à un moment où des entreprises nationales et étrangères confrontées à la menace permanente des terroristes ont été contraintes de faire appel aux services de ce que qu’on appelle aussi « police privée » afin de protéger leurs biens ainsi que, le cas échéant, leurs employés étrangers recrutés dans le cadre de l’assistance technique. L’on rappellera, à cet effet, l’assassinat en décembre 1993 de 12 Bosniaques et Croates au sabre et au couteau, à Tamezguida, dans la région de Blida, à 65 kilomètres au sud-ouest de la capitale. C’étaient des techniciens employés par la société Hydro-Electrika, une entreprise « yougoslave », travaillant pour le compte d’une société algérienne. Le concours aux sociétés de gardiennage était donc impératif à l’époque, d’autant que les forces de l’ordre, entièrement mobilisées dans la lutte antiterroriste dans les maquis, ne pouvaient se consacrer convenablement à la sécurité des effectifs des entreprises implantées parfois, faut-il le signaler, dans des zones difficilement accessibles. Officiellement, il existe actuellement 53 sociétés de gardiennage et de transport de fonds activant en Algérie, conformément au décret législatif 93-16. Or, 13 ans après la promulgation de ce décret, force est de constater que les attributs de ces sociétés de gardiennage n’ont pas été entièrement balisés, notamment en ce qui concerne le type d’armement utilisé ou encore le profil du personnel appelé à assurer la protection d’autrui. Des « insuffisances » à auxquelles les pouvoirs publics envisagent, a-t-on appris, de remédier en faisant notamment appel à la collaboration de cadres de la Gendarmerie nationale, de la DGSN et du ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales.

Lydia R.