La DGSN lâche du lest sur l’information sécuritaire

LA DGSN LÂCHE DU LEST SUR L’INFORMATION SÉCURITAIRE

L’effet Hamel

L’Expression, 23 Août 2010

Le communiqué introduit inévitablement un allègement de l’arsenal qui a canalisé jusque-là l’information sécuritaire.

Avant-hier, le service de communication de la direction générale de la Sûreté nationale a commis un «impair», sommes-nous tentés de dire à la réception d’un communiqué pas comme les autres. Dans son document, la Dgsn informe, dans le menu détail, un incident sécuritaire qui s’est déroulé le jour même, vendredi, à Ras El Oued dans la wilaya de Bordj Bou Arreridj. L’incident en question a coûté la vie à un commissaire et un inspecteur de police, morts en service commandé. C’est l’une des rares fois depuis plus 10 ans qu’une institution sécuritaire réagit à un événement avec promptitude et surtout avec célérité pour rectifier, communiquer et préciser une information.
Le document de la Dgsn introduit ainsi une nouvelle manière de communication sous la férule du nouveau patron de la police, le général-major Abdelghani Hamel. Depuis son installation, le 7 juillet dernier, dans ses fonctions de directeur général de la Dgsn, en remplacement de Ali Tounsi, assassiné le 25 février dernier dans son bureau, il y a comme un frémissement dans cette institution. Ce communiqué introduit inévitablement un nouvel allègement de l’arsenal qui a canalisé jusque-là l’information sécuritaire. Depuis le début du terrorisme islamiste en Algérie, l’information sécuritaire a été délivrée au compte-gouttes avant d’être totalement jugulée. Tout a commencé en 1993, avec le journal Liberté, qui a publié, en exclusivité, l’arrestation des poseurs de la bombe à l’Aéroport international Houari-Boumediene. L’information reprise en boucle par les médias internationaux était encore fraîche quand la nouvelle de la suspension du quotidien Liberté tombe comme un couperet. Belaïd Abdesslam qui était alors chef de gouvernement a sévi. Motif invoqué pour cette suspension: publication d’une information sécuritaire non confirmée par les services de sécurité. M.Abdesslam a ouvert une nouvelle ère de communication à la stalinienne où celle-ci est placée sous le joug des officines dont elle ne réussira jamais à s’émanciper. Si bien que le 7 juin 1994, Belaïd Abdesslam promulgue un arrêté ministériel qui définit le cadre de l’information sécuritaire et qui n’autorise à la publication que les bilans officiels des attentats. C’est cet arrêté qui a également conduit à la suspension du quotidien El Watan. Pour rappel, ce journal a publié, en 1994, une information selon laquelle 10 gendarmes ont été tués par le GIA à K’sar El Hiran dans la wilaya de Laghouat. Ce qui a valu à cinq journalistes d’El Watan plusieurs journées d’emprisonnement. Au moment où le conflit politique s’est transformé en affrontement armé en Algérie, la circulation de l’information est devenue alors un des enjeux les plus importants. Mais le temps des comités de censure siégeant au niveau des imprimeries est révolu. De même d’ailleurs que celui des tribunaux spéciaux et des chambres spéciales presse qui jugeaient les journalistes. Mais ce n’est pas pour autant que les professionnels des médias en Algérie vont crier victoire. L’accès à l’information demeure difficile, plus difficile encore l’information sécuritaire. Il est connu que les pays à tradition démocratique se sont déchargés de structures lourdes pour gérer l’information. Pour ne citer que l’exemple de la France, où le ministère de la Communication a été tout simplement supprimé. L’Algérie procédera-t-elle un jour de la même manière? On n’a plus de choix, il faut y croire. Et c’est dans ce choix obligé que l’espoir réside. Peut-être que la nouvelle démarche de la Dgsn en est-elle le prélude?

Brahim TAKHEROUBT