Dilapidation du foncier: Grand déballage au procès de l’ex-wali d’Oran

DILAPIDATION DU FONCIER

Grand déballage au procès de l’ex-wali d’Oran

Le Quotidien d’Oran, 23 avril 2005

Le tribunal criminel près la cour d’Alger a poursuivi, jeudi et vendredi, les auditions dans le cadre du procès de la dilapidation des deniers publics de la wilaya d’Oran. Au banc des accusés figurent l’ancien responsable de la wilaya, Bachir Frik, les directeurs locaux de l’OPGI, Chaabane Makhloufi, de l’Agence foncière, Tayeb Laouffi, des domaines, Balasse Hacène, et le docteur Bouarffa.

Les auditions ont été axées sur l’implication des cinq accusés dans des opérations de détournement de foncier à des fins personnelles ou pour des proches.

C’est, en effet, sur la régularité des procédures d’attribution ou d’acquisition de logements sociaux, de logements promotionnels, de locaux commerciaux, de lots de terrain qu’ont porté les interrogations à la fois du tribunal et du parquet. Le docteur Bouarffa, premier à être convoqué à la barre, devait s’expliquer sur l’acquisition d’un terrain de 2695 m² à Hay El-Othmania, en 1989, afin de construire une clinique médicale R+2 pour une valeur de 57 millions de centimes. Un terrain dont il a revendu 1000 m² pour près de cinq cents millions en 1998. Interrogé par la présidente du tribunal, il justifiera cette vente par le besoin qu’il avait d’argent afin de poursuivre la construction du projet. Face au procureur général près la cour d’Alger, il craquera les larmes aux yeux. «Si j’avais voulu me faire de l’argent, j’aurais pu le faire grâce à mon bistouri en Europe», dira-t-il. L’acte de vente du terrain a été signé par le directeur de l’Agence foncière en 1992.

Chaabane Makhloufi, directeur de l’OPGI d’Oran, avait à s’expliquer sur les attributions de logements sociaux, locaux commerciaux ou biens vacants gérés par son office entre 1994 et 1997. Il avait été installé à son poste en 1994 après l’arrivée du wali Bachir Frik. Il occupait auparavant le poste de DEC à Jijel où Bachir Frik était wali. «J’applique les décisions de la commission d’attribution. Elle est souveraine dans ses décisions.

Sauf pour les 10% du quota du wali», précisera-t-il en préambule. Interrogé par la présidente du tribunal sur un logement attribué à une femme et qui était à l’origine loué par Gaston Dolaus, décédé en mai 1991, et dont le fils s’est constitué partie civile à l’ouverture du procès, Chaabane Makhloufi justifiera que le logement était inoccupé, fermé depuis près d’une dizaine d’années.

Chose contestée par M. Dolaus. «L’OPGI gardait le logement pour cet étranger. Le wali a décidé de l’attribuer, je n’ai fait qu’appliquer cette décision», indiquera M. Makhloufi.

La présidente du tribunal convoque à ce moment-là pour plus de renseignement M. Dolaus.

Ce qui créera des tensions avec le procureur général et certains avocats sur la nécessité d’utiliser la langue nationale alors que cela ne semblait déranger nulle personne au départ. «Ne créons pas de faux problèmes. M. Dolaus a respecté les formes en présentant un document en arabe.

Nous sommes juste en train de lui prouver que parce qu’il est étranger, il doit avoir un traducteur alors que nous, nous passons depuis ce matin entre l’arabe et le français», précisera la présidente. Une avocate stagiaire fera office, après avoir retiré sa robe et prêté sermon, de traductrice. Ce point d’ordre dépassé, l’audience reprend. Le père et la mère de M. Dolaus occupaient, selon lui, cet appartement depuis des décennies jusqu’au début de l’année 1991. Date à laquelle il a dû les transférer pour des soins médicaux en France. «C’était l’appartement familial et natal. Je l’occupais depuis ma naissance. Je suis parti travailler en France en 1987. Mes parents sont restés jusqu’au moment où je les ai transférés sur civière début 91. Le loyer était payé jusqu’au 30 avril 1995.

Le 12 avril des agents de l’Etat sont venus et ont changé les serrures. Je ne leur dénie pas le droit de vouloir reprendre l’appartement mais j’ai été très surpris par la procédure d’autant que nos affaires personnelles et nos meubles étaient à l’intérieur», dira M. Dolaus. Il précisera, également, avoir écrit le 15 avril 95 au DG de l’OPGI pour s’enquérir de cet état de fait sans résultat ainsi que le consulat général de France.

Le 3 juin 2001, il se rendra à Oran où il rencontrera le commissaire principal d’Oran de l’époque et le wali à ce sujet.

La présidente se tourne alors vers M. Makhloufi. «Vous n’étiez pas au courant que les Dolaus étaient décédés. Vous avez attribué ce logement sans aucune preuve», dira-t-elle.

Chaabane Makhloufi se lance dans une vaste explication sur le gardiennage des appartements loués à des étrangers par les agents de l’OPGI eu égard au contexte sécuritaire de l’époque. «Nous veillions sur les biens des étrangers et ceux de l’Etat». Quant au loyer payé par les Dolaus, il dira que la décision d’attribution émanait du wali. Le logement n’était pas exploité, tentera-t-il de se justifier. «Et alors ? Le loyer était payé, ils étaient toujours locataires.

C’est ça ce qui me choque. Vous n’avez même pas envoyé de mise en demeure», relèvera la présidente. Le DG de l’OPGI indiquera qu’il ne peut refuser de loyer. «Vous ne le refusez pas, vous l’acceptez même deux fois», dira la présidente.

Quant à savoir s’il a averti au préalable le wali sur l’état du logement, il dira que celui-ci était vacant, il n’était pas habité. Il avait l’information selon laquelle les Dolaus étaient décédés.

La décision de l’ancien wali concernait, selon lui, un logement vacant. Et le wali avait les états de l’office.

La présidente interroge alors Bachir Frik sur la situation du logement attribué. «Le wali ne fait pas la comptabilité de la gestion de l’OPGI. Les informations transmises par l’office est que le logement en question était vacant. On ne m’avait pas averti de cette situation. Je ne choisit pas un appartement en particulier. Il faut que le logement soit vide juridiquement et matériellement. Je ne peux pas outrepasser la loi et attribuer le logement de quelqu’un d’autre», précisera l’ancien wali d’Oran. Il relèvera le contexte «où un fils de chahid doit répondre face à un pied-noir dans un tribunal algérien». Une déclaration qui fera sortir de ses gonds le procureur général. Il mettra en avant les 700 cas d’occupations sans titre de logements détenus par des étrangers et qui les ont quittés en faisant un désistement en faveur d’un tiers ainsi que le squat des appartements vides.

Néanmoins, le logement en question n’était pas squatté, précisera le DG de l’OPGI. La présidente interrogera ce dernier sur le moment où un bail s’arrête. «Quand un autre bail est signé», dira-t-il. Ce qui provoquera des exclamations choquées et des rires dans la salle. «Heureusement que je n’ai pas habité Oran.

Vous piétinez toutes les lois», dira la présidente. Le procureur général interviendra pour connaître les procédures initiées en vue de récupérer les clés.

Aucune procédure judiciaire n’a été entamée par l’OPGI, ni pour l’annulation du contrat, la récupération de l’appartement ou encore pour investir l’appartement fermé sans la présence d’un huissier, ce qui fera réagir la présidente et le procureur général. «Vous aviez violé le domicile», dira le représentant du ministère public. Quant aux meubles appartenant aux Dolaus, M. Makhloufi n’a aucune connaissance de leur existence et de leur devenir. «Non seulement vous louez un appartement appartenant à quelqu’un d’autre mais en plus vous donnez les meubles», dira la présidente.

Quant à son logement de fonction au 12 ex-rue de Lens qui deviendra par la suite un appartement à son nom, c’est également une décision du wali d’Oran de l’époque. «Je n’avais pas de logement de fonction.

J’ai résidé pendant près de deux mois dans un hôtel. Le wali a décidé de m’attribuer comme logement de fonction un appartement que le consulat d’Italie a rendu», déclarera-t-il. Le contrat de location de l’appartement a été signé par M. Makhloufi en tant que DG de l’OPGI en faveur de lui-même en tant que locataire.

La procédure de désistement s’est faite à la faveur d’un arrêté du wali d’Oran. «Elle a été faite pour tous les directeurs», dira M. Makhloufi. Bachir Frik confirmera ses dires. «C’est la décision du wali. Je l’ai prise pour 5 ou 6 directeurs de wilaya et 2 magistrats de la cour d’Oran qui ont pris 2 F5. C’est l’appréciation du wali et aucun texte ne l’interdit», dira l’ex-wali. Ce n’est pas ce que prévoit la loi, estimera la présidente.

Nouvel éclat du procureur général concernant l’allusion aux magistrats. «Pourquoi les magistrats sont toujours mentionnés ? Le corps est propre», s’exclamera-t-il. Me Brahimi, avocat de Bachir Frik, relèvera qu’il est tout à fait normal de le dire. D’autant que «l’ancien procureur général d’Oran en a bénéficié, il est aujourd’hui conseiller au ministère de la Justice.

Vous pensez qu’il ne l’aurait pas eu en tant que procureur général ?», dira l’avocat. La présidente calmant les esprits estimera que «chacun est libre de penser ce qu’il veut, nous savons ce que nous valons». Bachir Frik justifiera cette sortie par le fait que c’était la pratique de la wilaya. Quant aux magistrats, il dira «nous avons beaucoup plus d’amitié avec ces gens qu’avec d’autres».

Concernant les autres affaires impliquant le DG de l’OPGI, elles portent sur l’attribution de logements sociaux ou de locaux commerciaux. Ils ont été attribués dans le quota de 10% du wali, selon M. Makhloufi. «Je ne peux contester une décision de l’autorité, ni vérifier le bénéficiaire», dira-t-il. Les procédures ont été réalisées de manière légale, selon lui. Le procureur général n’était pas d’accord surtout que les bénéficiaires ont revendu leurs locaux pour des valeurs beaucoup plus importantes. Interrogé sur un local de 82.02 m² attribué à une autre personne, il ne trouvera rien à dire. Il n’était pas au courant, précisera M. Makhloufi, que cette femme était l’épouse du wali.

Son local, qui a en réalité la superficie de trois locaux, a été attribué dans les 10% du quota du wali. De même que celui d’une superficie de 53.40 m² attribué au frère du beau-fils de Bachir Frik. «J’ai reçu une décision d’affectation. J’exécute, je ne fais que la gestion», dira Chaabane Makhloufi qui s’est à chaque fois justifié par les décisions d’attribution signées par le wali.

Le directeur général des domaines, Balasse Hacène, devait s’expliquer sur la cession de certains terrains domaniaux durant sa gestion de 1994 à 1996.

Il est condamné à deux ans de prison ferme pour les mêmes charges que celles de ce procès dans une autre affaire concernant un terrain à Es-Seddikia, à Oran. A Hay El-Mokhtar, 1042 m² ont été cédés par les domaines au profit de l’Agence foncière. «Il m’est reproché de ne pas avoir précisé que le terrain cédé à l’Agence foncière était destiné à la création d’une clinique et d’un garage. Cette décision émane d’un procès-verbal de la commission en 1993. Ce n’est pas sur l’acte mais dans le cahier des charges indexé que se précise la destination.

Je n’ai fait qu’appliquer l’arrêté interministériel du 7 juin 1994», dira M. Balasse. Il ignorait, précisera-t-il à la présidente, que ce terrain a été parcellé et vendu par la suite. «Parce que vous n’aviez pas fait votre travail, le terrain a pu être revendu», dira la présidente. A Hay Fellaoucène, 26 628 m² de terrains ont été vendus. «C’est un dossier qui a été déposé au niveau de la wilaya en 1988. En 1989, 16 688 m² ont été affectés pour la réalisation d’un complexe touristique et 10 126 m² pour des espaces verts. J’ai vendu uniquement la surface du complexe. Les espaces verts sont incessibles», dira-t-il. La présidente relèvera que sur l’acte de vente en date du 14 janvier 1996 figure 26.628 m² au prix de 350 016 DA. «Vous avez vendu 26 000 m² au prix de 16 628 m². Il y a 10 000 m² qui n’ont pas été comptabilisés», dira-t-elle.

Le procureur général rappellera que M. Balasse a acquis bien après les faits une voiture auprès de la personne qui a acquis le terrain à Fellaoucène même si l’arrêt de renvoi n’a rien trouvé d’illégal dans la transaction. «Je n’avais pas de voiture. On s’est croisé et il m’a dit tu m’as rendu service, il y a longtemps, je te vends ma voiture». La présidente ne laissera pas passer cette déclaration. «10 000 m² à l’oeil; c’est un très gros service». M. Balasse se rétractera déclarant que ce lapsus est dû au stress. «C’est un lapsus lourd de sens», précisera, cependant, la présidente ajoutant que la déclaration était annulée mais qu’elle restait en mémoire. Autre terrain, celui d’une surface de 2045 m² à Ibn Rochd affecté à l’origine aux PTT et qui a été cédé à l’Agence foncière. «Le comité technique a décidé la cession le 19 décembre 1993. Tout le monde savait que ce terrain était affecté auparavant aux PTT. Le PV a annulé ipso facto l’affectation au profit des PTT», précisera-t-il. La présidente rappellera que la cour d’Oran a annulé cette décision et que le wali a annulé la décision de cession par la suite. «Les domaines ont écrit aux PTT», justifiera-t-il. Pour déclarer par la suite qu’il n’a pas signé l’acte de cession. Son chef de service l’a fait, selon lui, durant son congé. «Rien n’entache la régularité de cette procédure», précisera-t-il. Néanmoins, l’opération ne s’est pas faite sans problème, relèvera la présidente, d’autant que les PTT ont esté la wilaya et les domaines et ont eu gain de cause. Par contre, il y a eu, selon le procureur général, vente de gré à gré par l’Agence foncière au profit de deux personnes.

Le directeur de l’Agence foncière, Tayeb Laouffi, devait s’expliquer lui aussi sur ces différentes opérations. Il reviendra plusieurs fois sur le statut de l’agence qui est une sorte d’agent immobilier de l’Etat. Sur le terrain vendu à deux particuliers au quartier Ibn Rochd, il dira que l’agence a réalisé un bénéfice de deux millions de dinars. Le terrain a été vendu sur décision «exécutoire» du conseil d’administration de l’agence. «Je suis une entreprise commerciale, je n’ai aucun outil de contrôle ou d’intervention». Il mettra la responsabilité du non-respect de l’affectation pour la clinique et le garage sur les autorités concernées par le permis de construire et l’urbanisme. Quant à la situation juridique du site, affecté aux PTT, il dira qu’il ne le savait pas au moment de la cession. La parcelle a été revendue par la suite à une entreprise dont le père de M. Laouffi est actionnaire, précisera le procureur général. Le terrain dont a bénéficié le Dr Bouarffa à El-Othmania l’a été sur décision de l’assemblée en 1989. «J’ai appliqué la loi, l’opération est légale», dira-t-il. Il rappellera que ce terrain faisait partie d’un lot de 75 terrains attribués en 1989 bien avant la création de l’agence. «Je n’ai fait que régulariser la situation des communes». Interrogé par l’avocat du docteur, il dira que «beaucoup de gens ont revendu ces terrains après». Autre terrain, celui vendu à Bachir Frik. D’une surface de 752 m² à Hay Salam, il lui a été cédé pour la construction de 8 logements. «M. Frik a fait un dossier sans préciser un terrain spécifique. Je l’ai averti que ce terrain concernait la construction de 8 logements. Il était d’accord vu qu’il a 7 enfants», dira M. Laouffi. Bachir Frik confirmera ces propos ajoutant que le terrain est toujours non construit. «Ce terrain est toujours tel quel. Il y a eu des problèmes à Oran et je ne pouvais plus construire», dira l’ancien wali.

Tayeb Laouffi devait répondre également sur des ventes effectuées pour des proches dont sa femme et son frère. Sa femme a acquis un terrain promotionnel pour 299 230 DA qu’elle a revendu par la suite pour 600 000 DA. A chaque fois, il estimera que les opérations ont été effectuées de manière légale. La présidente relèvera pour autant qu’en Oranie, tous les postulants n’ont pas eu la même chance que les parents de M. Laouffi. Contrairement à ce qui était attendu bien avant la tenue du procès, les accusés ne se sont pas pour autant chargés les uns les autres ou déchargés de leurs responsabilités sur les autres accusés.

Samar Smati


DILAPIDATION DU FONCIER

La version Bachir Frik

Le Quotidien d’Oran, 23 avril 2005

Attendu depuis l’ouverture du procès de la dilapidation du foncier de la wilaya d’Oran au niveau du tribunal criminel près la Cour d’Alger, Bachir Frik, ancien premier responsable de la wilaya d’Oran, a commencé à se défendre hier en fin d’après-midi. Un wali, un ancien chef de sûreté de wilaya et un général-major sont nommément cités par l’accusé à la barre.

Pour Bachir Frik, « on ne met pas un wali en prison pour un fonds de commerce, un bout de terrain ou un appartement ». L’ancien wali n’est pas allé par quatre chemins pour dénoncer ce qu’il qualifie de complot ourdi contre lui par des « forces occultes » et qui se retrouvent dans tous les rouages locaux d’Oran. La présidente du tribunal relèvera que la juridiction siège en « toute transparence ». « J’aimerais qu’on cite les noms. Une personne ne représente pas un corps », dira-t-elle.

L’ancien wali réitérera des propos déjà exprimés. « L’ancien directeur de l’action sociale, Kada Hezile, a constitué un dossier qu’il a remis au président de la République et au chef de l’état-major». Dans ce dossier, précisera Bachir Frik, il cite nommément « Kouadri Mustapha, ancien wali d’Oran, Mokrani Mokhtar, ancien chef de sûreté de wilaya, l’ancien chef de la 2e Région militaire, le général-major Kamel Abderrahim et un haut responsable de la douane ». Le dossier porte, selon lui, sur « une affaire de drogue » et les personnes nommées ont « fabriqué » une affaire sur la « mafia » du foncier. « Il leur fallait un bouc émissaire pour porter le chapeau. Ils étaient relayés par les journaux locaux pour détourner l’opinion publique ». D’autant, a-t-il ajouté, que les personnes qu’il cite ont cru que c’était lui qui les avait dénoncées. L’ancien wali d’Oran s’estime « victime autant que la justice qui s’est retrouvée impliquée dans une affaire qui n’existe pas ».

Le procureur général exprimera à ce moment-là son exaspération en demandant à Bachir Frik d’éviter de parler de politique. Ce qui créera un incident avec les avocats de la défense. « Mon client dit vrai. Tout ça est vrai et vous ne voulez pas le laisser parler. Vous l’avez enfermé pendant 39 mois et vous ne voulez pas le laisser parler! », s’exclamera Me Miloud Brahimi. Bachir Frik s’interrogera, aussi, sur le temps mis pour enclencher la procédure. « Comment se fait-il que Bedrissi qui m’a succédé à la wilaya n’a pas trouvé d’anomalies concernant le foncier pendant deux ans et que Kouadri n’en a pas non plus trouvé la première année de son mandat à Oran ?

Juste après cette affaire, il s’est rendu compte qu’il y avait des problèmes avec le foncier ? », s’est demandé l’ancien wali. Quant à la partie civile, la wilaya en l’occurrence, elle n’a pas les prérogatives de se constituer, a-t-il précisé, ajoutant que lui n’avait jamais géré les biens de la wilaya qui relèvent des domaines et de l’agence foncière.

Hormis cette sortie de l’ancien wali d’Oran, sa première audition a tourné autour du terrain Ibn Rochd, auparavant affecté en 1979 aux PTT et qui leur a été retiré pour être vendu à un général et à un ancien ministre sur arrêté du wali en 1994. « Le DRAG qui s’est constitué partie civile m’a remis le dossier concernant ce terrain. Il l’a géré et chapeauté techniquement pendant une année sans faire mention de son affectation aux PTT. Ce n’est qu’après avoir signé l’arrêté que le directeur des PTT m’a appelé. Je lui ai conseillé de porter l’affaire devant la chambre administrative », a précisé Bachir Frik.

La présidente du tribunal l’interrogera alors sur le choix de l’affectation portant sur la création d’une clinique et d’un parking. Ce choix revient, selon lui, à l’agence foncière. Tayeb Laouffi, responsable de l’agence, précisera à ce sujet qu’en l’absence de PDAU à l’époque, son institution proposait trois affectations qui sont soumises au comité technique. « La direction de la réglementation contrôle toute la procédure et la régularité des pièces. Elle pouvait agir à ce moment-là », dira Bachir Frik. Nouvel incident entre un avocat de la partie civile et l’avocat de la défense. Exaspéré par la tournure des questions du mandataire des PTT, Me Brahimi dira: « Il ne m’est jamais arrivé de confondre ma robe avec celle du procureur général en représentant la partie civile ». Pour le procureur général, les robes « ont la même couleur ».

Bachir Frik précisera face au représentant du ministère public qu’il n’avait pas connaissance de l’affectation de 1979. Quant aux bénéficiaires, il ne les connaissait pas non plus. « Vous ne connaissiez pas l’ancien ministre des PTT ? Et l’autre alors ? », demandera le procureur général. Pour Bachir Frik, « c’est un général » mais qu’il n’a jamais rencontré de sa vie. Sa responsabilité, il l’assume administrativement, précisera-t-il. « Votre signature a eu des conséquences: la dilapidation des biens de l’Etat. Est-ce que vous en répondez pénalement ? », demandera le procureur général. Non, la réponse de Bachir Frik est ferme. Ce qui provoquera une réaction de la présidente du tribunal. « Dans ces conditions, j’aimerais bien être wali », dira-t-elle, tout en précisant qu’il reviendra au tribunal de déterminer la responsabilité.

Me Miloud Brahimi se demandera quelle réponse pouvait bien attendre le procureur général en posant une telle question. Face aux questions répétés du ministère public concernant l’affectation préalable du terrain aux PTT, Me Brahimi fera dans l’humour. « On oublie que l’arrêté d’affectation date de 1979. Celui du wali de 1994, soit quinze ans après. Est-ce qu’on ne peut pas poursuivre les PTT pour mauvaise gestion ? », demandera-t-il. Les auditions ont été suspendues. Elles reprennent aujourd’hui à neuf heures. Le procès devrait se poursuivre toute la journée.

Samar Smati