Avant-projets de lois sur les partis, associations, loi électorale et code de l’information
Avant-projet de loi sur les partis politiques
Pas de retour du parti dissous et de ses militants
Dans une mouture de l’avant-projet de la loi sur les partis, le ministère de l’Intérieur ferme totalement les portes à la renaissance du Fis dissous sous un nouveau sigle. Il propose, en outre, la limitation des mandats des chefs de parti et notifie que l’absence de réponse de l’administration à une demande d’agrément d’un nouveau parti, après expiration des délais, “vaut décision de rejet”.
La page du FIS dissous semble définitivement tournée par les hauts responsables de l’État. Dans une copie de l’avant-projet de loi sur les partis politiques à laquelle certains médias ont eu accès, il est clairement énoncé que la libre création d’un parti politique est garantie “dans le cadre de la loi, ainsi que la libre expression de ses idées et de son projet et le libre exercice de ses activités, sous réserve que cette liberté ne soit pas détournée en vue de reconstituer un parti dissous”. Plus explicite dans l’article 10 : “Le parti politique ne peut recourir à la violence ou à la contrainte quelles que soient la nature ou les formes de celles-ci. Il ne peut, en outre, s’inspirer, pour mettre en œuvre le programme d’action, d’un parti politique dissous.” Il est interdit, aussi, de compter parmi les membres fondateurs d’un parti politique, à toute personne qui ne jouit pas pleinement “de ses droits civils et civiques” ou qui a été condamnée à “une peine privative de liberté pour crime ou délit” ou encore avoir fait “l’objet d’une interdiction d’exercer une activité politique, conformément à la législation en vigueur”.
L’amendement de fond pour l’actuelle loi sur l’organique des partis politiques est proposé dans les articles 32 et 36. D’abord le délai accordé au ministère de l’Intérieur pour examiner les demandes d’agrément de constitution d’un nouveau parti politique est rallongé de 60 jours à 90 jours. Dans le texte en vigueur, une absence de notification de rejet, après expiration des délais réglementaires, équivaut à une validation de fait de la création de la formation politique. Ce qui a conduit à des situations ambiguës pour des partis politiques, interdits d’activités partisanes alors qu’aucune décision de refus d’agréments ne leur est parvenue des institutions compétentes. Les services du département de Daho Ould Kablia ont tenu vraisemblablement à corriger ce qu’il considère comme erreur. Ils établissent que “le silence de l’administration après expiration du délai, qui lui est imparti, vaut décision de rejet…”. Cette mesure est, toutefois, susceptible de recours sous forme de saisine du Conseil de l’État par les membres fondateurs.
Au chapitre portant sur le fonctionnement et l’activité du parti politique, le gouvernement a introduit également une modification significative. L’article 49 donne à “tout membre du parti politique, en vertu des principes de l’alternance et de la limitation des mandats, le droit légitime d’accéder aux responsabilités dans la conduite des affaires du parti politique lorsque les conditions définies pour l’expression du libre choix de la volonté des adhérents sont réunies”. Il est posé, aux partis politiques, la condition de respecter la proportion d’un tiers de femmes et d’un tiers de jeunes dans le nombre de ses adhérents. “Le parti politique, dans le cadre de ses activités, doit utiliser les langues nationales”. Ce qui sous-entend qu’aucun responsable politique n’aura le droit de s’exprimer en langue française lors de manifestations partisanes publiques.
L’article 75 dispose que la dissolution d’un parti politique peut être demandée par le ministre de l’Intérieur devant un tribunal administratif pour les trois raisons suivantes : exercice d’une ou plusieurs activités autres que celles prévues dans les statuts du parti ; que ce dernier n’active plus sur la scène politique ou n’a pas présenté des candidats à quatre élections au moins, et enfin dans le cas de récidive dans la violation des lois en vigueur ou troubles de l’ordre public, après une première suspension. Évidemment, il est interdit
aux partis politiques de “recevoir directement ou indirectement un soutien financier ou matériel d’une quelconque partie étrangère ou à quelque titre ou forme que ce soit”.
Il est à noter que ce sont là les principales dispositions de l’avant-projet de loi sur les partis politiques, proposées par le ministère de l’Intérieur. Cette copie est susceptible d’être largement modifiée tout au long de la procédure de l’adoption de la loi, c’est-à-dire lors de son passage au Conseil des ministres, puis au Parlement.
Avant-projet de loi relative aux associations
Place à l’assainissement et à l’organisation
Par : Hafida Ameyar
L’avant-projet de loi relative aux associations, devant être déposé au Parlement pour sa session d’automne, place le mouvement associatif dans le cadre de l’“approfondissement du processus démocratique en cours”. D’après le ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales, les modifications apportées à la loi visent à améliorer notamment “l’initiative associative et (les) voies de recours”, “l’allégement des contrôles excessifs”, “la clarification de l’objet et de la nature”, “des associations à caractère spécifique” et le “régime des financements, des aides et soutiens”, ainsi que “la protection des associations contre les ingérences et les influences occultes ou déclarées” et “l’activité des associations étrangères”. L’avant-projet de loi propose même “la création d’une instance nationale consultative”, qui doit représenter le mouvement associatif, sans s’interroger vraiment sur la marge d’autonomie tant nécessaire aux associations nationales. Dans l’avant-projet, il est mentionné que la constitution de l’association sera soumise à “une déclaration constitutive et à la délivrance d’un récépissé d’enregistrement” (article 7). Si l’association rencontre un refus dans la délivrance du récépissé d’enregistrement, elle disposera alors d’un délai de quatre mois “pour intenter une action en annulation devant la juridiction administrative compétente” (article 10). Une fois le délai passé et en cas de silence de l’administration, l’association est “de plein droit régulièrement constituée” (art. 10). Dans le cas où l’administration n’exercerait pas de recours, l’association est “définitivement constituée et réputée enregistrée” (art. 10).
Une fois l’association “agréée”, celle-ci peut, entre autres, conclure tout contrat, convention ou accord en rapport avec son objet, acquérir “à titre gracieux ou onéreux” des biens meubles ou immeubles pour exercer ses activités, et recevoir des “dons et legs conformément à la législation en vigueur” (art. 16). Par ailleurs, elle est tenue de transmettre régulièrement, à l’autorité publique compétente, “copies de leurs rapports annuels, moraux et financiers” (art. 17), sinon elle sera punie et
devra verser “une amende de 2 000 DA à 5 000 DA” (art. 19).
Dans le chapitre des droits et obligations, il est stipulé que l’adhésion des associations à des associations internationales est possible, mais elle nécessite “l’avis du ministère des Affaires étrangères” (art. 21). Le même type de condition est fixé pour les associations qui coopèrent avec des ONG et des associations étrangères, puisque cette “coopération (…) est subordonnée à l’accord préalable des autorités compétentes” (art. 22). Autre précision : en dehors des relations de coopération dûment établies (cotisations, revenus liés à leurs activités associatives et à leur patrimoine, dons et legs, revenus des quêtes, subventions consenties par l’État, la wilaya ou la commune), les associations algériennes n’auront plus le droit de “recevoir des fonds provenant des légations et ONG étrangères” (art. 28). Par ailleurs, toute association doit tenir “une comptabilité à partie double validée par un commissaire aux comptes” et disposer d’un compte ouvert auprès d’une banque (art. 35).
Pour ce qui est des associations étrangères, leur création est soumise à l’agrément préalable du ministère de l’Intérieur, qui est tributaire de “l’avis” du MAE (art. 57). En cas de refus du ministère de l’Intérieur, la “décision express” de ce refus est susceptible d’un recours en annulation devant le Conseil d’État (art. 59). Si l’association étrangère a obtenu un agrément, celui-ci “peut être suspendu ou retiré” si elle exerce des activités autres que
celles prévues par ses statuts ou si son activité “est de nature à porter atteinte à l’ordre institutionnel établi, à l’unité nationale ou à l’intégrité du territoire national, à l’ordre public et aux bonnes mœurs” (art. 60).
Loi sur les partis, les associations, régime électoral et code de l’information
Les réformes politiques en ballottage
Par : Omar Ouali
Les projets de lois, élaborés par l’administration, suscitent déjà des critiques des partis politiques et personnalités qui considèrent que leurs propositions, faites à la commission Ben Salah, sont passées à la trappe.
Le gouvernement est engagé dans une haletante course contre la montre pour préparer ce qui est convenu d’appeler “les textes des réformes politiques”. Trois jours par semaine ponctués par des séances de travail marathon : c’est le rythme imposé par Ouyahia, qui préside les réunions, nous ont révélé des sources ministérielles. Quatre projets de loi sont déjà prêts, dont trois élaborés par le ministère de l’intérieur (loi sur les partis, loi sur les associations, code électoral) et un par le ministère de la communication (code de l’information). Ces avant-projets futés par des canaux officieux, qui font d’ailleurs ces jours-ci le miel des commentateurs politiques, seront présentés et discutés lors du prochain conseil des ministres, qui devrait se tenir dimanche prochain, selon nos sources. Cela étant que les membres du gouvernement ont bossé dur pour être au rendez-vous est une chose. Une autre chose est que ces projets de loi posent un problème de lisibilité politique, s’agissant en l’occurrence de leur mode d’articulation aux réformes politiques elles-mêmes promises urbi et orbi par le président Bouteflika dans son discours du 15 avril dernier.
En apparence, en tout cas. Car la logique, tout court, aurait voulu que ces projets de loi viennent en aval des consultations politiques engagées par le président Bouteflika, à travers la commission Bensalah. Ces textes sont censés être une sorte de quintessence de ces réformes, notamment sur les aspects qui font consensus entre les acteurs et personnalités politiques qui ont accepté d’être partie prenante de ces consultations. Or, le rapport de ces consultations, remis par Bensalah à la présidence, est vraisemblablement en stand-by. On ne sait pas qu’en est-il advenu, alors qu’il aurait dû être le fil rouge dans l’élaboration des textes. Le pire est que ces projets de loi sont à certains égards à contre-courant des propositions faites à la commission Bensalah. Les personnalités et partis consultés, s’agissant de la presse par exemple, ont tous revendiqué une plus grande liberté de notre système d’information, en partant du constat objectif qu’il est à la traîne, qu’il est répressif.
Paradoxalement, la copie présentée par le ministère de la communication a maintenu des emprisonnements pour certains délits, en plus de lourdes peines financières. La disposition d’emprisonnement est finalement retirée de l’avant-projet à cause de la levée de boucliers qu’elle avait suscitée, car en total décalage avec le combat des journalistes qui luttent depuis des années pour la dépénalisation du délit de presse.
Dans ce même avant-projet, l’ouverture de l’audiovisuel réclamée, y compris par le FLN, le RND, le MSP, est renvoyée à la semaine des quatre jeudis au motif (à chaque fois ressorti comme un spectre dévastateur) que l’Algérie ne serait pas encore prête. Par rapport à quoi ? Par rapport à qui ? Le projet de loi sur les partis n’est pas lui aussi exempt de critiques. Certaines formations, qui ont pris part aux consultations, n’ont pas mis du temps à dire tout le bien qu’elles en pensent. Le cas, par exemple, de cette disposition absurde, débile à travers laquelle les rédacteurs du projet veulent limiter à deux les mandats des chefs de parti politique. Cela s’appelle de l’ingérence dans la vie interne du parti politique. Ce n’est pas à l’administration de décider à la place des militants.
En revanche, il aurait été plus sensé de retrouver dans ce projet un alinéa qui viendrait limiter les mandats électifs.
Que ce soit pour le maire, pour le député et pourquoi pas pour le président de la république. Également en ce qui concerne les cumulards qui ont la double casquette de responsable syndical et de député. Le RND et le FLN en savent quelque chose. Après ces observations, faites sur la base des premières réactions qui se sont exprimées, se pose une première question à ce niveau : est-ce que la copie finale des projets qui sera adoptée par le conseil des ministres avant le passage au parlement sera mise en jonction des projets du gouvernement avec le rapport de la commission de consultation ? Espérons-le, en tout cas. Sinon, les consultations du mois de juin n’auront été finalement que de “la mise en scène” en trois D. Ce qui donnerait alors a posteriori raison aux partis de l’opposition qui ont boycotté. Qui donnerait aussi de la déception pour les formations qui ont pleinement adhéré au processus de consultation. Mais toujours est-il l’existence de deux démarches parallèles par rapport à la façon de donner corps à ces réformes politiques témoigne, pour le moins, d’une sorte de bicéphalisme au sommet de l’état.
Avant-projet de loi électorale
Diplôme universitaire exigé pour les candidats à la députation
Par : Djilali Benyoub
L’avant-projet de loi relative au régime électoral présenté le 21 août en réunion du gouvernement, qui l’a endossé, n’a pas révolutionné l’ancienne loi, pas innové non plus pour surprendre. Pas plus de cinq articles supprimés sans vraiment d’incidence sur les dispositions générales du texte. Rectification des listes électorales par le wali, comptage des enveloppes avant le début des scrutins, cumul des mandats, non-remplacement d’élus en dernière année de mandat, et enfin le barème de rémunération des agents réquisitionnés.
Les deux premiers articles n’apportent pas de grands changements au texte dans la mesure où ils sont “formels” alors que le troisième n’existe pas dans la configuration algérienne. Un élu local ne peut cumuler avec un mandat national ou un quelconque autre mandat. Reste les deux derniers qui concernent le remplacement du siège d’un élu resté vacant, une fois la vacance constatée, par un autre à une année de la fin du mandat et la non-rémunération des agents réquisitionnés pour les opérations de vote. Ce qui, pour cette dernière disposition, mettra fin à la course à l’enveloppe mise à la disposition des commissions électorales et de leurs démembrements locaux.
En revanche, il n’y a aucune trace de la promesse faite à la femme de bénéficier d’un espace de 30% alors que les partis, déjà en précampagne, notamment ceux de l’Alliance présidentielle, ne cessent de marteler leur engagement en faveur de cette “décision”. Cela malgré, précise le FLN, la difficulté inhérente au poids des traditions dans certaines régions où l’on verrait mal une femme à la tête de l’APC, surtout en milieu rural. Un handicap “social” que l’ex-parti unique n’a jamais inclus dans ses projets. Les autres dispositions du projet de loi ont été reconduites, réaffirmées, sachant que la majorité des partis politiques a dénoncé non pas leur contenu mais essentiellement leur violation dans le cadre de “la fraude” qui a caractérisé différents scrutins.
Les partis ou leurs représentants peuvent disposer des listes électorales annuellement révisées, le dernier trimestre de chaque année et exceptionnellement trois mois avant le vote. Toute l’opération de vote est encadrée, partant de l’inscription sur les listes électorales jusqu’au moindre détail, allant des candidatures, critères et dossiers jusqu’à la proclamation des résultats.
Dans le scrutin local, les candidats ou listes ayant eu moins de 10% des voix sont éliminés alors que la moyenne d’âge pour se présenter est de 23 ans. Les listes familiales (pas plus de 2 membres d’une famille admis) sont interdites. Pour l’APW, l’âge est de 28 ans, être de nationalité algérienne ou l’avoir acquise depuis au moins 20 ans. Idem pour les députés. Autrement dit, seuls les nationaux et les naturalisés depuis vingt ans et plus sont éligibles. Les binationaux sont exclus.
Les candidats indépendants doivent recueillir 400 signatures
La seule nouveauté notable est dans la proposition d’un seuil d’instruction pour les candidats à la députation. Le dossier doit contenir le diplôme universitaire du candidat, est-il mentionné dans l’avant-projet. Une disposition qui va certainement faire débat parce qu’elle est, au même titre que le quota des femmes, impossible à imposer dans l’immédiat quand bien même elle est souhaitable compte tenu de l’importance et de la valeur des lois qui sont adoptées par l’Assemblée nationale. Autre nouvelle disposition, la présence de magistrats dans les commissions de contrôle. Après débat au sein du gouvernement, il a été proposé de mettre à la tête de la commission locale, au niveau de l’APC un magistrat, au niveau de la commission de wilaya également, et à la tête de la commission nationale trois magistrats.
Pour la présidentielle, les conditions sont restées les mêmes. L’interdiction de financement étranger est réaffirmée, les signatures pour l’éligibilité à la candidature maintenues, l’utilisation des langues étrangères dans les campagnes bannie tout comme la propagande et les institutions, écoles, administrations et lieux du culte. La publication des sondages relatifs aux intentions de vote est interdite cinq jours avant la date du scrutin.
Les contrevenants sont renvoyés à des dispositions du code pénal et de la loi contre la corruption pour les cas de financement étranger ou douteux.